ÉTUDES
DANS LES ÉCRITURES
VOLUME
II - LE
TEMPS EST PROCHE
ÉTUDE
IX
L'HOMME DU
PÉCHÉ —
L'ANTICHRIST
L'Antichrist doit être développé, manifesté et détruit avant le jour du
Seigneur. — Considération d'une vue opposée à celle-ci sur ce sujet. —
Esquisse prophétique. — La naissance de l'Antichrist. — Son
développement rapide. — Le tableau qu'en donne l'histoire et sa
description par la Bible s'accordent. — Son royaume est une contre-
façon. — Sa tête et sa bouche remarquables. — Ses grandes et arrogantes
paroles de blasphème. — Ses enseignements blasphématoires. — Il
extermine les saints du Très-Haut. — Son règne millénaire. — L'antichrist
frappé par l'épée de l'Esprit. — Sa lutte finale et sa fin.
“Que personne ne vous séduise en aucune manière, car ce jour-là ne viendra
pas que l'apostasie ne soit arrivée auparavant et que l'homme de péché n'ait
été révélé, le fils de perdition”. —
2 Thessaloniciens 2 : 3.
En
regard de ces paroles de l'apôtre Paul montrant qu'un personnage qu'il
appelle “l'homme du péché” doit précéder la venue du jour du Seigneur — qui,
comme nous l'avons démontré, a déjà commencé à poindre, il est important que
nous regardions autour de nous pour voir si un tel personnage est réellement
apparu. Paul et les autres apôtres l'ont si soigneusement décrit que s'il
n'est pas encore venu, les paroles ci-dessus devraient être comprises comme
un veto de Paul à tous les autres témoignages concernant la présence du
Seigneur et l'établissement de son royaume maintenant. Ce veto doit
subsister comme un argument irréfutable jusqu'à ce que cet homme du péché
soit [[288]] reconnu et qu'il corresponde par chaque détail à la description
prophétique. Il est clairement déclaré que, non seulement cet homme du péché
doit premièrement se lever, mais qu'il doit se développer et prospérer avant
que le Jour du Seigneur vienne. Avant le jour de Christ, la prospérité et
l'influence de cette puissance auront atteint leur point culminant et seront
sur leur déclin ; c'est par la lueur éclatante de la présence du Seigneur à
son second avènement que cet homme du péché sera entièrement détruit. Il
nous faut observer ces circonstances prédites, .afin de savoir si cet
avertissement à l'Eglise dans les jours de Paul sont encore applicables de
nos jours. Aujourd'hui, après dix-huit siècles, nous prétendons de nouveau
que le jour de Christ est venu ; et cette importante question se présente :
Y a-t-il quelque chose dans ce que Paul a dit pour corriger l'erreur des
Thessaloniciens qui soit maintenant une objection à cette prétention ?
L'apôtre exhorte l'église à veiller pour le retour du Seigneur et à prêter
attention à la ferme parole prophétique. Par le soin avec lequel il indique
les lignes de la présence de Christ et le caractère de son œuvre dans ce
temps-là, etc., il est évident qu'il était tout aussi soucieux que l'église
sache reconnaître la présence du Seigneur lorsqu'il sera venu, que de ce
qu'elle ne soit jamais déçue par l'erreur qui consistait à croire qu'il
serait venu avant le temps de sa présence. Ceux qui, au commencement de cet
âge, tombèrent dans cette dernière erreur, furent exposés aux tromperies du
principe de l'Antichrist qui agissait déjà à ce moment-là, de même que ceux
qui manquent de reconnaître le jour du Seigneur et sa présence au bon moment
sont exposés à de continuelles séductions, aux fausses doctrines de
l'Antichrist, et sont rendus aveugles quant aux grandes vérités et aux
privilèges spéciaux de ce jour. Voilà pourquoi [[289]] l'apôtre est si
soucieux pour l'église du commencement comme pour celle de la fin de cet âge
; de là son avertissement : “Que personne ne vous séduise d'aucune manière”.
De là aussi la description exacte de l'homme du péché, afin qu'il puisse
être reconnu dans son temps.
Tandis que les chrétiens à la fin de cet âge sont portés à oublier même la
promesse du retour du Seigneur, ou n'y pensent que pour l'envisager avec
terreur et sous de mauvais présages, l'église primitive l'attendait avec un
ardent désir et avec une joyeuse anticipation, comme la réalisation de
toutes ses espérances, la récompense de toute sa fidélité et la fin de
toutes ses afflictions. C'est pour cela que les premiers croyants étaient
disposés à écouter diligemment tout enseignement qui prétendait que le Jour
du Seigneur était ou très proche ou présent. Ils étaient par conséquent en
danger d'être séduits sur ce point s'ils n'étudiaient pas avec soin les
enseignements des apôtres sur ce sujet. L'église de Thessalonique,
influencée par les enseignements erronés de quelques-uns que le Seigneur
était de retour et qu'ils vivaient dans son jour supposait évidemment que
l'idée était en harmonie avec les enseignements de Paul dans la première
épître qu'il leur avait écrite et dans laquelle il dit (1
Thessaloniciens 5 : 1-5) que le jour du Seigneur viendrait à la
dérobée, tranquillement et inaperçu, comme un voleur dans la nuit ; qu'eux,
les saints, en auraient la pleine intelligence tandis que les autres s'y
trouveraient sans le savoir. Apprenant l'erreur sérieuse dans laquelle ils
étaient tombés, de croire que le Seigneur était déjà là, présent, Paul leur
écrivit une seconde épître dont la pensée centrale fut de corriger cette
erreur. Il dit : “Pour ce qui concerne la présence de notre Seigneur
Jésus-Christ et notre réunion avec lui, nous vous prions, frères, de ne pas
vous laisser facilement ébranler [[290]] dans votre bon sens, et de ne pas
vous laisser troubler, soit par quelque inspiration, soit par quelque
parole, ou par quelque lettre qu'on dirait venir de nous, comme si le jour
du Seigneur était déjà là [enistemi, est présent]. Que personne ne
vous séduise d'aucune manière, parce [qu'il ne viendra pas] que l'apostasie
ne soit venue auparavant et que ne soit révélé l'homme du péché, le fils de
la perdition, celui qui s'oppose et qui.s'élève au-dessus de tout ce qu'on
appelle dieu [ou puissant gouverneur] ou de ce qu'on adore, jusqu'à
s'asseoir dans le Temple de Dieu, se proclamant lui-même un dieu. Ne vous
souvenez-vous pas que je vous disais ces choses lorsque j'étais encore avec
vous ? “Et maintenant, vous savez ce qui le retient, afin qu'il [Christ]
soit révélé en son propre temps. Car le mystère de l'iniquité
[l'insubordination à Christ] agit déjà; il faut seulement que celui qui le
retient encore ait disparu. Et alors paraîtra l'impie que le Seigneur Jésus
détruira par le souffle de sa bouche, et qu'il anéantira. par l'éclat de sa
[parousia] présence”. Paul pouvait écrire ainsi positivement du
développement de l'homme du péché avant le jour du Seigneur, à cause de son
étude de la prophétie de Daniel, de laquelle aussi notre Seigneur parle (Matthieu
24 : 15) ; et probablement aussi parce qu'à Paul lui-même, dans
ses “visions et révélations”, avait été montrée la grande dévastation que ce
Système devait faire dans l'Eglise.
Il
faut remarquer que Paul n'usa pas d'arguments tels que certains aujourd'hui
sont enclins à employer contre la prétention que le jour du Seigneur est
commencé. Il ne dit pas : 0 ! Thessaloniciens insensés, ne savez-vous pas
que lorsque Christ viendra, vos yeux le contempleront et vos oreilles
entendront le terrible son de la trompette de Dieu ; que vous en aurez en
outre la preuve dans l'ébranlement des tombes et dans la sortie des saints
de celles-ci. N'est-il pas évident que [[291]] si un semblable raisonnement
avait été approprié, Paul se serait empressé de se servir d'un argument
aussi simple et facile à saisir ? Le fait qu'il ne s'en servit pas ne
prouve-t-il pas que cet argument n'est pas et ne peut pas être fondé sur la
vérité ?
Le
fait que dans ses efforts énergiques à corriger leur erreur, Paul n'offrait
que cette seule objection à leur prétention, est en lui-même une preuve
évidente qu'il regardait leur idée générale sur le jour du Seigneur comme
correcte, que ce jour pouvait venir sans être signalé par des démonstrations
extérieures et qu'il pouvait être commencé tandis que beaucoup
l'ignoreraient. Paul n'avait que cette raison pour son objection, c'est que
premièrement l'apostasie devait venir et, comme suite à celle-ci, le
développement de l'homme du péché, — quel qu'il fût (un simple individu ou
un grand système anti-chrétien qu'il personnifierait de la sorte) — qu'il
devait apparaître, fleurir et commencer ensuite à décliner, avant le jour de
la présence du Seigneur. Ainsi donc, si cette seule objection faite par Paul
n'est plus un obstacle, si nous constatons clairement et actuellement
l'existence de cet homme du péché, dont l'histoire corresponde dans chacune
de ses particularités à la description prophétique, depuis le commencement
de son existence jusqu'au temps présent, — alors l'objection de. Paul qui,
elle seule, était à sa place en son temps, n'est plus aujourd'hui une
objection valable contre la prétention actuelle que nous vivons dans le jour
du Seigneur, le jour de sa présence. De plus, si l'homme du péché peut être
facilement distingué, si son apparition, son développement et son déclin
peuvent être clairement vus, ce fait devient alors une autre preuve
corroborative des enseignements des chapitres précédents, qui montrent que
nous sommes maintenant dans le Jour du Seigneur.
[[292]]
ESQUISSE PROPHÉTIQUE DE L'HOMME DU PÉCHÉ
Celui qui étudie la prophétie y trouvera que l'homme du péché est
distinctement indiqué dans les saintes Ecritures, qui non seulement
décrivent clairement son caractère, mais montrent aussi les temps et les
lieux de son commencement, de sa prospérité et de son déclin.
C'est
justement par les noms que lui appliquent les écrivains inspirés que son
caractère est dépeint avec beaucoup de vigueur. Paul l'appelle : “Ce méchant
ou cet impie”, “l'homme du péché”, “le mystère de l'iniquité”,
“l'antichrist” et “le fils de perdition”. Le prophète Daniel l'appelle :
“L'abomination qui cause la désolation” (Daniel
11 : 31 ;
12 : 11) ; notre Seigneur parle de ce même caractère comme de
“l'abomination de la désolation”, dont a parlé le prophète Daniel (Matthieu
24 : 15) et de nouveau comme d'une “bête” (Apocalypse
13 : 1-8). Ce même caractère fut aussi préfiguré par une petite
corne, ou pouvoir, sortant d'une terrible bête que Daniel vit dans sa vision
prophétique, avec des yeux, et une bouche qui proférait de grandes choses ;
elle prospérait, faisait la guerre contre les saints et elle les vainquit (Daniel
7 : 8,21). Jean vit aussi ce caractère et il en avertit l'église
en disant : “Vous avez entendu dire que l'antichrist vient” ; il leur montre
alors comment ils peuvent échapper à son influence (1
Jean 2 : 18-27). Le livre de l'Apocalypse, également, est dans
une large mesure une prophétie symbolique détaillée sur ce même antichrist ;
mais nous ne pouvons que l'effleurer ici, réservant son examen plus
particulier pour un volume suivant.
Ces
diverses appellations et brèves descriptions montrent un caractère subtil,
trompeur, hypocrite, tyrannique et cruel qui s'est développé au sein de
l'église [[293]] chrétienne. C'est un caractère s'insinuant d'abord d'une
manière graduelle et s'élevant ensuite rapidement en puissance et en
influence pour en arriver à l'apogée de la puissance, de la richesse et de
la gloire terrestres, tout en exerçant son influence contre la vérité,
contre les saints et pour son propre agrandissement, prétendant jusqu'au
bout avoir reçu la sainteté, l'autorité et la puissance de Dieu.
Nous
nous proposons de démontrer dans ce chapitre que l'homme du péché est un
système et non un simple individu, comme beaucoup semblent le croire ; de
même que le Christ consiste dans le vrai Seigneur et dans la vraie Eglise,
ainsi l'antichrist est un système de contrefaçon, consistant en un faux
seigneur et en une église apostate, à qui il fut permis pour un temps de
dénaturer la vérité, de pratiquer la tromperie, de contrefaire l'autorité et
le règne futurs du vrai Seigneur et de son Eglise, et d'enivrer les nations
par de fausses et présomptueuses prétentions.
Nous
espérons prouver à la satisfaction de tout lecteur consciencieux que cette
grande apostasie ou chute mentionnée par Paul, est venue, et que cet homme
du péché a été développé, qu'il s'est “assis dans le temple de Dieu” (le
temple réel, non le typique); qu'il a accompli toutes les prédictions des
apôtres et des prophètes concernant son caractère, son œuvre, etc. qu'il a
été révélé et que maintenant, depuis 1799, il se consume par l'esprit de la
bouche du Seigneur [la vérité]; et qu'il sera entièrement anéanti durant ce
jour de la colère de l'Eternel, jour qui a déjà commencé à se révéler par le
feu de flammes de la rétribution.
Sans
vouloir traiter à la légère les opinions des autres, nous croyons néanmoins
nécessaire d'indiquer au lecteur quelques-unes des absurdités en rapport
avec ce qui est généralement cru sur l'antichrist, afin que la dignité et le
caractère raisonnable de la vérité sur ce [[294]] sujet puissent être
estimés .convenablement par contraste avec cette affirmation étroite que
tout ce que les Ecritures ont prédit concernant ce caractère s'accomplirait
par un seul homme au sens propre. Cet homme, prétend-on, exercera une telle
influence sur le monde entier qu'en peu d'années il accaparera les hommages
et l'adoration de tous les hommes ; qu'il saura si bien s'imposer aux hommes
et les tromper qu'ils le prendraient pour Dieu et l'adoreraient comme le
Tout-Puissant Jéhovah, dans un temple juif rebâti. Tout cela se passerait,
disent-ils, avec une rapidité foudroyante, — en trois ans et demi, —
interprétant aussi mal le temps symbolique que “l'homme” symbolique
lui-même.
Les
fables, les légendes absurdes et les contes d'enfants les plus imaginaires
ne fournissent rien de semblable à ces vues extrêmes de quelques chers
enfants de Dieu qui trébuchent et tombent sur une interprétation littérale
du langage de Paul. En agissant ainsi, ils s'aveuglent eux-mêmes et en
aveuglent d'autres relativement à de nombreuses et précieuses vérités,
lesquelles à cause de l'erreur sur ce sujet, ils ne sont pas préparés a voir
clairement et sans préjugés. Peu importe jusqu'à quel point nous pouvons
sympathiser avec eux, leur foi aveugle fait forcément sourire lorsqu'ils
parlent d'un ton sérieux des différents symboles de l'Apocalypse qu'ils ne
comprennent pas, en les attribuant littéralement à leur homme merveilleux.
Ne veulent-ils pas nous faire croire que dans ce siècle, le plus sceptique
que le monde ait jamais connu, il aurait dans ces courts trois ans et demi
tout le monde à ses pieds, l'adorant comme un Dieu, tandis que les César,
les Alexandre, les Napoléon, les Mahomet et d'autres durent traverser les
mers de sang et employer plusieurs fois trois ans et demi sans avoir
accompli la millième partie de ce que ferait cet homme.
[[295]]
Cependant ces conquérants avaient tous les avantages de l'ignorance et de la
superstition profondes pour les aider, tandis qu'aujourd'hui nous vivons
dans des conditions bien plus défavorables à un semblable développement de
tromperie et de fraude ; dans un temps où les choses cachées sont
manifestées comme jamais auparavant ; dans un temps où une fraude de cette
sorte serait pas trop absurde et ridicule pour être prise en considération.
La tendance de nos jours est en effet plutôt dans la direction d'un manque
de respect pour les hommes, quels que soient leurs talents, leur bonté,
leurs capacités, les postes de confiance et d'autorité qu'ils peuvent
occuper. Cela est tellement vrai qu'on verrait plus vite le monde entier
nier qu'il y ait un Dieu quelconque que de le voir adorer un de ses
semblables comme le Dieu Tout-Puissant.
Un
grand obstacle pour beaucoup lorsqu'ils considèrent ce sujet, est la fausse
idée qu'on se fait généralement sur le terme dieu ; on ne voit pas que le
mot theos (dieu) ne s'applique pas uniquement à Jéhovah.
Ce
mot signifie un puissant, un gouverneur, et plus spécialement un gouverneur
religieux ou ecclésiastique. Dans le Nouveau Testament le mot theos
est rarement employé, excepté lorsqu'il est question de Jéhovah, parce que
les apôtres, dans leurs discours, parlaient rarement et peu des faux
systèmes de religion et rarement s'arrêtaient sur leurs dieux ou dirigeants
sacrés.
Dans
les textes suivants, le mot dieu (theos) est cependant employé pour
être appliqué à d'autres qu'à l'Etre suprême : Jéhovah. —
Jean 10 : 34, 35 ;
Actes 7 : 40, 43 ;
17 : 23 ;
1 Corinthiens 8 : 5.
Reconnaissant l'ampleur du mot grec theos, on verra de suite que la
déclaration de l'apôtre concernant l'antichrist — qu'il s'assiéra dans le
temple de Dieu, voulant passer pour un dieu — n'implique pas nécessairement
l'idée que l'antichrist doit s'élever lui-même au- [[296]] dessus de
Jéhovah, ni même qu'il veut essayer de se mettre à la place de Jéhovah. Elle
veut simplement dire que ce personnage se présentera lui-même .comme un
gouverneur religieux, prétendant à l'autorité et l'exerçant sur et au-dessus
de tout autre gouvernement religieux, allant même jusqu'à s'élever dans
l'Eglise qui est le vrai temple de Dieu, où il prétend exercer et où il
exerce une autorité seigneuriale comme son chef ou gouverneur autorisé.
Partout où la signification du mot theos, dans le grec, pourrait
prêter à l'équivoque, il est précédé par l'article grec quand il se rapporte
à Jéhovah; c'est comme si en français on disait le Dieu. Dans les textes
ci-dessus qui parlent d'autres dieux et dans celui-ci (2
Thessaloniciens 2 : 4) qui parle de l'antichrist, il n'y a pas
une telle accentuation.
Si
cela est bien compris, une grande pierre d'achoppement sera éloignée ;
l'esprit sera préparé à chercher les choses appropriées comme
accomplissement de cette prédiction : non pas un Antichrist prétendant être
Jéhovah et demandant à être adoré comme tel, mais quelqu'un qui prétend être
le principal et suprême maître ou docteur religieux dans l'Eglise, et qui
par cela même tente d'usurper l'autorité de Christ, le Chef, Seigneur et
Maître divinement désigné.
Il
est aussi assez étrange que ceux qui ont cette vue littérale concernant
l'homme du péché sont généralement ceux qui croient à la venue prémillénaire
du Seigneur, qui cherchent et attendent que le Seigneur vienne à “tout
moment maintenant”. Pourquoi tous ne peuvent-ils pas saisir la pensée de
l'apôtre lorsqu'il déclare positivement que le Jour du Seigneur (le Jour de
sa présence) ne peut venir et ne doit pas être attendu avant que l'homme du
péché ait été révélé ? Il avait fallu plus de quarante ans pour bâtir le
premier temple juif et il faudrait sûrement dix à vingt ans pour construire
le nouveau temple à Jérusalem avec une magnificence [[297]] plus grande que
la précédente où ils attendent qu'un homme du péché au sens propre
s'installe et soit adoré comme Dieu. Comment donc ceux qui croient de cette
manière peuvent-ils attendre la venue du Seigneur à un moment quelconque
maintenant ? Une telle manière de voir est en désaccord avec la raison,
aussi bien qu'avec la prophétie de l'apôtre. Ou bien ils devraient,
logiquement, cesser de croire à une venue du Seigneur à un moment quelconque
ou bien abandonner leur attente d'un futur homme du péché ; car le Jour de
la présence du Seigneur ne peut venir avant que l'apostasie soit arrivée et
que l'homme du péché se soit développé et ait été révélé par cette
apostasie.
Mais
lorsque nous comprenons correctement les paroles de l'apôtre et avons en
même temps des idées exactes sur la manière dont doit se faire la venue du
Seigneur, nous ne trouvons pas d'absurdités et de contradictions de ce
genre, mais un parfait accord et une harmonie convaincante. Aussi, c'est une
telle vue que nous désirons présenter maintenant ; le lecteur lui-même se
convaincra qu'elle est scripturale.
Les
différents titres appliqués à ce système sont évidemment symboliques ; ils
ne désignent pas les noms d'un simple individu, mais bien les traits
caractéristiques d'une combinaison religieuse et civile corrompue qui s'est
développée dans l'église chrétienne nominale et qui, par son opposition
subtile à Christ, le chef, et à sa véritable Eglise, son corps, mérite bien
le nom d'Antichrist. Un tel système pouvait accomplir toutes les prédictions
faites concernant l'antichrist, ou l'homme du péché, ce qu'un seul homme ne
pouvait faire. Il est en outre évident que ce système antichrist n'est pas
un des systèmes païens de religion, tels que le mahométisme ou le
brahmanisme, parce que l'église chrétienne n'a jamais été sous l'autorité
d'aucun système semblable et aucun de ces systèmes n'a son origine dans
l'église [[298]] chrétienne. Ils sont et ont toujours été indépendants de
celle-ci.
Le
système qui répond pleinement à la description donnée par inspiration doit
être un système professant le christianisme et doit contenir une grande
majorité de ceux qui prétendent être chrétiens. Il doit de même avoir débuté
par une apostasie, c'est-à-dire par une désertion de la vraie foi chrétienne
— une apostasie secrète et furtive jusqu'à ce que les circonstances aient
favorisé son élévation au pouvoir ; il faut chercher son commencement
clandestin dans les jours des apôtres — dans le désir de quelques docteurs
d'occuper une place prépondérante.
Il
n'est pas nécessaire de chercher longuement pour trouver un caractère
s'adaptant parfaitement à toutes ces exigences ; un caractère qui, décrit
par les historiens profanes ainsi que par ses propres serviteurs abusés,
s'accorde exactement avec les esquisses prophétiques concernant
l'Antichrist. Mais lorsque nous déclarons que le seul et unique système dont
l'histoire s'adapte à ces prophéties est la Papauté, que l'on ne nous
l’interprète pas comme voulant dire que chaque catholique romain est un
homme du péché, ou que les prêtres ou même les papes de l'église de Rome
sont ou ont été l'Antichrist. Aucun homme n'est l'Antichrist, “l'homme du
péché”, décrit dans les prophéties. Papes, évêques et autres, sont tout au
plus des parties ou des membres du système de l'Antichrist, de même que tous
ceux de la sacrificature royale ne sont que des membres du vrai Christ, sous
Jésus leur tête, et de la même manière que ceux-ci, dans leur condition
présente, sont dans leur ensemble l'Elie-antitype, bien qu'aucun d'eux ne
soit l'Elie ou le Christ prédit. Remarquons en outre que l'église de Rome,
considérée seulement comme système ecclésiastique, n'est pas “l'homme du
péché” et n'est jamais représenté par un homme dans aucune figure. Au
[[299]] contraire, le symbole employé pour indiquer une église considérée
indépendamment de son Seigneur et Chef, est toujours une femme. La véritable
Eglise est symbolisée par une “vierge chaste”, tandis que l'église apostate
qui est déchue de sa chasteté et de sa fidélité primitives au Seigneur est
symboliquement appelée “une prostituée”. De même que la vraie Eglise
“vierge” continue a être telle jusqu'à la fin de l'âge, moment où elle sera
unie à son Seigneur et prendra son nom, — Christ — ainsi l'église apostate
ne fut pas l'Antichrist ou l'homme du péché avant qu'elle fût unie à son
seigneur et chef, le pape, et qu'elle soit devenue un empire religieux,
faussement appelé chrétienté — c'est-à-dire royaume de Christ.
Papauté, tel est le nom de ce faux royaume ; il fut établi sur une vérité
faussement appliquée — sur cette vérité que les membres de l'église sont
appelés à être des rois et des prêtres de Dieu et à régner sur la terre.
Mais le temps de ce règne n'était pas encore venu ; l'âge de l'Evangile
n'avait pas été fixé dans ce but, mais pour la sélection, le développement,
la discipline, l'humiliation et le sacrifice de l'Eglise qui doit suivre
l'empreinte des pieds de son Seigneur en veillant et souffrant patiemment
jusqu'au temps déterminé pour l'exaltation et le glorieux règne promis —
l'âge millénaire. Le Seigneur avait vu à l'avance que le christianisme
nominal s'étendrait sur le monde et qu'en devenant populaire, il serait
embrassé par un grand nombre qui en adopteraient la forme extérieure sans
pénétrer l'esprit de son organisation. - Il avait vu par avance qu'au fur et
à mesure que les masses de ces gens s'identifieraient avec l'Eglise,
l'esprit mondain — lequel est l'opposé de l'esprit d'abnégation et de
sacrifice de soi-même — y entrerait avec elles ; que l'égoïsme et le désir
d'être grand et de dominer, s'introduisant ainsi, n'auraient pas à attendre
longtemps une occasion favorable ; que [[300]] c'est ainsi que l'Eglise
chercherait à dominer le monde avant le temps — ou plutôt que l'élément
mondain qui entrerait dans l'église ferait sentir son influence et, au nom
de la véritable Eglise, saisirait le pouvoir civil de la terre que Dieu
avait donné aux nations et qui ne peut pas passer pleinement entre les mains
de la véritable Eglise avant la fin des “temps des nations” en 1914.
C'est
ainsi que les choses se passèrent réellement : l'église nominale commença à
déchoir, à mesure qu'elle croissait en nombre sous les enseignements et
l'exemple d'hommes ambitieux dont les idées s'inclinaient de plus en plus en
faveur de l'influence et du pouvoir mondains que le nombre et la richesse
apportaient avec eux. L'esprit de l'église devint graduellement mondain et
les choses du monde furent convoitées. La suggestion ambitieuse était
celle-ci : “Si le grand Empire Romain, avec tout son pouvoir et son
influence, ses armées et ses richesses, devenait seulement le soutien de
l'église, combien il serait honorable et noble alors d'être un chrétien !
Combien alors les persécutions païennes cesseraient vite ! Non seulement
nous pourrions alors leur en imposer, mais nous pourrions aussi les
contraindre à adhérer à l'église, à la croix et au nom de Christ. Il est
évident que ce n'était pas l'intention de Dieu que l'Eglise soit à tout
jamais assujettie au monde et persécutée par lui ; les paroles de l'apôtre :
“Ne savez-vous pas que les saints jugeront le monde ?” aussi bien que les
promesses de notre Seigneur que nous régnerons avec lui et toutes ces
prophéties qui parlent du règne de l'Eglise indiquent clairement que tel est
le plan de Dieu. Il est vrai que l'apôtre écrivit que notre Seigneur
reviendrait premièrement et exalterait l'Eglise, et qu'il nous exhorte à
l'attendre ; mais plusieurs siècles sont maintenant passés et nous ne voyons
aucun signe de la venue du Seigneur. Il nous faut en conclure que les
apôtres ont été quelque [[301]] peu dans l'erreur. Pour nous, il semble
clair que nous pouvons et devons employer tous les moyens pour obtenir le
pouvoir sur le gouvernement civil et conquérir le monde pour le Seigneur. Il
faudrait aussi que l'église ait un chef, quelqu'un qui représentât le
Seigneur absent et l'église devant le monde — quelqu'un qui pût recevoir
l'hommage du monde, exercer l'autorité de Christ et gouverner le monde avec
une verge de fer, comme le prophète David l'a prédit. C'est ainsi que
graduellement, par un lent processus de raisonnements qui dura des siècles,
l'attente réelle de l'église dans la seconde venue du Seigneur, en vue de
son exaltation et de la bénédiction du monde, fut perdue de vue et qu'une
nouvelle attente prit place — l'attente du succès sans le Seigneur, sous la
suprématie et la direction d'une lignée de papes. Et c'est ainsi que par des
connivences, des intrigues et des échanges de faveurs avec le monde,
l'attente de l'église devint une fausse attente, un piège trompeur par
lequel Satan la conduisit d'erreurs en erreurs et de maux en maux, tant par
la doctrine que par la pratique.
Le
moment où l'apostasie se développa comme “l'homme du péché” fut celui où la
hiérarchie papale s'exalta elle-même sous la suprématie d'une lignée de
papes, et où elle usurpa le gouvernement de la terre et commença à régner au
nom du Royaume Millénaire de Christ et prétendit être ce Royaume. C'était un
royaume frauduleux et contrefait quelle que fût la sincérité à le croire de
certains de ses partisans. C'était un royaume frauduleusement imité, quelle
qu'ait été la sincérité de certains de ses organisateurs et soutiens. Ce
royaume était celui de l'Antichrist, peu importe la prétention de ses
partisans à croire qu'il était le règne, la puissance et la gloire du vrai
Christ sur la terre. C'est une erreur ; de croire qu'être consciencieux veut
toujours dire avoir raison. Il n'y a pas de doute que tous les systèmes
d'erreur [[302]] ont autant et même plus de disciples consciencieux, quoique
égarés, que d'hypocrites. Etre consciencieux, c'est posséder l'honnêteté
morale et cela n'a rien à faire avec la connaissance. Les païens mal
informés adorent les idoles et leur sacrifient consciencieusement. Saul,
renseigné faussement, persécutait les saints en toute bonne conscience ; de
même aussi, beaucoup de papistes, mal enseignés, firent consciencieusement
violence aux prophéties, persécutèrent les vrais saints et organisèrent le
grand système de l'Antichrist. Pendant des centaines d'années, la papauté a
non seulement trompé les rois de la terre, quant à son pouvoir, à sa
prétention à les gouverner par droit divin et régné sur eux, mais elle s'est
assise dans l'église, le temple de Dieu, où Christ seul doit être reconnu
comme Chef et Maître, prétendant être le seul maître et législateur ; et
avec cela, elle a trompe tout le monde, excepté un petit nombre de fidèles,
par son succès phénoménal et par son arrogante prétention. “Toute la terre
était dans l'admiration” — étonnée, égarée, confondue, — “tous ceux dont les
noms n'ont pas été écrits dans le livre de vie de l'Agneau” ; et beaucoup de
ceux dont les noms sont écrits comme saints de Dieu ont été sérieusement
ébranlés et dans la perplexité. Cette tromperie fut d'autant plus forte que
ces desseins ambitieux ne se montrèrent que petit à petit et qu'ils se
réalisèrent d'une manière encore plus graduelle. Cette séduction dura des
siècles ; elle existait déjà secrètement sous forme d'ambition aux jours de
Paul. Ce fut un lent processus au cours duquel une erreur suivit une autre
erreur, — les déclarations d'un homme ambitieux s'ajoutant aux déclarations
d'un autre et ainsi de suite dans le cours des temps. Ainsi, insidieusement,
Satan sema et arrosa les semences de l'erreur et développa le système le
plus grand et le plus influent que le monde ait jamais connu — l'Antichrist.
Le
mot Antichrist a une double signification: premièrement il veut dire
contre (c'est-à-dire opposé à) Christ ; secondement il signifie à la place,
ou une contrefaçon de Christ. Dans le premier sens, c'est une expression
générale qui peut s'appliquer à tout ennemi s'opposant à Christ. Dans ce
sens, Saul, plus tard appelé Paul, tous les Juifs, tous les Mahométans, tous
les empereurs païens et tout le peuple de Rome furent des antichrists —
adversaires de Christ (Actes
9 : 4). Mais ce n'est pas dans ce sens que les Ecritures
emploient le nom Antichrist ; elles négligent de semblables ennemis. et
appliquent le terme Antichrist dans le sens donné ci-dessus à la seconde
signification, c'est-à-dire contre, dans le sens de dénaturer, de
contrefaire, de prendre la place du vrai Christ. Ainsi Jean remarque : “Vous
avez entendu que l’Antichrist vient ; — même maintenant il y a plusieurs
antichrists” (1
Jean 2 : 18,19). [Le grec fait la distinction entre l'Antichrist
spécial et les autres en grand nombre qui sont moindres]. Et les remarques
suivantes de Jean montrent qu'il ne parle pas de tous ceux qui sont opposés
à Christ et à l'Eglise, mais d'une certaine classe de ceux qui tout en
professant être du corps de Christ, l'Eglise, ont abandonné les principes
fondamentaux de la vérité, et par cela même, non seulement la dénaturèrent,
mais prirent aux yeux du monde la place et le nom de la véritable Eglise —
contrefaisant ainsi réellement les vrais saints. Jean dit, en parlant d'eux
: “Ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n'étaient pas des nôtres” ;
ils ne nous représentent pas, quand même ils peuvent se tromper eux-mêmes et
le monde sur ce sujet. Jean déclare dans la même épître que ceux qu'il
mentionne comme plusieurs antichrists ont l'esprit de l’Antichrist.
Nous
trouvons donc ici ce à quoi nous pouvions nous attendre, et nous le trouvons
dans la papauté: Non une opposition au nom de Christ, mais un ennemi ou
[[304]] adversaire de Christ, en ce qu'il porte faussement son nom,
contrefait son royaume et son autorité et dénature son caractère, ses plans
et ses doctrines devant le monde — un adversaire et un ennemi en vérité plus
pernicieux qu'un ennemi déclaré — tout ce qu'il y a de pire en fait
d'ennemi. Cela est vrai, on ne peut trop le répéter, alors même que
quelques-uns de ceux qui sont rattachés à ce système sont consciencieusement
égarés, “séduisant et étant séduits”.
Après
ces indications sur l'identité et les caractéristiques de l'homme du péché,
et sachant dans quel lieu et dans quelles circonstances nous pouvons le
chercher, nous allons procéder à l'examen de quelques preuves historiques,
prouvant, au-delà, de tout doute, que toutes les prédictions concernant l'Antichrist
ont été accomplies dans le système papal d'une manière et à un degré tels
qu'à la lumière de nos jours, tous doivent admettre que cela ne saurait se
répéter. L'espace dont nous disposons nous oblige à ne donner qu'une simple
esquisse de la grande masse du témoignage historique. Nous nous sommes
bornés aux historiens reconnus les plus dignes de foi et nous avons cité en
plusieurs cas les témoignages et les faits admis par des écrivains
catholiques romains.
LES CIRCONSTANCES AYANT DONNE NAISSANCE
A L'HOMME DU PECHE UNE GRANDE APOSTASIE
Nous demandons d'abord : L'histoire nous parle-t-elle d'un
accomplissement de la prophétie de Paul touchant une grande déchéance de
la simplicité et de la pureté originelles des doctrines et de la vie de
l'Eglise chrétienne et les agissements mystérieux d'une influence inique
et ambitieuse dans l'Eglise avant le développement de la papauté,
l'homme du péché — c'est-à-dire avant que le pape fût reconnu comme le
chef de l'église ?
[[305]]
Oui,
et cela bien clairement ; la hiérarchie papale ne naquit que plusieurs
siècles après que le Seigneur et les apôtres eurent fondé l'Eglise. Au sujet
de cet intervalle, nous lisons :* “Comme l'église croissait en nombre et en
richesse, de magnifiques édifices furent construits pour le culte ; les
services furent rendus plus somptueux et, dans le but d'aider à la dévotion,
des sculptures et des peintures furent employées. Des reliques de saints et
de martyrs furent chéries comme des possessions sacrées ; Tes observances
religieuses furent multipliées, et l'église sous les empereurs chrétiens [au
IVe siècle] avec la pompe de son clergé et ses cérémonies imposantes, prit
beaucoup de la grandeur et de la splendeur visible du système païen qu'elle
avait supplanté.”
Nous
lisons encore :** “Simultanément avec cet établissement [du christianisme
comme religion de l'empire au IVe siècle] progressa une grande et générale
corruption qui avait commencé deux siècles auparavant. La superstition et
l'ignorance revêtaient les ecclésiastiques d'un pouvoir dont ils se
servaient pour leur propre agrandissement.”
* Fisher. —
Histoire universelle, page 193.
** White. — Histoire universelle, page 156.
Rapin
fait observer que : “Au cinquième siècle, le christianisme fut corrompu par
un grand nombre d'inventions humaines ; la simplicité de son gouvernement et
de sa discipline furent réduits à un système de pouvoir clérical ; son culte
fut profané par des cérémonies empruntées au paganisme.” Dans son “Histoire
du Christianisme”, Mosheim suit l'Eglise dans la déchéance de sa pureté et
de sa simplicité primitives ; comment elle descendit degré par degré dans sa
profonde dégradation qui culmina dans le développement de “l'homme du
péché”. Il ne ressort pas de cet ouvrage si son auteur a reconnu ou non l'Antichrist,
mais il a tracé d’une façon magistrale les [[306]] agissements du “mystère
de l'iniquité” dans l’Eglise jusqu'au commencement du IVème siècle, —
lorsque son travail fut soudainement arrêté par la mort. La place dont nous
disposons ne nous permet pas de faire d'autres citations de son excellent et
volumineux ouvrage mais nous en recommandons la lecture comme grandement
instructive par ce qu'elle nous apprend sur ce sujet.
Nous
citons une brève et frappante esquisse tirée de “L'Ancien Monde Romain” de
Lord, sur l'histoire de l'église pendant les quatre premiers siècles,
laquelle montre d'une manière claire et concise son déclin graduel et sa
rapide dégénérescence après que l'obstacle dont parle saint Paul eut été
éloigné. Il dit :
“Au premier siècle peu
de sages et de nobles furent appelés ; aucun grand nom ne nous est rapporte
: ni philosophes, ni hommes d'état, ni nobles, ni généraux, ni gouverneurs,
ni juges, ni magistrats. Les chrétiens n’étaient pas assez importants au
premier siècle pour être généralement persécutés par le gouvernement. Ils
n’avaient pas même retenu l'attention publique. Personne n'a écrit contre
eux, pas même les philosophes grecs. Nous ne lisons aucune protestation, ni
apologie faite par les chrétiens eux-mêmes. Ils n'avaient pas, dans leurs
rangs de grands hommes en fait de science, de talents, de richesse ou qui
aient occupé une position sociale. Il n'y a rien de plus stérile, dans
l'histoire, que les annales de l’église dans le premier siècle pour autant
qu'il est question de grands noms. Cependant, dans ce siècle, les convertis
se multiplièrent dans chaque ville et les traditions indiquent le martyre de
ceux qui étaient le plus en vue, y compris à peu près tous les apôtres.”
“Au second siècle, il
n'y eut pas d'autres noms plus grands que ceux de Polycarpe, Ignace, Justin
Martyr, Clément, Mélito et Appolonius, évêques paisibles ou intrépides
martyrs, qui enseignaient leurs troupeaux dans les chambres hautes et
n'occupaient aucun rang dans le monde. Renommés seulement pour leur sainteté
et leur [[307]] simplicité de caractère, ils ne furent cités qu'à cause de
leur foi et de leurs souffrances. En fait de martyrs, parmi lesquels
quelques-uns ont écrit des apologies et des traités de valeur, nous ne
trouvons parmi eux personne d'un rang élevé. C'était une disgrâce, aux yeux
des grands et des puissants, que d'être chrétien. La première littérature
chrétienne est principalement apologétique ; le caractère doctrinal en est
simple et pratique. Il y eut des controverses dans l'Eglise, une vie
religieuse intense, de grandes activités, de grandes vertus, mais pas de
conflits extérieurs, ni d'histoire séculière. Elle n'avait pas encore
attaqué le gouvernement ou les grandes institutions sociales de l'empire.
Elle n'était qu'une petite troupe d'hommes purs et irréprochables qui
n'aspiraient pas à diriger la société. Mais ils avaient attiré l'attention
du gouvernement et étaient maintenant d'une importance suffisante pour être
persécutés. Ils étaient regardés comme des fanatiques qui cherchaient à
détruire le respect dû aux institutions existantes.”
[L'ÉGLISE S'ORGANISE POUR GOUVERNER]
“Dans ce siècle, la politique de l'église s'organisa tranquillement. Il
y eut une association organisée entre ses membres ; les évêques étaient
devenus influents, non dans la société, mais parmi les chrétiens ; des
diocèses et des paroisses furent établis ; il y eut une distinction
entre les évêques des villes et ceux de la campagne ; des délégués des
églises s'assemblèrent pour discuter des articles de foi ou supprimer
des hérésies naissantes ; le système diocésain fut développé et la
centralisation ecclésiastique commença ; on se mit à considérer les
diacres comme faisant partie du haut clergé ; les armes
d'excommunication furent forgées ; des efforts missionnaires furent
poursuivis ; les fêtes de l'église turent créées ; le gnosticisme fut
embrassé par nombre des principaux esprits ; des écoles de catéchistes
enseignèrent systématiquement la foi ; les formules du baptême et les
sacrements prirent une grande importance et le monachisme devint
populaire. L'église posait ainsi le fondement de sa future politique et
de sa puissance.
[[308]]
“Le
troisième siècle vit l'Eglise comme une institution plus puissante. Des
synodes réguliers furent tenus dans les grandes villes de l'empire ; le
système métropolitain était mûr ; les canons de l'Eglise furent
définitivement fixés ; de grandes écoles de théologie attirèrent les esprits
chercheurs ; les doctrines furent systématisées [définies, limitées et
formulées dans les credo et confessions de foi]. Le Christianisme s'était
tellement étendu qu'il ne pouvait être que persécuté ou légalement reconnu.
De grands évêques gouvernaient l'église croissante ; de grands docteurs [en
théologie] discutaient sur les questions [de philosophie et de science
faussement ainsi nommées] qui avaient agité les écoles grecques ; les
édifices des églises furent agrandis et des banquets institués en l'honneur
des martyrs. L'Eglise s'avançait rapidement vers une position qui attirait
sur elle l'attention de l'humanité.
“Ce ne fut qu'au quatrième siècle
— lorsque la persécution impériale eut cessé, que [l'Empereur Romain]
Constantin fut converti ; que l'église se fut alliée avec, l'Etat ; lorsque
la foi primitive fut corrompue ; que la superstition et la vaine philosophie
eurent pénétré dans les rangs des fidèles ; que les évêques furent devenus
courtisans et les églises riches et splendides ; lorsque les synodes furent
amenés sous l'influence politique ; que les monarchistes [moines] eurent
établi de faux principes de vertu ; que les politiciens et les dogmaticiens
eurent marché la main dans la main, que les empereurs eurent renforcé les
décrets des conciles ecclésiastiques, que les hommes haut placés y
entrèrent. Lorsque le Christianisme fut devenu la religion de la cour et des
classes aristocratiques, il servit à soutenir les maux mêmes contre lesquels
il protestait à l'origine. L'église fut non seulement imprégnée par les
erreurs de la philosophie païenne, mais elle adopta beaucoup des cérémonies
compliquées et magnifiques du culte oriental. Les églises devinrent, au IVe
siècle, aussi imposantes que les anciens temples des idoles. Les fêtes
devinrent fréquentes et imposantes. Le peuple y adhéra parce qu'il y
trouvait de l'émotion et la suspension du travail. La vénération des martyrs
aboutit à l'introduction de statues, future [[309]] source de l'idolâtrie
populaire. Le christianisme fut rehaussé par de pompeuses cérémonies. La
vénération des saints se rapprocha de leur déification et la superstition
exalta la mère de notre Seigneur comme un objet de culte absolu. Les tables
de communion devinrent d'imposants autels dans le genre des autels des
sacrifices judaïques, et les reliques des martyrs furent conservées comme
des amulettes sacrées. La vie monastique mûrit en un grand système de
pénitence et de rites expiatoires. Des armées de moines se retirèrent dans
des lieux tristes et solitaires et s'adonnèrent à des rapsodies, à des
jeûnes et à des pénitences. Ils formaient une triste et fanatique catégorie
d'hommes qui méconnaissaient le but pratique de la vie.
“Le
clergé, ambitieux et mondain, recherchait le rang et la distinction. Il
assiégeait même les cours des princes et aspirait aux honneurs temporels. Il
ne fut plus soutenu par les contributions volontaires des fidèles, mais par
des revenus fournis par le gouvernement et par des propriétés héritées des
anciens temples païens. De gros legs furent faits à l'église par des riches
et l'administration en fut confiée au clergé. Ces dons devinrent la source
de la plus grande opulence. Comme ces richesses allaient croissant et furent
confiées aux prêtres, ceux-ci devinrent indifférents aux besoins du peuple
qui ne les soutenait plus. Ils devinrent paresseux, arrogants et
indépendants. Le peuple fut exclu du gouvernement de l'église. L'évêque
devint un grand personnage qui nommait son clergé et le dirigeait. L'église
s'allia avec l'Etat et les dogmes religieux furent renforcés par l'épée du
magistrat.”
UNE IMPOSANTE HIÉRARCHIE AVEC DES
GRADES VARIES FUT ÉTABLIE, AYANT A SA
TÊTE L'ÉVÊQUE DE ROME
“L'empereur tranchait les points de la foi et le clergé fut exempté des
charges de l'Etat. Lorsque le clergé eut obtenu un si grand pouvoir et
fut devenu si riche, il y eut une grande affluence pour l'office de
prêtre ; les hommes furent élevés à de grands sièges [évêchés], non à
cause de leur piété ou de leurs talents, mais par suite [[310]] de leur
influence chez les grands. La mission de l'Eglise fut perdue de vue dans
une alliance dégradante avec l'état. Le christianisme fut une parade, un
ritualisme, un bras de l'état, une vaine philosophie, une superstition,
une formule.”
Ainsi la grande apostasie, prédite par l'apôtre Paul, est un fait établi par
l'histoire. Tous les historiens en témoignent, même ceux qui approuvent
l'élévation au pouvoir et louent les principaux acteurs du système. Nous
regrettons que l'espace dont nous disposons limite nos citations à
quelques-unes des expressions les plus significatives. L'apostasie, couvrant
une période de siècles, fut si graduelle qu'elle fut beaucoup moins
remarquable pour ceux qui vivaient de son temps que pour nous qui la voyons
dans son ensemble ; elle fut d'autant plus séduisante que chaque pas fait en
avant vers l'organisation et vers l'influence et la puissance sur l'Eglise
et sur le monde, fut fait au nom de Christ et, comme on le prétendait, pour
le glorifier et accomplir ses plans décrits dans les Ecritures. C'est ainsi
que se développa le grand Antichrist, — le plus dangereux, le plus subtil et
le plus persistant adversaire du vrai Christianisme et le persécuteur le.
plus âpre des vrais saints.
L'OBSTACLE ENLÈVE
L'apôtre Paul prédit que ce principe d'iniquité travaillerait
secrètement pendant un temps, tandis que quelque chose s'opposant à lui
serait sur son chemin, jusqu'à ce que, l'obstacle enlevé, il puisse
avoir libre cours et progresser rapidement jusqu'au développement de
l'Antichrist. Il dit : “Il faut seulement que celui qui le retient
encore ait disparu” (2
Thessaloniciens 2 : 7). Que dit l'histoire pour montrer
l'accomplissement de cette prédiction ? Nous y trouvons que ce qui
empêchait le développement rapide de l'Antichrist était le fait que la
place à laquelle il aspirait était déjà occupée par un autre. L'empire
romain avait non seulement conquis le [[311]] monde et lui avait donné
sa politique et ses lois, mais ayant reconnu que les superstitions
religieuses étaient les plus fortes chaînes par lesquelles on peut tenir
et diriger un peuple, il adopta un plan qui avait son origine à.
Babylone dans le temps de sa grandeur, lorsqu'elle dominait sur le monde
entier. Ce plan consistait en ce que l'empereur devait être considéré
comme dirigeant et gouvernant les affaires religieuses aussi bien que
les affaires civiles. Pour appuyer cela, il fut prétendu que l'empereur
était un demi-dieu, descendant en quelque sorte de leurs divinités
païennes. C'est comme tel qu'on lui rendait un culte et que ses statues
étaient adorées ; et c'est comme tel qu'il fut appelé Pontifex Maximus,
chef des prêtres ou le plus grand gouverneur en matière de religion. Et
c'est là le titre même qui a été donné aux pontifes ou papes de la
hiérarchie romaine, depuis que l'Antichrist a obtenu “ la puissance, le
trône et la grande autorité ” des anciens gouverneurs de Rome. —
Apocalypse 13 : 2.
Mais
l'ancienne Rome païenne et Babylone n'avaient qu'un simple squelette de
pouvoir sacerdotal, comparé à l'organisation complexe et minutieuse, aux
inventions de doctrines et de pratiques de la Rome papale, le successeur
triomphant de leur système qui, maintenant, après des siècles de ruse et
d'habileté, est si puissamment retranché que même aujourd'hui, où son
pouvoir est extérieurement brisé et où il est dépouillé de toute domination
civile, il régit le monde et dirige les royaumes secrètement, d'une manière
déguisée, bien plus complètement que les empereurs romains ne surent
gouverner les rois qui leur étaient subordonnés.
Qu'il
soit rapporté à leur honneur que pas un des empereurs romains n'a exercé,
comme Pontifex Maximus, ou principal gouverneur religieux, la tyrannie de
quelques-uns de leurs successeurs sur le trône papal. Sur ce point, Gibbon
dit (Vol. II, p. 85)
[[312]]
“On
doit admettre que le nombre de protestants. qui furent exécutés dans une
seule province et pendant un seul règne, excéda de beaucoup celui des
premiers martyrs pendant trois siècles sous l'empire romain tout entier.”
Selon la coutume de leur temps, ils favorisèrent les dieux les plus
populaires ; mais partout où leurs armées pénétrèrent, les dieux et le culte
des peuples conquis étaient généralement respectés. On en vit la preuve en
Palestine ; ce pays, quoique gouverné par les Romains, avait la liberté
religieuse et la liberté de conscience généralement respectées par le
Pontifex Maximus impérial qui montrait ainsi, comme gouverneur religieux, sa
clémence envers le peuple et son harmonie avec tous les dieux populaires.
Nous
voyons donc ainsi que ce qui empêchait le hâtif développement de
l'Antichrist était le fait que le siège convoité de la suprématie
spirituelle était occupé par les représentants de l'empire le plus solide
que le monde ait jamais connu, et que tous ceux qui auraient essayé de
déployer ouvertement de l'ambition dans cette direction se seraient exposés
à la colère des maîtres du monde- Ainsi, cette inique ambition agit
premièrement en secret, prétendant n'avoir aucune ambition de se saisir du
pouvoir ou de l'autorité,— jusqu'à ce qu'une occasion favorable se
présentât, — lorsque l'église nominale se fut agrandie et eut pris de
l'influence et que le pouvoir impérial divisé par les dissensions politiques
eût commencé à décroître.
Le
pouvoir de Rome déclina rapidement et sa force et son unité furent divisées
entre les six prétendants aux honneurs impériaux quand Constantin devint
empereur. Qu'il ait adopté le christianisme, en partie du moins, dans le but
de fortifier et d'unifier son empire, il est raisonnable de le supposer. Sur
ce point, l'histoire dit : “Quant à savoir si Constantin a embrassé le
christianisme par conviction de sa vérité ou par politique, il [[313]] y a
la matière à discussion. Il est certain que cette religion, quoique méprisée
secrètement, ou même persécutée activement par le pouvoir romain, s'était
répandue parmi le peuple de sorte que constantin s'affermit lui-même dans
l’affection de ses soldats en l'adoptant... C'est par ambition mondaine que
Constantin se déclara chrétien et non par l'esprit de Christ qui dit : “Mon
royaume n’est pas de ce monde”. Constantin fit du christianisme la religion
de l'empire et c'est de ce moment que nous trouvons son influence souillée
par les choses terrestres. Aucun évêque particulier n'était regardé comme le
chef de l’église entière, tandis que l'empereur l'était. C'est en cette
qualité qu'il convoqua le Concile de Nicée ; et ayant pris parti contre
Arius dans la controverse que celui-ci eut avec Athanase le concile se mit
du côté de l'empereur"
“Quels qu’aient été les avantages résultant de l'acquisition d’un prosélyte
impérial, celui-ci se distingua entre les milliers de ses sujets qui avaient
embrassé le christianisme plutôt par la splendeur de la pourpre que par la
supériorité de sa sagesse ou de ses vertus... La même année de son règne où
il convoqua le concile de Nicée fut flétrie par l'exécution de son fils
aîné. La gratitude de l'église a exalté les vertus et excusé les fautes d’un
patron généreux, qui avait assis le christianisme sur le trône du monde
romain.”**
* Willard :
Histoire universelle, page 163.
** Gibbon, volume II, page 269.
Ainsi
donc, sous le règne de Constantin l'opposition de l’empire au christianisme
fut favorable à ce dernier et l’impérial pontifex Maximus devint le Patron
de celle qui professait être l’Eglise de christ- maïs qui était en réalité
l’église apostate ; il la pris par la main et l’aida à prendre une place de
popularité et de splendeur de laquelle elle fut capable plus tard, lorsque
le pouvoir impérial se fut affaibli, d'élever ses propres représentants sur
le trône religieux du monde comme principal gouverneur religieux - Pontifex
Maximus.
[[314]]
Mais
c'est une erreur de supposer, comme le font beaucoup de personnes, que
l'église était dans ce temps-là une église pure (vierge), soudainement
élevée à une dignité et à un pouvoir qui devinrent son occasion de chute.
C'est tout à fait le contraire. Comme nous l'avons déjà dit, une grande
apostasie avait, eu lieu et l'église avait déchu de sa pureté primitive, de
sa simplicité et de sa liberté, et était tombée dans l'esclavage des credo
et dans les factions ambitieuses. Ses erreurs et ses cérémonies ressemblant
à celles de philosophies païennes, ornées de quelques vérités et renforcées
et reliées avec la doctrine du tourment éternel, amenèrent dans l'église de
grandes multitudes dont le nombre et l'influence devinrent de précieux
auxiliaires pour Constantin, et qui furent par conséquent respectés et
employés par lui. Il n'est aucun de ces hommes mondains qui ait jamais pensé
sérieusement à épouser la cause de l'humble “petit troupeau” ressemblant à
Christ — de l'Eglise vraiment consacrée, dont les noms sont écrits dans les
cieux. La popularité qu'il avait parmi ses soldats, mentionnée par les
historiens, est tout à fait différente de la popularité qui doit exister
entre les vrais soldats de la croix.
Comme
preuve de cela, nous citons ici quelques mots de l'histoire concernant
l'état de la société religieuse sous Dioclétien, le prédécesseur de
Constantin, qui, vers la fin de son règne, croyant que les chrétiens avaient
essayé de lui ôter la vie, devint leur ennemi, les persécuta en ordonnant la
destruction des Bibles, le bannissement des évêques, et finalement en
décrétant la mort de tous ceux qui s'opposaient à ses ordonnances. Gibbon *
dit de cette époque :
* Gibbon, volume II, pages 53 et
57.
“Dioclétien et ses collègues conféraient souvent les charges les plus
importantes aux personnes qui avouaient abhorrer le culte des dieux, mais
qui déployaient de [[315]] l'habileté pour le service de l'Etat. Les évêques
occupaient un rang honorable dans leurs provinces respectives et ils étaient
traités avec distinction et respect, non seulement par le peuple, mais par
les magistrats eux-mêmes. Dans chaque ville, les anciennes églises furent
jugées insuffisantes pour contenir le nombre croissant des prosélytes et on
érigea à leur place des édifices plus imposants et plus spacieux pour le
culte public des fidèles. La corruption des mœurs et des principes, dont
Eusèbe se plaignit si fortement, peut être considérée non seulement comma
une conséquence, mais comme une preuve de la liberté dont les chrétiens
jouirent sous le règne de Dioclétien et dont ils abusèrent. La prospérité
avait relâché les règles de la discipline. La tromperie, l'envie et la
malice prévalaient dans chaque assemblée. Les prosélytes aspiraient aux
charges épiscopales qui devenaient de jour en jour un objet plus digne de
leur ambition. Les évêques qui luttaient les uns contre les autres pour la
prééminence ecclésiastique, paraissaient par leur conduite prétendre à un
pouvoir séculier et tyrannique dans l'église ; et la foi vivante qui
distinguait encore les chrétiens des Gentils, se montrait beaucoup moins
dans leur vie que dans leurs écrits de controverse.
“L'histoire de Paul de Samosate qui occupa le siège métropolitain [l'évêché]
d'Antioche, tandis que l'Orient était entre les mains d'Odénath et de
Zénobie, peut servir à illustrer les conditions et le caractère de ces temps
(270 Ap. J.C.). Paul considérait le service de l'église comme une profession
très lucrative. Sa juridiction ecclésiastique était vénale et rapace ; il
arrachait de fréquentes contributions aux plus opulents des fidèles et
employait pour son usage personnel une considérable partie des revenus
publics. [La critique a prétendu, dit Gibbon, que Paul remplissait l'office
de Ducenarius ou procurateur, avec un salaire annuel de 200 sesterces, —
environ 77.000$] (27 millions de frs 1953 — Trad.) Par l'orgueil et le luxe
de Paul, la religion chrétienne devint odieuse aux yeux des Gentils. Sa
salle de conseil, son trône, la splendeur avec laquelle il paraissait en
public, la foule suppliante qui sollicitait son attention : la quantité de
lettres et de suppliques pour lesquelles il dictait ses [[316]] réponses, la
hâte perpétuelle des affaires dans lesquelles il était engagé, étaient des
conditions qui auraient mieux convenu aux fonctions d'un magistrat qu'à
l'humilité d'un évêque primitif. Lorsqu'il haranguait son peuple du haut de
la chaire, Paul affectait le style figuré et les gestes théâtraux des
sophistes de l'Asie, tandis que la cathédrale résonnait des acclamations les
plus extravagantes à la louange de son éloquence divine. Le prélat
d'Antioche était arrogant, raide et inexorable vis-à-vis de ceux qui
résistaient à son pouvoir et qui refusaient de flatter sa vanité ; mais il
se relâchait de sa discipline et il était prodigue des trésors de l'Eglise
pour le clergé qu'il protégeait.”
Ainsi, Sous le règne de Constantin, tout obstacle fut finalement enlevé et,
comme nous allons le voir, l'organisation de la Papauté—l'église nominale
sous la suprématie de l'évêque de Rome comme pape — s'effectua bien vite.
DÉVELOPPEMENT RAPIDE DE L'ANTICHRIST
Le
développement rapide de la hiérarchie papale après l'adhésion de Constantin
est un trait vraiment remarquable de son histoire. “Le prince de ce monde”
tint sa promesse de donner comme récompense le pouvoir et la domination à
ceux qui l'adoreraient et lui obéiraient (Matthieu 4 : 8, 9). Par l'édit de
Milan, Constantin donna une sécurité légale aux possessions de l'église et
les chrétiens rentrèrent en possession des terres qui leur avaient été
enlevées tout d'abord. Un second édit, en l'an 321, autorisa de faire à
l'église des legs de propriétés, tandis que Constantin donnait lui-même un
exemple de libéralité en prodiguant sans mesure les biens et les richesses
au clergé chrétien. Cet exemple, donné par l'empereur, fut suivi par des
milliers de ses sujets, dont les offrandes pendant la vie et les legs à
l'heure de la mort affluaient dans les trésors ecclésiastiques. White dit :*
* White :
Histoire universelle, page 155.
[[317]]
“L'église de Rome, en raison de sa position dans la ville capitale, comme
aussi du nombre et de la richesse de ses convertis, commença de bonne heure
par s'assurer l'autorité sur les autres [sur les églises des autres villes
et pays]. De nombreuses circonstances concoururent à augmenter l'influence
de son évêque, bien que son ambition et son usurpation fussent pour un temps
vigoureusement repoussées. Le transfert, [par Constantin, du siège du
pouvoir de Rome à Constantinople en 334], accrut le pouvoir de l'église
d'occident, en conférant à l'évêque la principale magistrature. De plus, il
faut y ajouter la sanction, donnée par Gratien et Valentinien, à la coutume
d'en appeler à Rome, et les pèlerinages fréquents aux tombes de saint
Pierre, de saint Paul et d'autres martyrs.”
Après
la mort de Constantin, les chances variées de l'empire romain paraissent
avoir coopéré à l'avancement de l'église apostate et au développement de l'Antichrist
; car l'église n'avait pas encore été unifiée sous un chef ou pape, regardé
comme le représentant ou vice-gérant de Christ. Les empereurs qui
succédèrent à Constantin jusqu'à Théodose continuèrent à se considérer comme
les chefs de l'Eglise, en qui se concentrait l'autorité divine. Bien
qu'aucun des 1800 évêques de l'empire ne fût encore préparé pour demander à
être reconnu comme le chef ou pape, plusieurs avaient jeté les yeux sur
cette bonne fortune et montraient aux empereurs le peu de fondement de leurs
prétentions au titre de Pontifex Maximus, en se servant de cet argument que
puisqu'ils adoraient les saints morts, ils ne devaient pas avoir moins de
respect pour leurs représentants vivants — les évêques. Néanmoins dans leurs
édits, les empereurs firent fréquemment allusion à l'empire comme à une
hiérarchie divine et à eux-mêmes comme à des personnages divins.*
* Voy.
Gibbon, volume II, page 108.
[[318]]
La
puissance et la suprématie de l'évêque de Rome augmentèrent à vue d'œil :
cinquante ans après que le christianisme eut été légalement établi, son
opulence et sa dignité comme évêque de la ville capitale du monde étaient
vraiment grandes. Ammianus, historien contemporain, décrivant son opulence
et son ostentation, dit : “Il surpassait les rois en splendeur et en
magnificence, se faisant traîner dans de majestueux chariots ; parés de fins
atours, il se distinguait par son luxe et son orgueil.” Le transfert à
Constantinople du siège de l'empire, la menace pour la ville de Rome de
l'invasion des barbares du nord, le changement continuel des généraux et des
gouverneurs dans l'empire en décadence, faisaient de l'évêque de Rome l'être
officiel le plus honoré, comme y étant le plus stable ; son prestige
croissant graduellement s'augmenta encore, aussi bien par le transfert des
splendeurs rivales de la cour impériale à Constantinople que par la
vénération attachée au nom de Rome par tous les peuples du monde.
Pour
illustrer cela, nous faisons remarquer que, en l'an 455, lorsque la ville de
Rome fut envahie et pillée par les vandales et que tous les environs étaient
dans la détresse et la désolation, Léon, l'évêque de Rome, crut le moment
opportun de proclamer le pouvoir spirituel pour impressionner les barbares
et les Romains. Il se montra aux grossiers et superstitieux barbares, déjà
fortement impressionnés par ce qu'ils voyaient autour d'eux de la grandeur
de Rome et de ses richesses, revêtu de ses vêtements pontificaux en
s'écriant : “Méfiez-vous, je suis le Successeur de saint Pierre, celui à qui
Dieu a donné les clefs du royaume des cieux et contre qui les portes de
l'enfer ne peuvent prévaloir; je suis le représentant vivant du pouvoir
divin sur la terre ; je suis César, un César chrétien, gouvernant dans
l'amour et à qui tous les chrétiens doivent obéissance ; Je tiens en mes
mains et les malédictions de l'enfer et les bénédictions du ciel ; [[319]]
je relève tous les sujets de l'obéissance aux rois ; je donne et j'enlève,
par droit divin, tous les trônes et toutes les principautés de la
chrétienté. Prenez garde maintenant de profaner le patrimoine qui m'est
donné par votre invisible roi ; pliez devant moi vôtre cou et priez pour que
la colère de Dieu soit écartée.”
L'évêque de Rome se hâta de profiter des avantages que lui donnait la
vénération du nom et de la place ; il prétendit bientôt à la supériorité sur
tous les autres évêques, gouverneurs et maîtres. Il prétendit non seulement
à la domination ecclésiastique du monde, mais aussi à la domination civile.
Dieu, disait-il, ayant investi l'église de Rome de la domination de la
terre, par droit d'héritage avec le droit de couronner et de découronner,
d'élever et d'abaisser tous les gouverneurs du vieil empire romain. Ces
prétentions furent si souvent émises et si souvent repoussées par des
évêques concurrents qu'il est presque impossible de fixer la date exacte où
elle commencèrent. La Papauté, elle, prétend qu'elle fut organisée dans les
jours des apôtres et que Pierre fut le premier pape ; mais cela est non
seulement sans preuve, mais très positivement contredit par l'histoire tout
entière. Cette dernière montre que quoique l'iniquité de l'ambition
travaillât secrètement pendant un temps, assez long, elle fut empêchée de se
développer en Antichrist jusqu'à ce que l'empire romain ait commencé à se
désagréger.
Dès
maintenant nous avons affaire avec l'Antichrist dont le développement
graduel et l'organisation provenant d'une ambition agissant secrètement ont
été un prélude frappant du terrible caractère qui s'est déployé après que le
pouvoir convoité eut été saisi — de l'an 539 à l'an 1799, soit pendant 1260
ans. De cette période, les 300 premières années marquent l'augmentation de
son pouvoir temporel; les 300 dernières marquent son déclin sous l'influence
de la Réformation et [[320]] de la civilisation ; la période intermédiaire
de sept siècles embrasse le temps de la gloire de la Papauté et les “âges de
ténèbres” du monde, pleins d'impostures et de tromperies faites au nom de
Christ et de la vraie religion.
Un
écrivain catholique romain appuie pleinement nos conclurions sur ce sujet et
nous présentons ses paroles, sans nous occuper autrement de leur apprêt,
comme étant un témoignage corroboratif. Il donne, avec un enthousiasme
ardent, une description du développement de la Papauté et la décrit comme
une plante d'origine céleste et, par suite, de croissance rapide et de haute
exaltation dans le monde, disant : “L'accroissement du pouvoir temporel des
papes présente à l'esprit un des phénomènes les plus extraordinaires que les
annales de la race humaine aient offert a notre stupéfaction et à notre
admiration. Par une singulière combinaison de concours de circonstances, un
nouveau pouvoir, une nouvelle domination s'éleva silencieusement et de façon
continue sur les ruines de cet empire romain qui avait établi son influence
sur presque toutes les nations et races qui vivaient pendant la période de
sa force et de sa gloire et s'était fait respecter par elles.”
Cette
nouvelle puissance exerça bientôt une plus grande autorité que l'empire dont
elle vit les ruines gigantesques se briser en fragments et tomber en
poussière. Dans Rome même, le pouvoir du successeur de Pierre crût côte à
côte avec celui de l'empereur et sous son ombre protectrice ; l'influence
croissante des papes fut telle que la majesté du souverain pontife semblait
vouloir bien vite éclipser la splendeur de la pourpre.
“Le
transfert, par Constantin, du siège de l'empire de l'occident en orient, des
rives historiques du Tibre aux merveilleuses côtes du Bosphore, posa la base
d'une souveraineté qui commença en réalité lors de cet important changement.
En effet, c'est presque de ce jour que Rome, qui avait été témoin de la
naissance, de la jeunesse, de la splendeur et du déclin de la puissante race
qui avait transporté son nom avec ses aigles dans les régions lointaines du
monde connu alors, fut graduellement abandonnée par les héritiers de son
renom, et ce peuple romain, déserté par les empereurs, en proie facile aux
ravages des barbares auxquels ils n'avaient plus le courage de résister, mit
sa confiance dans l'évêque de Rome, son gardien, son protecteur, son père.
D'année en année, l'autorité temporelle des papes prit plus de forme et
augmenta en force, sans violence, sans effusion de sang, sans fraude, par la
force de circonstances irrésistibles, amenées visiblement comme par la main
de Dieu.”
Tandis que les catholiques romains représentent ainsi l'élévation de la
Papauté sur les ruines de la Rome païenne, comme un triomphe du
christianisme, ceux qui connaissent le véritable esprit de ce dernier
cherchent en vain quelque trace de cet esprit dans la prostitution de
l'église et dans son alliance impure avec le monde. Le vrai chrétien ne peut
voir, dans les avantages fournis par l'ignorance, la superstition, les
calamités et les différentes circonstances des temps dont l'église de Rome
tira parti, aucune évidence d'une intervention divine en sa faveur. Il n'est
pas non plus possible de découvrir dans l'exaltation de l'église de Rome au
pouvoir et à la gloire terrestres, aucune preuve des promesses du Seigneur à
la véritable Eglise, quant à son exaltation dans le propre temps — après que
l'Antichrist serait venu et s'en serait allé ; car l'exaltation de la
véritable Eglise ne sera pas sur un trône taché de sang et souillé de crimes
comme le trône de la Papauté l'a été depuis son commencement ; et le vrai
Christ n'aura jamais besoin d'en appeler aux rois de la terre pour établir
son pouvoir ou le défendre. Les signes qui distinguent la contrefaçon du
vrai royaume de Christ sont facilement reconnaissables pour ceux qui sont
instruits par les Ecritures, de ce qu'est le vrai Christ et son corps, la
véritable Eglise, les principes sur lesquels son royaume sera établi et le
but de son établissement.
[[322]]
Mais
personne ne doit supposer que, même en ces temps corrompus, l'Eglise réelle
de Christ se soit jamais éteinte ou ait été perdue de vue. “Le Seigneur
connaît ceux qui sont siens” dans tous les âges et dans n'importe quelle
condition. Dieu permit que, comme blé, ils crussent au milieu d'un champ
rempli d'ivraie ; que, comme or, ils fussent dans la fournaise, pour être
purifiés et éprouvés et rendus “propres pour l'héritage des saints dans la
lumière”. Il est vrai que la course de la multitude de ceux qui s'appelaient
chrétiens occupe la place la plus proéminente dans les pages de l'histoire,
mais il n'y a aucun doute que, au milieu de toutes les séductions du mystère
de l'iniquité et malgré toutes les persécutions, il ne soit resté un petit
nombre de fidèles qui ont marché dignes de leur haut appel : il leur fut
donné de se reposer, inscrits par Dieu comme héritiers de la couronne qui ne
se flétrit pas et qui est réservée pour eux dans les cieux.
Ainsi, le fait est clairement indiqué dans les pages de l'histoire que cet
homme du péché, l'Antichrist, est né à Rome ; que malgré l'opposition qu'on
lui fit au commencement, il s'éleva graduellement au pouvoir ; ou, ainsi que
cela est exprimé dans la prophétie de Daniel, comme “une petite corne” il
s'éleva, sortant de la tête de cette vieille bête romaine, cette “grande et
terrible bête” pour laquelle Daniel ne trouva aucun nom, qui eut un tel
pouvoir pour blesser et détruire. Et, par la suite, nous trouvons que
l'histoire de l'Antichrist correspond exactement, non seulement avec la
prophétie de Daniel, mais avec toutes les prophéties qui le concernent.
LE CARACTÈRE DE L'ANTICHRIST DANS L'HISTOIRE
Ayant identifié l'Antichrist, nous voulons tout d'abord comparer les
caractères de la Papauté avec les [[323]] prophéties qui en parlent et
qui décrivent le caractère et les agissements de l'Antichrist, ou
l'homme du péché. Quelques-uns pourraient demander s'il est juste de
laisser de côté les empereurs de Rome (qui prétendaient au suprême
gouvernement religieux), en n'appelant pas leur système l'Antichrist,
mais en appliquant complètement et entièrement ce titre à l'organisation
du système papal. Nous répondons que cela est certainement juste, et
nous renvoyons de nouveau le lecteur à la définition que nous avons déjà
donnée de l'Antichrist, telle qu'elle est employée dans les Ecritures,
c'est-à-dire : “à la place de”, “au lieu de”. Pour répondre à cette
définition, il doit prétendre être un empire spirituel, prétendre
gouverner les royaumes de la terre par cette autorité spirituelle ; il
doit, non seulement être un antagoniste, mais une contrefaçon, une
fausse représentation, une prétention d'être le royaume de Christ et
exerçant ce qui, au temps marqué par Dieu, sera l'autorité du vrai
Christ, l'Eglise glorifiée et complète sous le vrai Chef et Seigneur —
le réel Pontifex Maximus.
Non
seulement la Papauté prétend être le royaume glorifié de Christ, promis par
le Seigneur, par les apôtres et par les prophètes, mais elle applique à
elle-même et à ses chefs successifs (les papes qui prétendent prendre la
place de Christ comme pontifes, chefs ou rois de ce royaume) tous les
passages des prophètes qui décrivent la gloire millénaire du Christ.
“Séduisant les autres et étant séduits” eux-mêmes par leurs fausses
théories, développées lentement pendant des siècles par une ambition
coupable des grandeurs, les papes ont arrangé les uns après les autres les
titres de tous ceux qui sont associés dans cette hiérarchie, leurs vêtements
splendides, leurs imposantes cérémonies, leurs grandes cathédrales avec des
services solennels inspirant la crainte, cela sur une échelle qui
correspondait autant “qu'il était possible avec leurs prétentions —
entourages [[324]] splendides, vêtements et cérémonies, assortis dans la
mesure du possible avec les gloires et la grandeur décrites par les
prophètes.
Nous
lisons par exemple dans le
Psaume 2 : 10-12 : “O rois de la terre !... baisez le Fils, de
peur qu'il ne s'irrite et que vous ne périssiez dans votre voie ; car
bientôt s'embrasera sa colère,” Il n'est pas commandé ici de baiser
littéralement, mais de se rendre volontairement à notre Seigneur, par une
soumission joyeuse. Cela s'applique à l'heure présente, à notre époque
préparatoire du grand et véritable règne millénaire du vrai Christ, où les
rois et les grands de la terre, au point de vue politique, social, financier
et ecclésiastique, seront jugés d'après leur bonne ou mauvaise volonté à
s'incliner devant les justes règlements qui doivent entrer en œuvre
maintenant. Ceux qui résistent à la justice, résistent au sceptre de ce Roi
de gloire, et tous ceux-là seront renversés dans le grand temps de détresse
qui introduira le règne millénaire du nouveau Roi. Tous ceux qui ne voudront
pas de lui pour régner sur eux seront détruits (Luc
19 : 27). “Ses ennemis mordront la poussière”, seront vaincus.
En
appliquant à tort cette prophétie à son imitation du royaume, le chef
représentant de l'Antichrist, le pape, a, dans les glorieux jours de sa
prospérité, amené les rois et les empereurs à s'incliner devant lui comme
devant Christ et à baiser son gros orteil, appliquant cela à
l'accomplissement de cette prophétie.
De
semblables prétentions sont généralement considérées à la légère par ceux
qui étudient les prophéties et par les écrivains, alors qu'ils recherchent
et notent avec soin les immoralités ; en cela ils errent grandement, parce
que les crimes ont été assez abondants dans tous les âges, pour que de
telles descriptions prophétiques spéciales, comme celles qui ont été données
de l'Antichrist soient nécessaires. Quand bien même il [[325]] serait prouvé
que ceux qui se rattachaient au grand système papal ont été de vrais modèles
de moralité, ce système ne serait pas moins identique au caractère indiqué
dans les Ecritures comme étant celui du grand Antichrist : le contrefacteur
qui s'est arrogé les titres, les privilèges, les pouvoirs et la révérence
appartenant à l'Oint de l'Eternel. Comme contrefacteur, il a aussi mal
représenté le. plan de Dieu quant à la sélection d'un “petit troupeau” ou
Eglise, dans le temps présent, et il a entièrement mis de côté la réelle
espérance de l'Eglise et les provisions du Seigneur pour les bénédictions du
monde durant le règne millénaire de Christ — qu'il présente comme accompli
par son propre règne.
Il
est presque impossible d'évaluer les mauvais effets d'une telle altération
et défiguration du plan de Dieu. Ils ont été la source directe d'où
jaillirent toutes les doctrines corrompues qui furent introduites les unes
après les autres pour aider aux prétentions et ajouter à la dignité de l'Antichrist.
Bien que la Réformation ait introduit, il y a trois siècles, une ère d'étude
de la Bible et de liberté de pensée et qu'elle ait conduit au rejet de
beaucoup de maux et d'erreurs, la contrefaçon avait été élaborée et
perfectionnée à un tel degré dans toutes ses parties et dans ses
institutions, elle avait si pleinement trompé le monde entier que, même
après que la Papauté eut été reconnue par Luther et beaucoup d'autres comme
le résultat inévitable de la grande apostasie — l'Antichrist de la prophétie
—, tandis qu'ils le dénonçaient comme système, ils tenaient fermement à la
fausse théorie qui conduisit aux erreurs particulières, soit de doctrine
soit de pratique, de la Papauté. Jusqu'à nos jours, la grande majorité des
protestants acceptent la théorie de l'Antichrist : que le royaume de Christ
a été établi. Quelques-uns se sont efforcés de faire comme la Papauté,
d'organiser leur église avec une personne à leur tête, tandis que d'autres
[[326]] remplacent la tête par un concile ou un synode ; mais tous sont sous
l'illusion imposée par la fausse et trompeuse interprétation des doctrines
des Ecritures lancée par l'Antichrist que le règne du royaume de Christ a
lieu maintenant et non pas dans un temps à venir ; et niant l'âge à venir,
comme le fait l'Antichrist, ils sont indifférents, comme ce système l'a été,
au plein développement de la sainteté parmi les croyants et sont plutôt
zélés pour accomplir maintenant le travail qui doit se faire dans l'âge
prochain, la conversion du monde ; ce faisant, ils dénaturent souvent
volontairement le plan de Dieu et sa Parole. Ils inventent des théories pour
effrayer le monde et le pousser à faire profession de piété ; et
volontairement aussi ils ont retours à des méthodes mondaines et
contestables qui s'ajoutent à leurs moyens d'attraction pour rendre le plus
séduisants possible leurs divers systèmes aux inconvertis ; et, comme l'Antichrist,
ils sont soucieux d'avoir ces inconvertis et de les enregistrer dans
leurs rangs pour en augmenter le nombre, et cela par orgueil afin d'en faire
parade.
Ceux-là trouvent difficile de voir que la Papauté est l'Antichrist. Comment
le pourraient-ils, tant que leur foi n'est pas libérée du poison et que leur
raison est toujours fortement aveuglée par l'essence même des erreurs de l'Antichrist.
La magnificence, la grandeur et la nécessité du royaume millénaire de Christ
et de son œuvre de bénir toutes les familles de la terre, doivent être vues
avant que l'énormité de la contrefaçon de l'Antichrist puisse être reconnue,
ou avant que le dégât qu'il a causé à la vérité et que son influence de
souillure et de désolation dans l'église nominale, ou temple de Dieu,
puissent être justement estimés.
L'ÉGLISE DE DIEU
LA SACRIFICATURE ROYALE
|
LE
VRAI TYPE
Aaron,
et ses successeurs
— le Souverain Sacrificateur ou
grand prêtre, chef, représentant et
porte-parole.
|
LA RÉALITÉ
Pendant le millénium
Christ-Jésus,
notre Seigneur, Chef et représentant ;
le Souverain Sacriflcateur de notre profession
ou ordre.
|
LA
CONTREFAÇON
Les Papes,
chacun à son tour, souverain pontife
de la hiérarchie Papale ;
son seigneur,
chef et porte-parole. |
Les sous-prêtres
recevant leur dignité
officielle, leurs droits
et privilèges de s
ervice par le moyen
d'Aaron, dont ils
représentaient le
corps, lequel
typifiait l'Eglise
de Christ.
|
L'Eglise glorifiée,
le corps de Christ,
participe à sa gloire,
à sa majesté et
à sa charge de gouverneur ; la
position de chaque membre différera
comme une étoile
diffère en éclat
d'une autre.
|
L'église de Rome
se compose
d'évêques et
de prélats qui
participent aux
dignités de la
hiérarchie, mais
chacun selon son
grade d'honneur :
cardinal, évêque, etc.
|
SOUS CES HIÉRARCHIES SONT
DES ASSISTANTS INFÉRIEURS, SAVOIR :
Les Lévites
qui faisaient le
service du tabernacle
typique — qui
enseignaient, etc.,
etc. Un ordre
inférieur de prêtres
qui ne devaient
pas entrer ni
regarder dans le
Saint des saints
(lequel servait de
type à la nature
spirituelle).
|
La phase terrestre
du royaume de
Dieu qui sera
l'intermédiaire
de l'Eglise glorifiée
pour gouverner
et instruire le
monde, etc., et sera
en communion
intime avec l'Eglise
spirituelle en gloire.
|
Les Prêtres
de la papauté qui
ne font pas partie
et ne sont pas des membres de l'église
ou de la hiérarchie,
mais sont appelés
“ frères ” et “ sœurs ”.
Parmi eux sont
recrutés le corps
enseignant, les
infirmières, etc. Ils
sont en contact direct avec le peuple, aussi
bien qu'avec la
hiérarchie.
|
Tout Israël était
enseigné et dirigé
par la hiérarchie
sus-mentionnée.
Dans Moïse qui fut
un type du Christ
complet, ils avaient
réuni en un seul,
le prophète, le prêtre
et le roi, type de
l'autorité millénaire
du Christ.
—
Actes 3 : 22.
|
Le monde sera
instruit, conduit,
gouverné et aidé par
le Royaume de
Dieu, ci-dessus
mentionné et ses
représentants
terrestres. Tout
pouvoir leur sera
donné et les hommes
devront leur a obéir ;
celui qui ne les
écoutera pas “sera
exterminé”.
—
Actes 3 : 23.
|
La papauté exige
que le monde obéisse
et se conforme à ses
prescriptions et à ses
enseignements
comme étant le
Royaume de Dieu sur
la terre. Le bas clergé
est son agent.
Pendant qu'elle avait
la puissance, elle
s'efforçait de faire
valoir ses
ordonnances et
d'exterminer ceux qui
ne lui obéissaient pas.
|
[[328]]
Il
n'y a pas lieu d'être surpris de la perfection de cette contrefaçon, lorsque
nous réfléchissons qu'elle est l'œuvre de Satan et qu'elle a été copiée sur
les types et les illustrations de la gloire à venir présentés dans les
Ecritures. Lorsque le grand adversaire vit que le temps pour la sélection de
l'Eglise était venu et que les vérités implantées par notre Seigneur et par
les apôtres gagnaient rapidement du terrain sur les religions païennes,
cherchant les humbles partout où il y en avait, il essaya de détruire la
pureté de l'Eglise et de conduire dans de fausses voies ce qu'il ne pouvait
plus arrêter. Ainsi, le triomphe de l'Antichrist, aussi bien que sa
puissance actuelle, a été réellement un succès de Satan. Mais nous admirons
ici la sagesse de Dieu ; car, tandis que le succès de l'Antichrist, ainsi
que son pouvoir présent, semblait le présage de la défaite du plan de Dieu,
il coopérait réellement, bien qu'à son insu, à en assurer le succès ; parce
que les vrais consacrés n'auraient pu être en aucune autre façon si
complètement éprouvés, ni leur fidélité à la Parole de Dieu si pleinement
mise à l'épreuve que par la permission de cette grande contrefaçon.
Le
tableau précédent servira à montrer combien la contrefaçon du royaume de
Christ à venir, par la Papauté, a été complète et comment elle a été tirée
du type sacerdotal Juif.
Mosheim, expliquant la naissance du système hiérarchique, dans l'Eglise,
montre très clairement cette contrefaçon en disant, au volume I, page 337 :
“Tant qu'il resta quelque probabilité que Jérusalem pourrait prochainement à
un moment ou l'autre relever la tête de la poussière, les docteurs chrétiens
et les anciens ne se donnèrent aucun titre ou distinction. Mais lorsque le
sort de cette ville eut été décidé par Adrien (en l'an 135) et que les Juifs
ne purent plus garder le plus faible espoir de voir leur ancien gouvernement
rétabli, ces mêmes pasteurs et ministres conçurent l'idée de faire croire à
leur troupeau qu'ils avaient succédé aux droits de la sacrificature juive.
C'est pourquoi les évêques s'ingénièrent à inculquer la notion qu'ils
étaient investis d'un [[329]] caractère ressemblant à celui du Grand Prêtre
des Juifs et étaient, par conséquent, revêtus de tous les droits qui avaient
été reconnus comme appartenant au Pontife Juif. Les fonctions des prêtres
juifs ordinaires furent transmis de la même manière, mais sous une forme
plus parfaite, aux anciens de l'Eglise Chrétienne, et finalement les diacres
furent placés sur le même pied que les Lévites ou ministres inférieurs”.
LA TÊTE ET LA BOUCHE DE L'ANTICHRIST
LES GRANDES CHOSES QU'IL PROFÉRAIT
Le
pape (chaque pape à son tour) est la tête de la fausse église, qui est
son corps, de même que Christ Jésus est la tête de la véritable Eglise,
qui est son corps. Puisque la tête est le représentant du corps et que
sa bouche parle pour le corps, nous trouvons, ainsi que nous devions
nous y attendre, ce trait de l'Antichrist exprimé dans les Ecritures
d'une façon marquante. Dans
Daniel 7 : 8, 11, 25 et dans
Apocalypse 13 : 5, 6, la bouche de l'Antichrist nous est
montrée d'une façon particulière comme une de ses principales
caractéristiques. Daniel dit que cette corne “avait des yeux comme des
yeux d'homme”, symbole de l'intelligence et d'une politique
clairvoyante. Cette “corne” devait être différente de tous les autres
pouvoirs ; elle devait être plus sage, plus habile que les autres
empires qui essayèrent de gouverner le monde ; mais sa puissance
résidait plutôt dans sa bouche (ses expressions), guidée par ses yeux
(sa connaissance), que dans sa force physique. Il n'est personne
d'initié avec l'histoire de la Papauté qui puisse nier que les figures
employées pour illustrer son pouvoir et ses méthodes ne soient
remarquablement justes.
“Et
il lui fut donné une bouche qui proférait de grandes choses... Elle ouvrit
sa bouche en blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son nom et son
habitation, et ceux qui habitent dans le ciel”. “Et il proférera [[330]] des
paroles contre le Très-Haut.” –
Apocalypse 13 : 5, 6 ;
Daniel 7 : 8, 25, D.
Il ne
faut pas oublier que ces expressions sont figuratives et descriptives du
caractère et des prétentions d'une “bête” symbolique (gouvernement) et d’une
“corne” (pouvoir) qui sort de l'ancienne bête ou empire Romain. A certains
égards la Papauté fut un nouveau gouvernement (“bête”) distinct de l'ancien
empire romain, et à d'autres égards, elle fut une corne ou puissance parmi
d'autres sorties de cet empire, et qui, pour un temps, exerça une autorité
supérieure sur les autres cornes ou pouvoirs. C'est pour la désigner plus
exactement et pour la localiser qu'elle est présentée en symbole sous ces
deux apparences.
Les
grandes paroles orgueilleuses, ou blasphématoires, de l'Antichrist couvrent
la période tout entière de sa longue carrière. L'expression “blasphème” est
habituellement employée de nos jours dans le sens le plus commun et est
appliquée seulement aux formes les plus vulgaires de malédiction et de
profanation. Mais le mot “blasphème” dans sa vraie signification s’applique
à toute indignité vis-à-vis de Dieu. Bouvier le définit ainsi : “Blasphémer”,
c'est attribuer à Dieu ce qui est contraire à Sa nature, ce qui ne lui
appartient pas, et nier ce qui lui appartient ”. - Voyez le dictionnaire
de Webster aux mots blasphème et blasphématoire (i) C'est là le sens dans
lequel le mot blasphème est employé dans les Ecritures, comme nous le montre
la manière dont notre Seigneur et les pharisiens employaient ce mot. Les
Juifs répondirent : “Ce n est pas pour une bonne œuvre que nous te lapidons,
mais c’est pour un blasphème, et parce qu'étant un homme tu te fais Dieu
Jésus leur répondit : Dites-vous, tu blasphèmes, à moi que le Père a
sanctifié et qu'il a envoyé [[331]] dans le monde, parce que j'ai dit : Je
suis le Fils de Dieu ?” —
Jean 10 : 33, 36; voy. aussi
Marc 14 : 61-64.
' (i) Larousse. — Parole ou
discours impie qui outrage la divinité, la religion.
Ayant
ainsi devant nous la définition convenable du mot “blasphème”, il devient
évident, même pour les plus simples, que les paroles orgueilleuses et
arrogantes et les prétentions vantardes de la Papauté ont toutes été des
blasphèmes. L'établissement d'une contrefaçon du royaume de Dieu fut une
diffamation contre le gouvernement de Dieu, un grossier blasphème et une
représentation mensongère de son caractère, de son plan et de sa Parole. Le
caractère de Dieu, c'est-à-dire son “nom”, fut blasphémé par les milliers
d'édits monstrueux, de bulles et de décrets donnés en son nom, par la longue
lignée de ceux qui, en tant que vice-gérants (vicaires), ont prétendu
représenter son Fils ; le tabernacle de Dieu, la véritable Eglise, fut
blasphémé par le faux système qui prétendit prendre sa place, disant que ses
fidèles étaient le vrai et seul tabernacle ou Eglise de Dieu. Mais nous
devons laisser l'histoire nous parler de ces grandes paroles orgueilleuses,
de ces présomptions blasphématoires que les différents papes ont émises et
approuvées comme chefs de l'Antichrist.
Dans
un travail intitulé : “Le Pape, Vicaire de Christ, Chef de l'Eglise”, par un
célèbre catholique romain, Mgr Capel, se trouve une liste ne comprenant pas
moins de soixante-deux titres blasphématoires appliqués au pape ; et, comme
on peut le remarquer, ce ne sont pas des titres morts du passé, vu qu'ils
ont été fixés par un de leurs plus grands écrivains, vivant encore.
Nous citons de cette liste les
vingt-sept titres suivants :
“Le plus Divin
de tous les Chefs.
Saint Père des Pères.
Pontife Suprême au-dessus de tous les Prélats.
Administrateur de la Religion Chrétienne.
Souverain Pasteur, —
le Pasteur des pasteurs.
Christ par Onction.
Abraham par Patriarcat.
Melchisédec selon l'Ordre.
Moïse en Autorité.
Samuel dans l'Office de Juge.
Souverain Sacrificateur,
Suprême Evêque.
Prince des Evêques,
Héritier des Apôtres, —
Pierre en Puissance.
Porteur des Clefs du Royaume des Cieux.
Ayant la charge de Pontife avec Pleins Pouvoirs.
Vicaire de Christ.
Souverain-Sacrificateur.
Tête de toutes les Saintes Eglises.
Chef de l'Eglise Universelle.
Souverain Pontife, qui est l'Evêque des évêques.
Gouverneur de la Maison du Seigneur.
Seigneur Apostolique et Père des pères.
Principal Pasteur et Docteur.
Médecin des Ames.
Rocher contre lequel les portes orgueilleuses de l'enfer ne prévalent pas.
Pape Infaillible.
Chef de tous les Saints Prêtres de Dieu.”
L'auteur ajoute à la longue liste des titres, dont ceux ci-dessus ne sont
que des exemples, les citations suivantes d'une lettre que saint Bernard,
Abbé de Clairvaux, écrivait au pape Eugène III, en l'an 1150 “Qui es-tu ? —
Le Grand Prêtre, le Suprême Evêque. Tu es le prince des Evêques, l'Héritier
des Apôtres. Tu es Abel en primauté, Noé en domination, Abraham par rang
patriarcal, Melchisédec selon l'ordre, Aaron en dignité, Moïse en autorité ;
Samuel dans l'office de juge ; Pierre en puissance ; et CHRIST EN [[333]]
ONCTION. Tu es celui à qui ont été données les clefs du royaume des cieux ;
à qui ont été confiées les brebis. Il y a en vérité d'autres portiers du
ciel et d'autres bergers des troupeaux, mais tu es le plus glorieux, comme
ce que tu as de différentes façons hérité de ces deux noms avant tous les
autres... La puissance des autres a des limites bien établies ; la tienne
s'étend même sur ceux qui ont reçu autorité sur les autres. Ne peux-tu pas,
lorsqu'une juste raison se présente, fermer les cieux à un évêque, le
déposer de sa charge épiscopale et le livrer à Satan ? Ainsi, ton privilège
est immuable, aussi bien pour les clefs qui t'ont été remises que pour les
brebis confiées à tes soins. ”
Tous
ces titres flatteurs et blasphématoires furent appliqués aux pontifes
Romains et reçus par eux avec complaisance et une satisfaction marquée,
comme leur appartenant légitimement.
Nous
avons du pape Boniface VIII le décret suivant qui existe encore dans la loi
commune : “Nous déclarons, disons, Jugeons et prononçons qu'il est
nécessaire au salut, pour toute créature humaine, d'être assujettie au
pontife romain”. Le pape Grégoire VII qui, dans l'année 1063, ordonna que le
pape serait appelé le “père des pères”, tire ce qui suit de
Genèse 1 : 16 pour appuyer ses prétentions papales : “Dieu fit
deux grandes luminaires dans l'étendue du ciel ; le plus grand pour dominer
sur le jour, le moindre pour dominer sur la nuit ; grands tous deux, mais
l'un est le plus grand. Dans le firmament des deux qui est l'Eglise
universelle, Dieu fit deux grands luminaires, c’est-à-dire qu'il institua
deux dignités, qui sont l'autorité pontificale et le pouvoir royal ; mais
c'est celui qui préside sur le jour, le spirituel, qui est le plus grand ;
celui qui préside sur les choses charnelles est le moindre ; car comme le
soleil diffère de la lune, ainsi les papes : diffèrent des rois.” D'autres
papes ont également [[334]] adopté cette interprétation qui n'a fait que
renforcer l'idée de la suprématie papale.
Saint
Antoine, archevêque de Florence, après avoir cité le
Psaume 8 : 4-8 : “Tu l'as fait un peu moindre que les anges”,
etc., et l'avoir appliqué à Christ, le transfère au pape par les paroles
suivantes : “Parce qu'il nous a quittés corporellement, il a laissé son
vicaire (substitut) sur la terre... le pape. Car le pape, d'après Hostiensis,
est plus grand qu'un homme et moindre qu'un ange, étant mortel ; cependant
il est plus grand en autorité et en puissance. Car un ange ne peut consacrer
le corps et le sang de Christ, ni absoudre ou lier, pouvoir que les papes
possèdent au plus haut degré. Un ange ne peut pas non plus ordonner ou
accorder des indulgences. Il est couronné de gloire et d'honneur ; la gloire
des éloges, parce que non seulement il est appelé saint, mais très-saint.
Qui pourrait hésiter à l'appeler saint, lui que l'expression suprême d'une
telle haute dignité a exalté ? Il est couronné de l'honneur de la
vénération, au point que le fidèle peut baiser ses pieds. Nulle plus grande
vénération ne peut exister. “Prosternez-vous devant son marchepied !” (Psaume
99: 5). Il est couronné de la magnificence de l'autorité, parce
qu'il peut juger tout le monde et ne peut être jugé par personne ; à moins
qu'il ne soit prouvé qu'il ait dévié de la foi [de l'Antichrist,
naturellement]. En conséquence, il est couronné d'une triple couronne d'or,
et est établi sur toute l'œuvre de ses mains pour disposer de tous ses
inférieurs. Il ouvre les cieux, envoie les coupables en enfer, confirme les
empires et régit le clergé tout entier”. Le Concile de Latran, dans sa
première session, appela le pape le “Prince de l'Univers” ; dans sa seconde
session, “Prêtre et Roi qui doit être adoré par tout le peuple et qui est
vraiment semblable à Dieu” ; et dans sa cinquième session, il attribue à
Léon X les prophéties, qui se rapportent au glorieux règne de Christ, en ces
termes : “Ne pleure point, fille de Sion, [[335]] car voici le Lion de la
tribu de Juda, la racine de David : voici, Dieu t'a suscité un Sauveur.”
Du
Dictionnaire Ecclésiastique de Ferrari, ouvrage Classique de l'autorité
catholique romaine, nous citons le rapport condensé suivant sur le pouvoir
papal, sous le mot papa (article 2) :
“Le
pape est d'une telle dignité et grandeur, qu'il n'est pas simplement un
homme, mais pour ainsi dire comme Dieu et le vicaire [représentant] de
Dieu... Ainsi le papa est couronné de la triple couronne comme roi des
cieux, de la terre, et de l'enfer. Non, que disons-nous, l'excellence et la
puissance du pape s'étendent non seulement aux choses célestes, terrestres
et infernales, mais il est au-dessus des anges et est leur supérieur ; de
sorte que s’il était possible que les anges se détournassent de la foi, ou
entretinssent des sentiments qui lui fussent opposés, ils pourraient être
jugés et excommuniés par le pape... Il a une telle dignité et un tel pouvoir
qu'il occupe un seul et même tribunal avec Christ, et que tout ce qu’il fait
semble sortir de la bouche de Dieu Le pape est en quelque sorte Dieu sur la
terre, le seul prince des fidèles de Christ, le plus grand roi de tous les
rois, possédant la plénitude du pouvoir, auquel le gouvernement du royaume
terrestre et céleste a été confié”. Il ajoute plus loin : “Le pape a si
grande puissance et autorité qu'il peut modifier, révéler ou interpréter la
loi divine” “Le pape peut parfois contrecarrer la loi divine, en la limitait
et en l’expliquant, etc.”
Ainsi, non seulement l'Antichrist s'efforça d'établir l'église en puissance
avant le temps du Seigneur, mais il fut assez audacieux pour essayer de
“contrecarrer” et “modifier” les lois divines afin de faciliter ses propres
plans. Il a de cette manière accompli la prophétie qui, plus d'un millier
d'années auparavant, avait déclaré : “Il pensera changer les temps et la
loi”. —
Daniel 7 : 25.
Dans une bulle ou édit, Sixte V
déclare :
[[336]]
“L'autorité donnée à saint Pierre et à ses successeurs par l'immense
puissance de l'éternel Roi, est au-dessus de tous les pouvoirs des rois et
princes terrestres ; elle prononce des décisions définitives sur eux tous.
Et si quelqu'un d'entre eux résiste aux ordres de Dieu, cette autorité se
venge sur eux plus sévèrement, en les faisant tomber de leurs trônes,
quelque puissants qu'ils puissent être et en les jetant dans les parties les
plus basses de la terre, comme ministres de l'ambitieux Lucifer.”
Une
bulle du pape Pie V, ayant pour titre : “La damnation et l'excommunication
d'Elisabeth, reine d'Angleterre et de ses adhérents — avec addition d'autres
châtiments”, dit ce qui suit : “Celui qui règne en haut, à qui tout pouvoir
a été donné dans les cieux et sur la terre, a institué une sainte église
catholique, apostolique (hors de laquelle il n'y a pas de salut) et il a
donné plénitude de pouvoir pour la gouverner à un seul, savoir Pierre, le
prince des apôtres et au successeur de Pierre, l'évêque de Rome. Lui seul
est fait prince sur tout le peuple et sur tous les royaumes pour arracher,
détruire, disperser, consumer, planter et bâtir.”
Saint
Bernard affirme que “personne, si ce n'est Dieu, n'est semblable au pape, ni
dans les cieux, ni sur la terre”...
Le
pape Nicolas 1 dit de l'empereur Constantin qu’il conféra l'appellation de
Dieu au pape, lequel étant Dieu, ne peut en conséquence être Jugé par
l'homme. Le pape Innocent III dit : “Le pape occupe la place du vrai Dieu” ;
et la loi canon, dans le commentaire, appelle le pape : “notre Seigneur
Dieu”. Innocent et Jacobatius rapportent que “le. pape peut faire à peu près
tout ce que Dieu peut faire”, tandis que Décius rejette le mot “à peu près”
comme n'étant pas nécessaire. Jacobatius et Durand assurent “ qu'on n'ose
pas lui dire, pas plus qu'à Dieu : Eternel, que fais-tu ? Et Antonin écrit :
[[337]]
“C'est à lui [au pape] qu'il appartient d'ordonner les choses qui favorisent
le bien public et d'éloigner celles qui l'entravent, tels que les vices et
les abus qui éloignent l'homme de Dieu... Et cela d'après
Jérémie 1 : 10 [Ici encore une prophétie qui appartient au règne
millénaire de Christ est attribuée à l'Antichrist]. “Regarde, je t'ai établi
ce jour-ci sur les nations et sur les royaumes pour arracher et pour
démolir, pour détruire et pour renverser ” quant à ce qui regarde les vices,
“pour bâtir et pour planter” en ce qui concerne les vertus. Pour ce qui est
du pouvoir des papes sur ceux qui sont en enfer, désignés par les poissons
de la mer (Psaume
8), parce que de la même manière que les poissons sont
continuellement agités par les vagues de la mer, ainsi ceux qui sont dans le
purgatoire sont continuellement maintenus en mouvement par les afflictions
du châtiment. Dieu a aussi assujetti au pape les poissons de la mer,
c'est-à-dire ceux qui “ont dans le purgatoire pour les soulager par des
indulgences.
“Les
païens sont assujettis au pape qui préside dans le monde à la place de
Christ, Christ ayant plein pouvoir sur toute créature. Le pape est le
vicaire de Christ et personne ne peut légitimement se soustraire à son
obéissance, comme personne ne peut se soustraire légitimement à l'obéissance
à Dieu... Le pape peut punir les païens et les nations barbares. ...Si les
païens ne peuvent être punis par le châtiment spirituel de l'excommunication
et d'autres semblables, ils peuvent toutefois être punis par l'Eglise au
moyen de châtiments pécuniaires, et de peines corporelles par les princes...
L'Eglise peut punir indirectement les Juifs par des châtiments spirituels,
en excommuniant les princes chrétiens auxquels tous les Juifs sont
assujettis, s'ils négligent de les châtier par des peines corporelles,
lorsqu'ils font quelque chose contre les chrétiens...
Si
l'on désire la conversion de certains, on peut les y contraindre par la
terreur et les coups, non en vérité pour qu'ils reçoivent la foi, mais parce
qu'ils ne doivent opposer aucun obstacle à la foi par une obstination
volontaire ; car le jugement de Dieu devrait être imité pour la conversion
des incrédules.”
[[338]]
Ceci
illustre très bien comment les erreurs de doctrine produisent l'injustice.
Les hommes peuvent être rapidement amenés à toutes les formes de cruauté et
d'oppression, si, premièrement, ils peuvent se convaincre eux-mêmes que dans
l'exercice de telles dépravations ils sont le plus semblables à Dieu — des
imitateurs de Dieu. Il est vraiment étonnant qu'avec toutes les fausses
idées et les terribles doctrines concernant le plan de Dieu envers les
hommes, par lesquelles Satan les a aveuglés et trompés au moyen de la source
papale de l'erreur, leur enseignant une ligne de conduite en rapport avec
leur nature déchue, les hommes soient demeurés si doux et si modérés. Le
même auteur continue ainsi : “ Le pouvoir du pape s'exerce sur les
hérétiques et les schismatiques, désignés aussi par les bœufs, parce qu'ils
résistent à la vérité avec les cornes de l'orgueil. Dieu les a aussi
assujettis sous les pieds du pape pour être punis au quadruple, c'est-à-dire
par l'excommunication, la déposition, la privation de leurs biens temporels
et la persécution militaire. Mais ils ne doivent être pris pour hérétiques
que lorsqu'ils refusent de renoncer à leurs doctrines pestilentielles et
s'entêtent réellement à les défendre.... Le pape peut choisir ou élire
l'empereur. L'empereur est le ministre [serviteur] du pape, dans ce sens
qu'il est le ministre de Dieu dont la place est remplie par le pape ; car
Dieu a député l'empereur comme ministre du pape... Je suppose qu'on peut
dire en vérité que le pape, le vicaire de Christ, a une juridiction
universelle des choses spirituelles et temporelles dans le monde entier, à
la place du Dieu vivant.”
Les
proclamations suivantes des papes, glanées dans les “Actes et Monuments” de
Fox, par H. G. Guinness, un écrivain anglais connu, méritent une place
marquante, et nous pouvons sympathiser de cœur avec ses commentaires sur le
Système dont la bouche prononce de telles choses, lorsqu'il dit : “Si celui
qui s'élève sera abaissé, quelle dégradation pourra être proportionnée à une
exaltation de soi-même telle que celle-ci ?”
[[339]]
“C'est pourquoi, vu qu'un tel pouvoir est donné à Pierre, et à moi par
Pierre, comme son successeur, qui est celui dans le monde entier qui ne
doive pas être assujetti à mes décrets, qui ont tel pouvoir dans le ciel,
dans l'enfer et sur la terre, sur les vivants et les morts ?... la plénitude
de mon pouvoir est si grande par la juridiction de la clef qui m'a été
donnée que tandis que tous me sont assujettis, oui, et les empereurs
eux-mêmes devraient me soumettre leurs arrêts, moi seul ne suis assujetti
aucune créature, ni à moi-même... ; tous doivent me suivre, m'obéir ;
personne ne doit me juger ou m'accuser d'aucun crime ; et nul ne peut me
déposer, si ce n'est moi-même. Personne ne peut m'excommunier, lors même que
j'aurais des rapports avec les excommuniés ; car aucun canon ne me lie.
Personne n'oserait me mentir, car si quelqu'un me mentait, il ne serait
qu'un hérétique et un excommunié. Nous voyons donc ainsi que la grandeur de
la sacriflcature commença en Melchisédec, fut solennisée en Aaron,
perfectionnée en Christ, représentée en Pierre, exaltée dans la juridiction
universelle et manifestée dans le pape. Ainsi, par la prééminence de ma
sacrificature, toutes choses m'étant assujetties, ce qui fut dit de Christ :
Tu as assujetti toutes choses sous ses pieds, semble se trouver bien vérifié
en moi.
“Et
de même, il faut admettre que l'évêque de cette Eglise est toujours bon et
saint. S'il tombe dans l'homicide ou dans l'adultère, il peut pécher, mais
il ne peut cependant être accusé mais plutôt excusé par les meurtres de
Samson et les vols des Hébreux, etc. Toute la terre est mon diocèse et je
suis l'Ordinaire (juge - trad.) de tous les hommes, ayant l'autorité du Roi
de tous les rois sur ses sujets. Je suis tout en tous et au-dessus de tous à
ce point, que Dieu lui-même et moi, le vicaire de Dieu, avons un seul
consistoire ; je suis capable de faire à peu près tout ce que Dieu peut
faire. Dans tout ce que je désire, ma volonté tient lieu de raison, parce
que je puis par la loi dispenser au-dessus de la loi et faire sortir la
justice de [[340]] l'injustice, en corrigeant les lois et en les changeant.
Si donc on dit que les choses que je fais viennent non de l'homme, mais de
Dieu, que pouvez-vous faire de moi, sinon me faire Dieu ?.., Il est en mon
pouvoir de changer les temps et les saisons, d'altérer ou d'abroger les lois
et de dispenser de toutes choses, même les préceptes de Christ ; car si
Christ ordonne à Pierre de remettre son épée dans le fourreau, et s'il
engage ses disciples à n'user d'aucune force extérieure pour se venger
eux-mêmes” n'écris-je pas, moi, pape Nicolas, aux évêques de France pour les
exhorter à tirer leurs épées matérielles ?... Si Christ lui-même a été
présent aux noces de Cana en Galilée, ne défends-je pas, moi, pape Martin,
au clergé spirituel d'assister aux repas de mariage et aussi de se marier ?
De plus, lorsque Christ ordonne de prêter sans espoir de gain, ne puis-je
pas, moi, pape Martin, en donner la dispense ? Que dirais-je des meurtres,
lorsque je fais passer comme n'étant pas un meurtre ou homicide, la mise à
mort des excommuniés ? De même contre la loi naturelle, contre les apôtres
et aussi contre le canon des apôtres, je peux faire et je fais des
dispenses, car, bien que dans leur canon, ils commandent de déposer un
prêtre pour fornication, j'altère la rigueur de cette constitution, par
l'autorité de Sylvestre, considérant que les esprits et aussi les corps des
hommes sont plus faibles qu'ils étaient alors... Si vous désirez écouter
brièvement tous les cas qui appartiennent en propre à ma dispensation
papale, il y a cent cinquante points pour lesquels aucun homme ne peut
s'entremettre, si ce n'est moi seul. Je veux les réciter.
(Ici
en suit la liste).
“Après avoir ainsi suffisamment démontré combien mon pouvoir est grand sur
la terre, au ciel et dans le purgatoire, je parlerai maintenant un peu de
mes richesses et de mes grandes possessions, afin que chacun puisse voir mon
opulence et l'abondance que j'ai de toutes choses — rentes, dîmes et
tributs, mes soieries, mes mitres de pourpre, couronnes, or, argent, perles
et diamants, terres et seigneuries. Premièrement, la ville impériale de Rome
m'appartient ; le palais de Latran ; le royaume de Sicile est à moi en
propre ; l'Apulie et Capoue sont à moi.
[[341]]
De
même les royaumes d'Angleterre et d'Irlande ne me sont-ils pas ou ne
devraient-ils pas m'être tributaires ? Joignez à cela, à côté d'autres
contrées et provinces en Orient et en Occident, ces provinces du nord au
midi qui se nomment [Ici suit une longue liste de noms]. Que dirai-je de mes
revenus journaliers, de mes prémices, annates, palliums, indulgences,
bulles, confessions, faveurs et rescrits, testaments, dispenses, privilèges,
élections, prébendes, maisons religieuses et tant d'autres choses qui ne me
rapportent. pas mal d'argent ?... par quoi on peut se faire une petite idée
du gain qui rentre dans mes coffres... Mais que dois-je dire de l'Allemagne,
puisque le monde entier est mon diocèse, comme le dit mon droit canon que
tous les hommes doivent croire. C'est pourquoi je conclus comme j'ai débuté
et je commande, déclare et prononce qu'il est nécessaire pour le salut de
tous les hommes de m'être assujetti.”
Beaucoup de personnes, de nos jours, semblent croire que ces jactances de la
papauté appartiennent seulement au passé lointain, et qu'un grand changement
s'est produit dans ce système ces derniers temps. Mais un peu de réflexion
et d'observation démontrera que ces sentiments de la papauté sont toujours
les mêmes. Nous devrions aussi nous rappeler que la prétention constante de
la papauté est que ses doctrines sont immuables ; que les décrets de ses
papes et de ses conciles sont infaillibles ; et que ces décrets, qui
respirent le blasphème contre Dieu et la persécution contre les saints, sont
toujours tenus comme sacrés par l'église catholique romaine d'aujourd'hui.
Le seul changement survenu dans la papauté est la perte de pouvoir, amenée
par le réveil de la Réformation. La volonté y est toujours, mais le pouvoir
d'exécution est restreint par l'accroissement de connaissance et de liberté,
pour lequel la Bible a été le principal facteur. L'Antichrist est “rendu
graduellement impuissant” par le vrai Christ, par l'esprit de sa bouche, sa
Parole. Bientôt la lumière brillante de la présence d'Emmanuel détruira
entièrement la vaine gloire de la contrefaçon, et libérera [[342]]
complètement le monde des chaînes de ses prétentions illusoires et de ses
erreurs.
Pour
illustrer les présomptions des derniers temps, notez le fait que le dernier
pape, en montant sur le trône prit le titre de Léon XIII, et peu après, y
ajouta lui-même Léo de tribus ]uda, c'est-à-dire “Le Lion de la tribu de
Juda”, un des titres du vrai Chef. Par ces prétentions présomptueuses, il
n'est sûrement pas en retard sur ceux qui occupèrent le même office durant
les sombres siècles passés.
Ce
qui suit, appelé L'Adoration, est encore une partie de la cérémonie en
rapport avec l'installation d'un nouveau pape. Celui-ci, habillé de blanc,
paré de nombreux diamants brillants, et revêtu de souliers rouges, garnis de
grandes croix d'or en guise de boucles, est conduit à l'autel où il
s'agenouille. Ensuite “le pape se lève et, ayant revêtu sa mitre, il est
levé par les cardinaux et placé par eux sur le trône-autel pour s'y asseoir.
Un des évêques s'agenouille, et le chant du Te deum (ô Dieu, nous te
louons) commence. Pendant ce temps les cardinaux baisent les pieds, les
mains et le visage du pape”. Une monnaie, représentant cette cérémonie et
frappée à l'hôtel des monnaies du pape, porte les mots : “Ils adorent celui
qu'ils ont créé”.
Le
cardinal Manning, le représentant en chef de la Papauté en Angleterre,
attire l'attention du public sur la clause suivante de la foi catholique,
tout en la confirmant :
“Nous
déclarons, affirmons, définissons et prononçons qu'il est nécessaire au
salut de toute créature humaine qu'elle soit assujettie au Pontife Romain.”
Dans un discours qui a été publié, il fait dire ce qui suit au pape : “Je
prétends être le Juge Suprême et le Directeur des consciences des hommes ;
du paysan qui laboure la terre au prince qui est assis sur le trône ; de la
famille qui vit retirée au législateur qui donne des lois au royaume. Je
suis le seul, dernier et Suprême Juge de ce qui est juste et injuste.”
Nous
ne devrions pas oublier, en observant ces exemples modernes “de discours
enflés de vanité” de la Papauté, le remarquable décret du Concile
Œcuménique, tenu à Rome en 1870, qui proclama l'infaillibilité du pape. Il
est vrai que de tout temps les papes présomptueux avaient prétendu à
l'infaillibilité et que des évêques et des princes, désireux de flatter leur
orgueil, les avaient virtuellement appelés ainsi dans cette déclaration: “Tu
es un autre dieu sur la. terre” ; mais il restait à un concile papal, dans
ce XIXème siècle de lumière, de faire connaître au monde, froidement et
délibérément, la grandeur de ce “ dieu sur la terre “.et de proclamer qu'il
est presque aussi parfait que l'autre Dieu dans les cieux; qu'il ne peut pas
plus se tromper que l'autre ; que lorsqu'il parle ex-catheïra, le
pape est Infaillible — qu'il ne se trompe pas.
Le
vote du concile fut émis le 13 juillet 1870, et le 18, le décret fut
formellement promulgué avec cérémonie dans la grande cathédrale de St-Pierre
à Rome. On lira avec intérêt la description suivante de cet événement,
donnée par le Dr. J. Cummings de Londres. Il dit : “Le pape avait un grand
trône, érigé devant les fenêtres de la façade est de St-Pierre ; il
s'enveloppa dans un véritable scintillement de pierres précieuses et
s'environna de cardinaux, de patriarches et d'évêques en vêtements
splendides, pour une représentation théâtrale des plus grandioses. Il avait
choisi une heure matinale et les fenêtres à l'orient, afin que le soleil
levant pût lancer ses pleins rayons sur sa magnificence et que, par ce fait,
ses diamants, ses rubis et ses émeraudes les reflétassent et produisissent
une telle réfraction qu'il devait apparaître, non un homme, mais ce que le
décret le proclamait, un être ayant toute la gloire de Dieu... Le pape se
plaça de bonne heure à la [[344]] fenêtre à l'orient... mais le soleil
refusa... de luire. L'aurore pâle et triste s'assombrit rapidement jusqu'à
une très profonde obscurité. Le glorieux éblouissement ne put être produit.
Les yeux usés de celui qui se prétendait Dieu ne pouvaient voir assez pour
lire à la lumière du jour et il fallut apporter des chandelles. Cette
lumière ayant encore plus fatigué ses nerfs visuels, le pape demanda à l'un
des cardinaux de faire la lecture. Celui-ci commença à lire au milieu d'une
obscurité croissante ; mais à peine avait-il lu quelques lignes que
jaillirent du ciel d'un noir d'encre une lueur livide et un craquement
étourdissant tels que jamais encore pareille chose n'avait été vue à Rome.
Une grande terreur saisit toute l'assistance et le lecteur s'arrêta.
Un
cardinal sauta tout tremblant de sa chaise en s'écriant : “C'est la voix de
Dieu qui parle, les tonnerres du Sinaï”.
Parmi
les prétentions blasphématoires de l'Antichrist, il est plusieurs de ses
doctrines qui devraient être rappelées, particulièrement celle de la messe,
dont nous parlerons dans un autre volume. Passant sur le culte rendu aux
saints et à la vierge Marie, nous voulons indiquer quelques-unes des erreurs
encore plus graves.
L'infaillibilité de l'Eglise fut l'une des premières et elle prépara la voie
aux autres. Proclamée avant que le pape fût reconnu comme tel, elle fut une
erreur des plus sérieuses et barra le chemin à la rectification d'erreurs
qui furent découvertes dans la suite. Elle plaça les décrets des conciles de
l'église au-dessus de toute contradiction ou discussion, soit par la raison,
soit par l'Ecriture, et fit de l'ignorance, de la faiblesse et des fausses
conceptions humaines la mesure ou règle de la foi à la place de la Parole de
Dieu, la Bible ; car lorsqu'il fut établi que la voix des conciles de
l'église était infaillible, toutes choses durent s'arranger pour s'y [[345]]
conformer; et chaque concile se sentit lie de ne rendre aucune décision qui
fût contraire à celle des conciles précédents ; ceux qui auraient fait
autrement se seraient exposés à être répudiés. Ainsi lorsqu'une erreur avait
été une fois affirmée, elle ne pouvait plus être niée, ni même abandonnée.
La Bible et la raison durent être interprétées et tordues de manière à
s'accorder avec les décrets infaillibles d'hommes faillibles. Il n'y a donc
rien d'étonnant à ce qu'il ait été nécessaire de requérir de véritables
experts en théologie pour interpréter les Ecritures et les faire concorder
avec leurs soi-disant décrets Infaillibles. Proscription de la Bible.
L'histoire de la Papauté montre clairement que, tout en professant vénérer
la Bible comme étant la Parole de Dieu, elle la plaçait à l'arrière-plan et
mettait au premier rang ses propres paroles infaillibles. Non seulement
cela, mais le pape proscrivit entièrement la Parole de Dieu, comme étant peu
propre à être lue, et dangereuse pour le peuple, afin que sa propre parole
infaillible pût avoir une pleine autorité. Il savait très bien que la Bible
était dangereuse pour son pouvoir et une dénonciation constante de ses
prétentions blasphématoires.
Dans
les jours de la puissance papale, la possession ou la lecture de la Bible
par le peuple étaient traitées comme une offense criminelle. L'art de
l'imprimerie vers le XVIème siècle et la renaissance générale de
l'instruction qui en fut le résultat, assurèrent la résurrection de la Bible
hors du sépulcre des langues mortes, où l'Antichrist l'avait si longtemps
tenue cachée en en interdisant la traduction sous peine de sévères
châtiments. Lorsqu'un réveil de l'esprit d'indépendance commença à la
répandre parmi le peuple par les langues vivantes, les Bibles furent souvent
brûlées, et longues et terribles furent les malédictions impitoyables
[[346]] qui sortirent du Vatican contre les pécheurs audacieux qui osaient
traduire, publier ou lire la Parole de Dieu.
Lorsque Wiclef publia sa traduction, le pape Grégoire envoya une bulle à
l'université d'Oxford, condamnant le traducteur comme “étant tombé dans un
genre de crime détestable.” La traduction de Tyndale fut aussi condamnée ;
et lorsque Luther publia sa traduction allemande, le pape Léon X lança une
bulle contre lui. Mais l'œuvre n'en progressa pas moins avec rapidité; la
Bible devait avoir une résurrection complète et était destinée à déverser sa
lumière sur les hommes de toute nation et de toute langue. L'église de Rome
s'en aperçut lentement et résolut pour cela de permettre la traduction des
Ecritures en langue moderne par des traducteurs catholiques, en y ajoutant
des commentaires catholiques. Ce n'était pas cependant pour les donner au
peuple, excepté dans le cas où il y avait danger que celui-ci ne reçût des
traductions protestantes. La traduction de Reims le déclare.
Ce
qui suit montre le caractère de certaines des Notes de cette traduction de
Reims - Douai (1578 — trad.), qui a été remplacée plus tard (1610 — trad.)
par la version de Douai, très ressemblante, mais avec moins de notes
remarquables. Sur
Matthieu 3, il est dit dans une de ces notes “Les hérétiques
peuvent être punis et supprimés ; ils peuvent et doivent être châtiés ou
exécutés par l'autorité publique.” Une autre note sur Galates 1:8 se lit :
“Les catholiques ne devraient pas épargner leurs propres parents s'ils sont
hérétiques.” Sur
Hébreux 5 : 7la note dit : “Les traducteurs de la Bible
protestante devraient être envoyés dans les profondeur* de l'enfer ”. Et sur
Apocalypse 17 : 6 le commentaire dit : “Mais le sang des
protestants n'est pas appelé le sang des saints, pas plus que celui des
[[347]] voleurs, des meurtriers ou d'autres malfaiteurs répandu par ordre de
la justice, et pour le meurtre desquels, aucun gouvernement n'a à répondre.”
Nous
donnons ici quelques-unes des restrictions qui furent imposées lorsqu'il fut
reconnu que la lecture de la Bible ne pouvait pas être entièrement empêchée.
L'article 4 de l'Index Expurgatoris dit : “Si quelqu'un a la témérité de
lire ou de posséder la Bible sans autorisation écrite, il ne doit pas
recevoir l'absolution avant d'avoir remis cette Bible au préposé. — Les
libraires qui auront vendu ou disposé de quelque autre façon de Bibles en
langues vulgaires à quelqu'un non pourvu d'une telle permission, perdront la
valeur des livres... et seront soumis par l'évêque à tels autres châtiments
que celui-ci jugera convenable, d'après la gravité de l'offense.”
Le
concile de Trente dit dans sa session de 1546 : “Afin de restreindre les
esprits pétulants, le concile décrète que, en matière de foi et de morale et
de quoi que ce soit concernant le maintien de la doctrine chrétienne,
personne ne devra, se confiant en son propre jugement, oser tordre ou
fausser les Ecritures sacrées à son propre sens, contrairement à celui qui a
été attaché et est encore maintenu par la sainte église-mère, qualifiée pour
juger du sens véritable.”
Ce
qui suit est extrait de la bulle de Pie VII au Primat de Pologne, le 29 juin
1816, contre les Sociétés Bibliques : “Nous avons été vraiment affligé de
cette invention pernicieuse par laquelle les fondements mêmes de la religion
sont minés, et vu la grande importance du sujet, en ayant conféré en concile
avec nos vénérables frères, les cardinaux de la sainte Eglise Romaine, nous
avons, avec le plus grand soin et une attention extrême, délibéré sur les
mesures propres à être adoptées par notre autorité pontificale afin de
remédier autant que possible à cette peste et de l'abolir. Vous avez déjà
montré, de votre plein gré, un ardent désir de découvrir et de renverser les
[[348]] machinations impies de ces innovateurs, cependant, nous conformant à
notre office, nous vous exhortons de plus en plus que tout ce que vous
pouvez accomplir par votre pouvoir, préparer par conseil, ou effectuer par
autorité, vous l'exécutiez journellement avec la plus grande ardeur La Bible
imprimée par les hérétiques doit être mise au rang des autres livres
prohibés, conformément aux règles de l'Index.”
Le
même pape, dans l'année 1819, lança une bulle contre ceux qui se servaient
des Ecritures dans les écoles d'Irlande ; nous en citons ce qui suit : “La
congrégation du Saint-Office a été informée que des écoles de la Bible,
soutenues par les fonds des hétérodoxes, ont été établies dans presque
toutes les parties de l'Irlande, par lesquelles les personnes sans
expérience des deux sexes ont été infectées du poison fatal de doctrines
dépravées... C'est pourquoi tous les efforts possibles doivent être faits
pour éloigner la jeunesse de ces écoles funestes... Travaillez de tout votre
pouvoir pour éviter à la jeunesse orthodoxe d'être corrompue par eux; ce qui
pourra, je l'espère, être facilement obtenu par l'établissement d'écoles
catholiques dans tout votre diocèse.”
Nous
avons ici l'aveu candide du but réel de l'établissement des écoles
paroissiales catholiques en Angleterre et en Amérique du Nord, c'est-à-dire
la protection du système catholique même. L'Antichrist n'a pas d'autre but
en offrant l'instruction au peuple. L'ignorance et la superstition sont les
remparts de la papauté, et les siècles de sa puissance, y compris ceux qui
sont connus sous le nom d'âge des ténèbres, le prouvent. L'instruction du
clergé ne fut pas négligée, bien que sous certaines restrictions. Mais
qu'aucun effort ne fut fait pour l'instruction du peuple, l'ignorance
profonde de tous les vieux pays catholiques romains en est une forte preuve.
Les écoles et la Bible ont toujours été les ennemis insupportables de l'Antichrist
et ne furent [[349]] tolérées que lorsqu'elles devinrent des nécessités ; -
une fausse lumière dut encore être jetée sur ces écoles .pour préserver
l'existence de l'Antichrist. Nous citons ce qui suit d'une bulle de Léon
XII, lancée en 1825 au clergé catholique d'Irlande : “Ce n'est pas un secret
pour vous, vénérables frères, qu'une certaine société, vulgairement appelée
la Société Biblique, se répand audacieusement dans le monde entier. Au
mépris des traditions des saints pères, et en opposition au décret bien
connu du Concile de Trente, cette Société a concentré toutes ses forces et
dirige tous ses moyens vers un but : la traduction ou plutôt la perversion
de la Bible dans la langue maternelle de toutes les nations.”
Même
le pape Pie IX exprima l'angoisse de son cœur de voir de tous côtés le
triomphe de ce grand ennemi de l'Antichrist — la Bible, disant : “Maudites
soient ces sociétés pleines de ruses et de tromperies, appelées Sociétés
Bibliques, qui placent la Bible entre les mains de la jeunesse
inexpérimentée”
Il
est vrai qu'en 1886, le Concile Plénier Catholique Romain de Baltimore
décréta qu'une Bible approuvée serait permise dans les écoles catholiques
des Etats-Unis. Cela ne signifie toutefois aucun changement dans les
sentiments réels de l'Antichrist ; mais c'est simplement un autre coup de sa
politique clairvoyante, par déférence pour l'esprit de liberté régnant dans
ce pays et qui déteste de telles restrictions. Ce concile savait très bien
que c'était la liberté qui était demandée et non la Bible ; une enquête
montre d'ailleurs que maintenant, plusieurs années après, la Bible ne se
trouve pas du tout dans les écoles catholiques de ce Pays.
La
doctrine de l'immortalité naturelle et inhérente de l'homme (qu'une
existence humaine qui a une fois commencé ne peut jamais cesser), fut une
autre fertile erreur empruntée aux philosophes grecs. Une fois admise, elle
conduisit naturellement à cette conclusion, [[350]] que s'il faut que
l'existence continue à toujours, les expressions de la Bible concernant la
destruction finale des pécheurs volontaires, la seconde mort, etc., doivent
être expliquées de manière à signifier juste le contraire de ce qu'elles
disent, c'est-à-dire une vie éternelle en un état quelconque. Il fut facile
après cela de décréter que pour le méchant cette existence serait une vie de
souffrance ; et les tourments furent souvent peints sur les murs des églises
aussi bien qu'ils étaient dépeints par les paroles de prêtres et de moines
zélés. Cette erreur s'imprima d'autant plus facilement chez les nouveaux
convertis que les philosophes grecs (alors les maîtres du monde en matière
de science, de religion et de philosophie, — dont les idées, comme le montre
Josèphe, avaient même commencé à colorer le judaïsme) avaient depuis
longtemps soutenu et enseigné un châtiment pour les méchants après la mort.
Il faut toutefois dire à leur décharge qu'ils ne sont jamais descendus
jusqu'aux horribles blasphèmes contre Ie caractère de Dieu et son
gouvernement, enseigné au monde par l'Antichrist. Il était tout indiqué,
après cela, de fixer un lieu pour ce tourment, de l'appeler l'enfer et de
chercher les passages de l'Ecriture parlant du shéol, du hadès et de la
géhenne, qui dépeignent le salaire réel du péché, la première et la seconde
morts, et de les appliquer adroitement, ainsi que les paraboles de notre
Seigneur et les symboles de l'Apocalypse, pour se tromper eux-mêmes sur ce
sujet et le monde entier avec eux; et, chose plus grave, pour diffamer et
blasphémer le caractère et le plan de Dieu, notre tout sage et
miséricordieux Père Céleste.
Le
purgatoire fut introduit pour adoucir ces affreuses doctrines, les rendre
plus supportables et en même temps pour donner à l'Antichrist un moyen de
mieux tenir le peuple sous sa dépendance. Il prétendit tenir les clefs du
ciel et de l'enfer et avoir le pouvoir de [[351]] remettre les peines du
purgatoire : non seulement la peine adamique et les infirmités qui en
découlèrent, mais aussi le châtiment pour les péchés volontaires et commis
de propos délibéré. On peut facilement concevoir quel levier puissant ce fut
sur un peuple ignorant — spécialement lorsque les empereurs et les princes
de la terre acceptèrent le trompeur et s'inclinèrent devant lui.
Les
messes pour les morts suivirent ; et pour les avoir, riches et pauvres se
firent un devoir de payer libéralement. L'efficacité des messes pour le
soulagement des souffrances du purgatoire est reconnue omnipotente, — à tel
point que ni même Jéhovah, ni Christ ne peuvent intervenir contre elles.
Cela devint une source de grands revenus pour l'Antichrist ; parce que si le
mourant était riche, les prêtres ne manquaient pas de lui rappeler qu'avant
son départ il devait laisser des legs pour faire dire des messes pour
lui-même, de peur que quelqu'un des héritiers de ses richesses ne négligeât
de le faire. En effet, nous trouvons cette même pensée exprimée dans des
journaux catholiques romains, où il est recommandé de dépenser moins
d'argent en fleurs pour les funérailles et un peu plus en messes pour les
morts.
Les
indulgences s'introduisirent quelque temps avant les “croisades”. Nous
savons que des indulgences furent offertes comme prime d'encouragement, afin
de s'assurer des volontaires pour ces “croisades” ou “guerres saintes”. Par
un édit papal, quiconque voulait s'engager dans ces guerres saintes recevait
non seulement la rémission de ses péchés passés, mais méritait aussi que ses
péchés futurs fussent effacés et qu'il fût ainsi garanti contre certaines
souffrances du purgatoire. Les catholiques romains nous disent que ces
indulgences ne sont pas données comme une licence pour faciliter le péché,
mais en récompense du mérite [[352]] qui rachète ou annule un certain nombre
de jours ou d'années d'angoisse dans le purgatoire ; de sorte que si les
péchés d'un homme lui avaient valu mille ans de souffrance et si cet homme
s'était, en une ou plusieurs fois, assuré des indulgences pour mille ans,
soit avec de l'argent, soit par des services rendus à la papauté, ou encore
en faisant des pénitences, il s'en irait libre ; et s'il avait à son crédit
des indulgences pour neuf cents ans, il n'aurait que cent ans de souffrances
à endurer.
Et il
est probable que si le nombre de ses indulgences dépassait de beaucoup les
peines qui lui étaient dues, il serait considéré comme un saint, possédant
assez d'influence au ciel pour être prié et adoré. Nous en avons un exemple
dans le croisé Louis, roi de France. Il fut canonisé et est maintenant prié
et adoré sous le nom de saint Louis.
S'il
y a en effet une différence entre cette manière de comprendre les
indulgences et celle qui estime qu'elles sont une licence pour commettre le
péché, elle est cependant bien petite ; car la papauté fixa pour les
différents péchés ordinaires un certain temps de souffrances. Non seulement
les péchés passés pouvaient ainsi être anéantis et effacés, mais les
personnes qui avaient des raisons de penser qu'elles pourraient commettre
certains péchés dans l'avenir, pouvaient ainsi pourvoir par avance à leur
annulation en faisant des œuvres méritoires. En outre, il y a certaines de
ces indulgences appelées “plénières” [complètes, entières] qui sont
certainement comprises comme couvrant tous les péchés passés ou à venir.
Il
est presque incroyable que ces indulgences soient encore en vogue
aujourd'hui même. Les catholiques romains ont certaines prières dont la
répétition leur assure un droit d'indulgences pour une période limitée ; ils
prétendent qu'en multipliant ces prières, cela les protégera pour longtemps
de la colère. Ainsi, à ceux [[353]] qui disent le “Salut Sainte Reine !”, il
est accordé 40 jours d'indulgence ; tandis qu'il est accordé une indulgence
de 200 jours à celui qui récite “ Les Litanies de la Bienheureuse Vierge ;
et ceux qui disent le : “Béni soit la sainte, immaculée et très pure
conception dis la Vierge Marie” ont une garantie de 100 années
d'indulgences, etc., etc. On peut facilement se faire une idée à quel degré
de corruption conduisit cette doctrine blasphématoire, lorsque, dans l'âge
des ténèbres, les indulgences étaient libéralement accordées pour de
l'argent ou pour les services rendus en persécutant les incrédules et les
hérétiques.
D'énormes peines étaient fixées pour les crimes commis généralement par les
riches, qui pouvaient payer libéralement, tandis que les plus basses
violations de la justice, plus communes parmi les classes plus pauvres,
étaient facilement excusées. C'est ainsi que le mariage avec un cousin
germain coûtait jusqu'à 1.500.000 francs d'aujourd'hui, tandis que le
meurtre d'une femme ou d'un père coûtait seulement 45.000 francs. Spanheim
dit : “L'institution des indulgences fut pour l'église romaine l'hôtel à
frapper la monnaie, la mine d'or pour les neveux libertins et les enfants
naturels des papes, le nerf des guerres papales, le moyen de liquider les
dettes et l'intarissable fontaine de luxe des papes”.
Pour
régulariser ce trafic, une échelle graduée des peines fut établie pour les
différents péchés — soit plusieurs jours ou des années de purgatoire pour
chacun ; et une échelle de prix fut aussi arrangée pour y correspondre, afin
que ceux qui obtenaient des indulgences pour un meurtre, un vol, un
adultère, un parjure, ou autres péchés, pussent être taxés suivant le cas.
Par ce moyen, les peines étaient rachetées et les tourments du purgatoire
mitigés ou annulés selon le bon plaisir de la volonté de l'Antichrist. Nous
ne pouvons donc pas nous [[354]] étonner que le peuple comprit promptement
que beaucoup d'argent payait beaucoup de péchés. Les crimes s'accrurent
tellement par ces indulgences que les meilleures classes de la société
s'indignèrent jusqu'à se rebeller contre l'église. Les yeux des hommes
commencèrent à s'ouvrir et à voir que le clergé, depuis les plus hauts
dignitaires de l'église jusqu'aux sous-prêtres et officiants, trempaient
dans l'iniquité. De même qu'une heure sombre précède la tempête, ainsi
l'heure des plus grandes ténèbres morales du règne ténébreux de l'Antichrist
eut lieu juste avant que commençât le grand mouvement de la Réformation. Ce
fut le trafic public et honteux des indulgences qui produisit des nausées et
conduisit Luther et d'autres papistes zélés à discuter et à examiner le
système tout entier, d'abord sous son aspect moral, puis sous son
aspect doctrinal. Finalement, Luther conçut la pensée exacte, c'est-à-dire
que la papauté était en vérité l'Antichrist. Une fois qu'il eut découvert
cela, il indiqua sans crainte quelques-uns des symboles de l'Apocalypse et
montra leur application et leur accomplissement, partiel dans la hiérarchie
papale.
A ce
sujet nous citons ce qui suit de la plume de l'ecclésiastique bien connu,
Lyman Abbott : “L'apport d'argent pour l'église était une des conditions
pour lesquelles les indulgences étaient accordées autrefois plus que
maintenant. Ce trafic atteignit son apogée au début du XVIe siècle sous Léon
X qui publia que des indulgences seraient accordées à tous ceux qui
contribueraient à l'érection de la cathédrale de St. Pierre à Rome. Son
principal agent pour la vente des indulgences en Allemagne tut un nommé Jean
Tetzel. Les vices notoires de ce Tetzel n'empêchèrent pas le choix qui fut
fait de lui pour être le dispensateur de ces pardons accordés à d'autres
âmes plus pieuses ; rien ne lui semblait trop extravagant pour remplir ses
coffres d'argent. Il déclara que la croix rouge qui l'accompagnait partout
où il allait [[355]] avait une efficacité aussi grande que la croix de
Christ — qu'il n'y avait pas de péché si grand qu'il ne pût le remettre ;
que les indulgences ne sauvaient pas seulement les vivants, mais aussi les
morts ; qu'au moment même où l'argent tintait au fond des caisses, les âmes
quittaient le purgatoire pour s'envoler au ciel. Telles étaient
quelques-unes de ses déclarations blasphématoires. Une échelle régulière de
prix fut établie : La polygamie coûtait six ducats ; le sacrilège et le
parjure, neuf ; le meurtre, huit ; la sorcellerie, deux. Ce fut ce trafic
sans vergogne et à la vue de tous qui, plus que toute autre chose, conduisit
à la Réformation. Les indulgences continuèrent à être accordées, non
seulement pour des actes de culte, mais aussi pour des contributions en
argent faites à l'église ; mais la vente publique et ouverte est maintenant
pour la plus grande partie bannie de l'église de Borne.”
Un
autre écrivain relate ainsi d'autres paroles de Tetzel :
“Approchez-vous et je vous donnerai des lettres dûment scellées, par
lesquelles même les péchés que vous désireriez commettre à l'avenir vous
seront tous pardonnés. Il n'y a pas de péchés si grands que les indulgences
ne puissent les remettre. Payez, mais payez largement, et vous serez
pardonnes. Vous prêtres, vous nobles, vous négociants, vous femmes, vous
jeunes filles, vous jeunes gens, écoutez la voix de vos parents et amis qui
s'en sont allés et qui s'adressent à vous de l'abîme sans fond : Nous
endurons l'horrible tourment ; une petite aumône peut nous délivrer ; vous
pouvez la donner, ne lèverez-vous pas ? Avec dix sous allemands vous pouvez
délivrer votre père du purgatoire. Notre Seigneur Dieu ne s'occupe plus de
nous comme Dieu ; il a donné tout pouvoir au pape.”
Ce
qui suit est la copie d'une des formules employées par Tetzel, contenant le
nom de l'acheteur, la nature de ses péchés, etc. :
“Que
notre Seigneur Jésus-Christ te fasse miséricorde... et t'absolve par les
mérites de ses plus saintes souffrances. En vertu du pouvoir apostolique qui
m'a été [[356]] conféré, je t'absous de tous les... excès, péchés et crimes
que tu pourrais avoir commis, quelque grands qu'ils puissent être et de
quelque nature qu'ils soient... Je te fais remise des peines que tu aurais à
endurer au purgatoire,... je te restaure à l'innocence et la pureté de ton
baptême, afin qu'au moment de la mort, les portes du lieu de tourment te
soient fermées et que celles du paradis te soient ouvertes. Et si tu dois
vivre longtemps, cette grâce demeure inaltérable jusqu'au moment de ta fin.
Au nom du Père, du Fils et du St Esprit, Amen. Le frère Jean Tetzel,
commissaire, a signé ceci de sa propre main.” —Quant au présent immédiat,
nous ne pouvons rien dire, mais nous savons qu'il y a seulement quelques
années, des indulgences imprimées avec les prix fixés étaient en vente, sur
des tables, dans certaines grandes églises catholiques romaines du Mexique
et de Cuba.
“ IL LUI FUT DONNÉ DE FAIRE LA GUERRE AUX
SAINTS ET DE LES VAINCRE ” —
“ DE CONSUMER LES SAINTS DU TRÈS-HAUT ”
La
contrefaçon papale du royaume a-t-elle détenu et exercé le pouvoir sur
les vrais enfants de Dieu consacrés, les a-t-elle vaincus, “réduits à
l'extrémité” (Laus.) ou écrasés, comme le texte hébreu l'implique, par
une longue période d'oppression ? Nous répondons : Oui. Tous les moyens
qui purent être imaginés furent employés pour écraser et éteindre
l'esprit ou l'essence du vrai christianisme (Jean
8 : 36 ;
Galates 5 : 1 ;
2 Corinthiens 3 : 17) ; et y substituer l'esprit, les
doctrines et les formes de l'Antichrist. Tout d'abord ce fut moins une
attaque ouverte contre les fidèles qu'une lente, persistante et
écrasante oppression, procédant spécialement contre les docteurs
opposés, mettant à bout la patience et détruisant la foi chez beaucoup.
Ce harcèlement persistant est bien illustré par l'institution du
confessionnal, par lequel l'Antichrist prenait non seulement
connaissance de toutes les critiques et de toutes les” objections faites
contre ce système et dites à l'oreille [[357]] d'un confesseur, mais
sous la menace de peines à venir, il contraignait à confesser toutes les
pensées ou actes qui lui étaient opposés et à s'en repentir. Cela aussi
fut bientôt si soutenu par le pouvoir civil que toute protestation
contre l'église put être envisagée comme une trahison contre le pouvoir
civil qui était soutenu par l'autorité papale.
Pendant le premier éclat de l'exaltation papale, le peuple, dans son
ensemble, était reconnu nominalement comme membre de l'église, ou sans cela
il était païen ; et tous ceux qui professaient Christ étaient tenus de se
conformer aux usages et aux règlements de la hiérarchie qui s'élevait
graduellement. L'erreur, toujours plus populaire que la vérité quand elle
est à l'influence et au pouvoir, la chassait, la proscrivait et la
discréditait et persécutait ceux qui y étaient attachés. Ce fut le temps où,
comme cela est dépeint dans l'Apocalypse, la véritable Eglise (la femme)
s'enfuit dans le désert — dans la solitude (Apocalypse
12 : 6), — proscrite à cause de sa fidélité à la vérité et au
vrai Seigneur et Chef de l'Eglise. Dans ce temps, où les apostats furent
exaltés comme princes, les saints vraiment humbles firent l'expérience de ce
dont le Seigneur les avait avertis : que tous ceux qui (durant l'ère de
l'Evangile) veulent vivre pieusement doivent s'attendre à être persécutés.
La belle-mère s'élèvera contre la belle-fille, le père contre le fils, le
frère contre le frère et l'homme aura pour ennemis les gens de sa maison.
Pouvait-il être conçu quelque chose de plus propre à épuiser ou écraser les
saints que de tels moyens, employés pendant des siècles ?
Pour
avoir une idée de l'implacable férocité de cette persécution, il nous faut
encore retourner aux pages de l'histoire.
Les
persécutions des chrétiens sous la Rome païenne ne peuvent être comparées à
celles de la Rome papale, ayant été moins fréquentes, plus limitées en
étendue et [[358]] beaucoup moins sévères. Il a été constaté, sur la parole
digne de foi des premiers chrétiens, que la majorité des magistrats romains
qui exerçaient l'autorité de l'empereur ou du sénat dans les provinces, qui
possédaient le pouvoir de vie et de mort, se conduisaient en hommes polis,
d'éducation libérale et respectaient les règles de la justice. Ils
déclinaient fréquemment les devoirs Odieux de la persécution, repoussaient
avec mépris les accusations contre les chrétiens (comme Hérode et Pilate
essayèrent de le faire dans le cas de notre Seigneur :
Luc 23 : 14-16, 20, 22 ;
Matthieu 27 : 24), ou Suggéraient aux chrétiens un moyen légal
d'évasion. Ils employaient plus souvent leur pouvoir, lorsque cela était
possible, pour délivrer les chrétiens plutôt que pour les opprimer. Les
tribunaux païens furent souvent pour eux le plus sûr refuge, contre leurs
accusateurs juifs*. La cruelle persécution qui sévit sous l'exécrable tyran
Néron, qui fit brûler des chrétiens pour éloigner les suspicions que le
peuple avait contre lui-même, forme une des pages les plus obscures de
l'histoire de la Rome païenne ; mais elle fit relativement peu de victimes.
Ce ne sont pas généralement ceux du commun peuple qui furent victimes des
persécutions païennes, mais plutôt des individualités en vue. Mais même ces
persécutions des principaux représentants n'étaient pas tant une opposition
fixe et persistante de la part du gouvernement que le résultat d'une clameur
populaire irrésistible, éveillée par la superstition et qui semblait
nécessaire aux gouvernants pour assurer l'ordre et la paix. Nous en trouvons
plusieurs exemples dans la carrière de Paul et des autres apôtres. — Voy.
Actes 19 : 35-41 ;
25 : 24-27 ;
26 : 2, 3, 28.
* Gibbon, Vol. II, pages 31-33.
Les
persécutions les plus générales, sous les empereurs romains, ne furent même
que de courte durée, excepté celle qui eut lieu sous Dioclétien et qui se
continua avec plus ou moins de [[359]] sévérité pendant dix ans. Entre ces
persécutions il y eut souvent de longues périodes de paix et de
tranquillité. Sous les empereurs, la chrétienté, bien que fortement
oppressée, ne fut pas réduite à l'extrémité, mais, comme nous l'avons vu,
elle prospéra grandement.
Combien furent différentes les persécutions de la papauté, qui non seulement
s'attaqua aux personnages en vue, mais à tous ; et ses persécutions ne
duraient pas quelques mois seulement, mais ne cessèrent pas. Ce qui, sous
les empereurs païens n'était qu'une rage ou frénésie passagère devint sous
les papes un système organisé, animé par le fanatisme religieux, par des
plans ambitieux, et inspiré par un zèle satanique avec une énergie et une
cruauté sans parallèle dans les annales de l'histoire. L'église apostate mit
de côté l'épée de l'Esprit, et, saisissant le bras de l'empire, tourna ses
armes charnelles avec une fureur "sans pitié contre tous les faibles
opposants qui se trouvaient sur le chemin de son ambition, tandis qu'elle
courtisait, nattait et trompait ceux qui détenaient l'autorité, jusqu'à ce
qu'elle eût capté leur confiance et usurpé leur place et leur pouvoir.
Le
paganisme et l'hérésie devinrent alors des motifs de persécutions, — tout
spécialement cette dernière. Le clergé soi-disant chrétien, dit Edgar,
“appliquait les lois de la théocratie juive et les transactions des annales
judaïques dans le but vil et profane de réveiller le démon de la persécution
contre les restes poussiéreux de la superstition [païenne] des Grecs et des
Romains... Ils dissolvaient l'ancienne fabrique du polythéisme et faisaient
bénéficier l'église, l'état et l'armée de leurs revenus...” Le paganisme fut
chassé du territoire romain... On substitua la contrainte à la conviction et
la terreur à l'Evangile. On rougit de honte en lisant qu'un Symmaque
et un Libanius, deux orateurs païens, plaidaient pour la raison et la
persuasion dans la propagation de la religion, tandis qu'un Théodose et un
Ambroise, un [[360]] empereur chrétien et un évêque chrétien poussaient à la
violence et à la contrainte.
Quand
Constantin eut été élevé à la souveraineté de Rome, il était disposé à
tolérer toutes les religions, comme nous le montre le célèbre édit de Milan
qui accordait la liberté religieuse à tout individu dans l'empire romain.
Une telle mesure aurait dû être reçue avec joie par l'église chrétienne qui
avait tant soupiré après la liberté au cours des persécutions précédentes ;
mais tel ne fut pas le cas. Le véritable esprit du christianisme avait
disparu et l'ambition de l'église était alors de s'exalter elle-même le plus
rapidement possible en écrasant toute étincelle de liberté, et en soumettant
toutes choses à sa volonté. D'accord avec cela, Gibbon dit : * “Les
ministres ecclésiastiques de Constantin en vinrent bientôt à réduire
l'impartialité du magistrat et à éveiller le zèle du prosélyte… ; tout
espoir de paix et de tolérance fut détruit dès le moment où il rassembla
trois cents évêques à l'intérieur de son palais”. Là on persuada à
l'empereur de déclarer que ceux qui résisteraient au jugement de ce corps
clérical en matière de foi, se prépareraient à l'exil immédiat ; et leurs
décisions furent déclarées être d'autorité divine. Cet esprit d'intolérance
se développa bientôt en d'arriérés et implacables persécutions. Constantin
promulgua deux lois pénales contre l'hérésie, et son exemple fut suivi par
les empereurs qui lui succédèrent — Valentinien, Gratien, Théodose,
Arcadius, et Honorius. Théodose publia quinze Arcadius douze et Honorius pas
moins de dix-huit de ces statuts. Ils sont rapportés dans les codes de
Théodose et de Justinien à la honte de leurs auteurs, prêtres et empereurs.
* Vol. II,
page 236.
Ce
qu'il plaisait à l'Antichrist d'appeler hérésie (le glus souvent c'était la
vérité et la justice s'efforçant de prendre pied) était classé comme, pire
que l'incrédulité ; [[361]] les rois, les empereurs et les théologiens s'y
opposèrent ; l'hérésie et l'incrédulité, spécialement la première, furent
persécutées par l'Inquisition. Lorsque vers le commencement du treizième
siècle il y eut une renaissance de l'instruction et que les hommes
commencèrent à se réveiller de leur sommeil et des mauvais songes de l'âge
des ténèbres, ceux chez qui le sentiment de la vérité n'était pas
entièrement extirpé furent stimulés et l'étendard de la vérité fut levé en
opposition aux erreurs grossières de l'Antichrist. C'est alors que l'esprit
de persécution de l'Antichrist s'excita et commit des actes furieux afin
d'écraser l'opposition. Les rois et les princes qui en quelque mesure
pouvaient avoir encouru le déplaisir du pape, tremblaient pour la sécurité
de leurs couronnes ; leurs royaumes pouvaient être mis au terrible ban de
l'église, si eux ou leurs sujets refusaient une obéissance absolue aux
commandements du pape qui les adjurait d'exterminer l'hérésie et les
exhortait à purifier leurs provinces de la perversité hérétique, sous peine
de se voir retirer leur gouvernement. Ceux d'entre les nobles qui
négligeaient d'aider à la persécution perdaient leurs droits et possessions.
C'est pourquoi rois et princes s'empressèrent d'exécuter les mandats qu'ils
avaient reçus de la papauté ; et les barons et leurs partisans furent à leur
service dans cette œuvre de destruction. Même avant ce réveil, déjà en l'an
630, le Concile de Tolède força le roi d'Espagne, lors de son avènement au
trône, de jurer qu'il ne tolérerait pas l'hérésie parmi ses sujets et dans
toutes les possessions espagnoles ; et il fut spécifié que le souverain qui
violerait un tel serment “serait maudit loin de la face du Dieu éternel et
deviendrait le combustible du feu éternel”. Mais la terrible importance de
telles exigences fut beaucoup plus complètement comprise lorsque le réveil
commença et que l'Antichrist eut obtenu son maximum de puissance.
[[362]]
Le
Concile d'Oxford en 1160 livra au bras séculier comme châtiment, une
compagnie de Vaudois du Piémont qui avaient émigré de Gascogne en
Angleterre. En conséquence, le roi Henri II ordonna que les hommes et les
femmes fussent fouettés publiquement, marqués à la Joue par un fer rougi au
feu et chassés demi nus hors de la ville, en plein hiver ; et il ne fut
permis à personne de leur montrer de la pitié ou de leur accorder la moindre
faveur.
L'empereur d'Allemagne, Frédéric, en 1224, condamna les hérétiques à divers
châtiments : à être brûlés vifs, à voir leurs propriétés confisquées et leur
postérité vouée à l'infamie à moins qu'ils ne devinssent eux-mêmes
persécuteurs. Louis, roi de France, publia en 1228 des lois pour extirper
l'hérésie et les mit en vigueur. Il força Raymond, comte de Toulouse, à se
charger de l'extermination de l'hérésie dans son domaine, sans épargner ami
ou vassal.
Il y
eut dès le début une certaine résistance contre l'usurpation du pouvoir qui
se développa peu à peu en système papal, mais cette résistance fut faite
seulement par un petit nombre de fidèles ; et elle fit peu d'impression sur
le flot écrasant de mondanité qui entra dans l'église et la submergea.
Quelques-uns, au fur et à mesure qu'ils discernaient l'erreur, se retirèrent
tranquillement de la grande apostasie pour adorer Dieu selon ce que leur
conscience leur dictait, malgré les risques de la persécution. Les plus
notables furent les Vaudois, les Albigeois, les Wicléfistes et les
Huguenots. Tous, bien que connus sous des noms différents, ont eu, autant
que nous pouvons en juger, une origine et une foi communes. “La doctrine des
Vaudois”, dit Rainerous (3, 4), le célèbre Inquisiteur du 13e siècle, “est
la plus ancienne hérésie ; elle existait, d'après quelques-uns, depuis le
temps du pape Sylvestre et, suivant d'autres, depuis les jours des apôtres”.
[[363]]
Sylvestre était pape lorsque l'empereur Constantin embrassa le christianisme
; nous voyons donc par cela que dès le début la vérité ne demeura pas sans
adhérents qui, quoique humbles et sans popularité, résistèrent résolument, à
la Papauté et aux doctrines papales du purgatoire, de l'adoration des
statues, de l'invocation des saints, de l'adoration de la vierge Marie, des
prières en faveur des morts, de la transsubstantiation, du célibat du
clergé, des indulgences, de la messe, etc., et désapprouvèrent les
pèlerinages, les fêtes, l'encens brûlé, les enterrements religieux, l'emploi
de l'eau bénite, les vêtements sacerdotaux, les monastères, etc. Ils avaient
compris que l'enseignement de l'Ecriture sainte devait être maintenu en
opposition aux traditions et prétentions de l'église de Rome Ils regardaient
le pape, comme le chef de toutes les erreurs et prétendaient que la
rémission des péchés était obtenue seulement par les “mérites du Seigneur
Jésus”. Par leur foi et leurs œuvres, ces gens formèrent la base d une
réformation et protestèrent contre l'erreur bien longtemps avant Luther. Eux
et d'autres adversaires du romanisme furent chassés, détestés et persécutés
avec une furie impitoyable par les émissaires du pape. Les Vaudois et les
Albigeois furent les partis les plus nombreux qui protestèrent contre la
Papauté et lors du réveil littéraire du 13e siècle, ce furent eux surtout
qui firent briller ,la vérité que Wyclef, Huss, Luther et d'autres
reflétèrent et accentuèrent avec plus de puissance. Leurs doctrines, qu'ils
soutinrent avec simplicité et moralité, brillèrent d'un lustre plus grand
encore par contraste avec l'orgueil pompeux et l'immoralité flagrante de la
Papauté alors dans l'exaltation. C'est alors que les papes, les conciles,
les théologiens, les rois, les croisés et les inquisiteurs combinèrent leur
puissance diabolique pour exterminer tous les opposants et éteindre le
moindre rayon de lumière [[364]] qui se levait. Le pape Innocent III envoya
tout d'abord des missionnaires dans les districts où les doctrines des
Albigeois avaient pris pied, pour prêcher le romanisme, opérer des miracles,
etc. ; mais trouvant ces efforts insuffisants, il proclama une croisade
contre eux et offrit à tous ceux qui s'y engageraient le pardon de tous
leurs péchés et un passeport immédiat pour le ciel, sans passer par le
purgatoire. Un demi-million d'hommes, — des Français, des Allemands, et des
Italiens, pleins de confiance dans le pouvoir du pape de donner la
récompense promise, se rallièrent sous l'étendard de la croix pour défendre
le catholicisme et exterminer l'hérésie. Une série de batailles et de sièges
se succédèrent alors durant 20 ans. La ville de Béziers fut prise et
saccagée en 1209, et les bourgeois, sans distinction d'âge ou de sexe,
périrent par l'épée au nombre de 60.000, comme plusieurs historiens le
rapportent. Le sang de ceux qui se réfugièrent dans les églises et qui
furent tués par les saints Croisés abreuva les autels et coula dans les
rues.
Lavaur fut assiégée en 1211. Le gouverneur fut pendu à un gibet, et sa
femme, ayant été jetée dans un puits, y fut lapidée. Les citoyens furent mis
à mort sans distinction, 400 furent brûlés vifs. La florissante contrée du
Languedoc fut dévastée, ses villes brûlées et ses habitants balayés par le
feu et l'épée. On estime que 100.000 Albigeois tombèrent en un seul jour ;
leurs corps furent mis en tas et brûlés.
Tous
ces massacres et ces vilenies furent faits au nom de la religion, soi-disant
pour la gloire de Dieu et l'honneur de l'église, mais en réalité pour
soutenir l'Antichrist, assis dans le temple de Dieu [l'église] se donnant
lui-même comme étant un dieu, c'est-à-dire un puissant, capable de conquérir
et de détruire ses ennemis. Le clergé remercia Dieu pour cette œuvre de
destruction, et un hymne de louange à Dieu fut composé [[365]] et chanté
pour la glorieuse victoire de Lavaur. L'épouvantable carnage de Béziers fut
considéré comme le jugement visible du ciel contre l'hérésie des Albigeois.
Les croisés participèrent à la messe le matin, et le reste du jour ils
dévastèrent la contrée du Languedoc et assassinèrent ses habitants.
Qu'on
se souvienne toutefois que ces croisades ouvertes contre les Vaudois et les
Albigeois ne furent entreprises que parce que l'hérésie avait pris une
extension considérable dans la plus grande partie de ces communautés. Ce
serait une grande erreur de supposer que ces croisades furent les seules
persécutions : le lent et constant écrasement des individus dont la masse se
compta par milliers se poursuivit dans le vaste empire de la Papauté, —
consumant ainsi sans interruption les saints du Très-Haut.
Charles-Quint, empereur d'Allemagne, roi d'Espagne et des Pays-Bas,
persécuta les amis de la Réforme dans toute l'immense étendue de son
gouvernement. Soutenu par la diète de Worms, il proscrivit Luther, ses
disciples et ses écrits, condamna tous ceux qui aideraient Luther ou
liraient ses livres à la confiscation de leurs biens, à être mis au ban de
l'empire et à la peine de haute trahison. Dans les Pays-Bas, les hommes qui
suivirent Luther furent décapités et les femmes enterrées vives ou, si elles
s'obstinaient, livrées aux flammes. Quoique cette loi fût en grande partie
suspendue, l’œuvre de mort n'en continua pas moins sous toutes ses formes
horribles. Le duc d'Albe se glorifia de l'exécution de 18.000 protestants en
six semaines. Paolo estime à 50.000 le nombre de ceux qui furent exécutés
dans les Pays-Bas à cause de leur religion ; et Grotius donne une liste des
martyrs de la Belgique s'élevant à 100.000. Charles exhorta jusqu'à son
dernier souffle son fils, Philippe II, à achever l'œuvre de persécution et
d'extermination de l'hérésie qu'il avait commencée. [[366]] Philippe ne
tarda pas à suivre ces conseils ; il stimula avec furie l'esprit de
persécution et condamna les protestants aux flammes, sans distinction ni
pitié.
François et Henri, rois de France, suivirent l'exemple de Charles et de
Philippe dans leur zèle pour le catholicisme et l'extermination de
l'hérésie. Les massacres de Mérindol, d'Orange et de Paris sont de
frappantes illustrations de leur zèle pour la cause de l'Antichrist. Le
massacre de Mérindol, projeté par le roi de France et approuvé par le
parlement, fut confié au président Oppède pour être exécuté. Le président
fut chargé de massacrer la population, de brûler les villes et de démolir
les châteaux des Vaudois qui résidaient en grand nombre dans cette contrée.
Les historiens catholiques romains estiment que l'exécution de cette
commission causa la mort de milliers de personnes, tant hommes que femmes et
enfants ; 24 villes furent mises en ruines et le pays fut dévasté et désole.
Hommes, femmes et enfants cherchèrent à se sauver dans les bois et les
montagnes ; ils y furent poursuivis et tués par l'épée. Beaucoup de ceux qui
restèrent dans les villes y subirent un même ou pire sort. Cinq cents femmes
furent jetées dans une grange à laquelle on mit le feu, et lorsque
quelques-unes sautèrent par les fenêtres, elles furent reçues sur la pointe
des lances. Les femmes furent violées, et les enfants égorgés sous les yeux
de leurs parents, impuissants à les protéger. Quelques-unes furent jetées
dans des précipices et d'autres traînées nues dans les rues.
Le
massacre d'Orange, en 1562, eut un caractère semblable à celui de Mérindol
et il a été décrit avec précision par des écrivains catholiques. L'armée
italienne, envoyée par le pape Pie IV, avait reçu l'ordre de massacrer les
hommes, les femmes et les enfants ; et cet ordre fut exécuté avec une
terrible cruauté. Les hérétiques sans défense furent tués par l'épée,
précipités du haut des rochers, lancés sur des tranchants de haches ou des
pointes de poignards, pendus, rôtis à feu lent et exposés à la honte et à
des tortures défiant toute description.
Le
massacre de Paris, le jour de la Saint-Barthélémy (24 Août 1572), égala en
cruauté, mais dépassa en extension ceux de Mérindol et d'Orange. Il a aussi
été décrit en détail par des historiens catholiques ; l'un d'eux, Thuanus,
le stigmatise comme une “féroce cruauté, n'ayant pas de parallèle dans toute
l'antiquité”. Le 23 Août à minuit, le son du tocsin donna le signal de la
destruction, et les épouvantables scènes de Mérindol et d'Orange éclatèrent
à nouveau contre les huguenots détestés. Le carnaval de mort dura sept jours
: des ruisseaux de sang humain coulèrent dansées rues ; le roi et la reine
regardaient avec une extrême satisfaction les morts dont la cour du palais
était remplie. Le corps de l'amiral Coligny fut traîné par les rues et la
Seine fut couverte de corps morts flottants.
Le
nombre évalué de ceux qui furent ainsi massacrés varie entre cinq et dix
mille. L'œuvre de destruction ne se concentra pas seulement dans Paris, mais
s'étendit très loin à travers toute la France. La veille, des messagers
spéciaux avaient été dépêchés dans toutes les directions portant un ordre
pour le massacre général de tous les huguenots. Les mêmes scènes eurent lieu
à peu près dans toutes les provinces et l'estimation du nombre des morts
varie entre 25 et 70.000. L'Antichrist éprouvait une extrême satisfaction à
ces épouvantables scènes de carnage. Le pape et sa cour exultaient à cause
de la victoire du catholicisme sur les Vaudois à Mérindol et l'impie Oppède
reçut le titre de “défenseur de la foi et héros du christianisme”.
Le
roi de France s'en alla à la messe et rendit de solennelles actions de
grâces à Dieu pour la victoire sur les huguenots de Paris et leur massacre.
Ce carnage, sanctionné [[368]] par le roi de France, son parlement et ses
sujets catholiques romains, eut probablement lieu sous l'instigation directe
du pape et de la hiérarchie papale. Le fait que la nouvelle en fut reçue à
la cour papale avec de grandes réjouissances prouve qu'il fut du moins
hautement approuvé. Le pape Grégoire XIII se rendit en grande procession à
l'église de Saint-Louis afin de rendre grâces à Dieu pour cette victoire
remarquable. Il proclama aussitôt un jubilé et envoya à la cour de France un
nonce, qui, au nom du pape, loua “l'exploit si longuement médité et si
habilement exécuté pour le bien de la religion.” Une médaille fut frappée
par le roi, en mémoire du massacre, avec cette inscription : “Pietas
exitavit justitiam” — La piété excita la justice.
Des
médailles commémoratives de l'événement furent aussi frappées à l'hôtel
papal des monnaies, par ordre du pape. Une de celles-ci est exposée à
l'Hôtel du Souvenir de Philadelphie, Pie. L'avers présente une figure
sublime du pape, avec cette inscription abrégée : Gregorius XIII,
Pontifex Maximus, anno I, la première année de son pontificat, 1572. Au
revers de cette médaille est une représentation d'un ange destructeur
portant dans la main gauche une croix et dans la main droite une épée ;
au-dessous de lui, prosternés et fuyants, une bande de huguenots, hommes,
femmes et enfants sont représentés avec des visages et des traits empreints
d'horreur et de désespoir. Sous cette scène se trouvent les mots :
Ugonottorum Strages 1572, ce qui signifie : “Le massacre dès Huguenots
en 1572.”
Une
peinture du massacre de la St. Barthélémy fut suspendue dans le Vatican,
avec cette inscription en latin : Le pontife approuve le meurtre de Coligny.
Coligny était chef des huguenots et un des premiers qui devaient tomber.
Après qu'il eut été assassiné, sa tête fut séparée de son corps et portée à
la reine, qui [[369]] après l'avoir fait embaumer, l'envoya à Rome comme un
trophée, tandis que son corps fut traîné dans les rues de Paris par la
populace. Le roi fut bientôt saisi par les horreurs des remords et il ne
s'en remit jamais. Son médecin particulier rapporte qu'il disait : “Je ne
sais pas ce qui m'est arrivé, mais je suis agité dans mon corps et dans mon
esprit comme par la fièvre, que je dorme ou que je sois éveillé, il me
semble à tout moment voir des corps mutilés se présenter à moi, avec des
faces hideuses et couvertes de sang.” Il mourut dans une grande agonie,
couvert d'une sueur de sang.
En
1641, l'Antichrist proclama une guerre de religion en Irlande et fit appel
au peuple pour le massacre des protestants, par tous les moyens qui étaient
en leur pouvoir. Le peuple trompé écouta ce commandement comme émanant de
Dieu et s'empressa d'exécuter cette charge. Le sang des protestants coula à
flots dans toute l'Irlande ; des maisons furent réduites en cendres, des
villes et des villages furent presque détruits. Quelques-uns furent forcés
de tuer les membres de leur parente et ensuite de s'ôter la vie. Les
derniers mots que ces prêtres faisaient retentir à leurs oreilles étaient
que leur agonie n'était que le commencement du tourment éternel. Des
milliers moururent de froid et de faim, en cherchant à émigrer dans d'autres
pays. A Cavan, le chemin était taché sur une longueur de près de 15
kilomètres du sang des fugitifs traqués ; 60 enfants furent abandonnés par
leurs parents dans leur fuite, et il fut déclaré que quiconque leur
viendrait en aide serait enterré à côté d'eux. 70 adultes furent enterrés
vivants à Fermaugh et 72 à Kilkenny. Dans la seule province d'Ulster plus de
154.000 protestants furent massacrés ou expulsés de l'Irlande.
O'Niel, prélat d'Irlande, appela cela une guerre pieuse et légale, et le
pape (Urbain VIII) lança une tulle datée de Mai 1643, accordant pleine et
absolue [[370]] rémission de leurs péchés à ceux qui y avaient pris part en
faisant bravement leur devoir d'extirper et de déraciner entièrement le
levain pestilentiel de la contagion hérétique.”
L'INQUISITION OU “ SAINT OFFICE ”
C'est à Dominique, l'esprit principal de cette croisade, qu'est attribué
l'honneur d'avoir inventé l'infernale Inquisition ; toutefois Benoît,
dans son zèle à attribuer à Dominique l'honneur d'être le premier
Inquisiteur Général, est très incertain quant à la question de savoir si
l'idée en vint au pape Innocent lui-même ou à St. Dominique. Elle fut
établie premièrement par le pape Innocent III en 1204.
St.
Dominique était un monstre dépourvu de tout sentiment de compassion, qui
semblait trouver ses principales délices dans les scènes de torture et de
souffrances. Durant la croisade contre les Albigeois, il dirigea et
encouragea, un crucifix à la main, les saints guerriers dans leurs exploits
de mort et de destruction. L'Inquisition ou St. Office est aujourd'hui un
tribunal de l'église catholique romaine pour découvrir, réprimer et punir
l'hérésie et les autres offenses contre l'église de Rome*. Mais aux jours de
Dominique cette Inquisition n'avait pas de tribunal légal et les instruments
de torture n'étaient pas perfectionnés comme ils le furent plus tard.
Néanmoins, Dominique, bien qu'il ne possédât point de système semblable, sut
trouver de nombreux moyens de torture, en disloquant les jointures, en
arrachant les nerfs et en lacérant les membres de ses victimes ; ou encore
en brûlant sur un bûcher ceux dont les convictions restaient inébranlables
par les autres procédés et qui ne voulaient pas renoncer à leur foi et à
leurs libertés.
* La Chaire
de St. Pierre, p. 589.
[[371]]
Avec
le mandat qu'il avait reçu du pape Innocent III de punir de la confiscation,
du bannissement et de la mort les hérétiques qui ne voudraient pas recevoir
son évangile, Dominique stimula le zèle de la magistrature civile et de la
populace au massacre des Vaudois hérétiques ; il livra d'un seul coup 180
Albigeois aux flammes. C'est pour une telle fidélité au service de l’Antichrist
qu'il fut canonisé comme un saint, et qu’il est adoré et prié aujourd'hui
par les catholiques romains.
Le
bréviaire romain (une sorte de livre de prières) parlant de St. Dominique,
loue “ses mérites et ses doctrines qui illuminèrent l'église, son génie et
son courage qui détruisirent les hérétiques toulousains, et ses nombreux
miracles qui allèrent même jusqu'à ressusciter les morts”. Le missel romain
(qui comprend le service en rapport avec la célébration du souper du
Seigneur) fait l'éloge de ses mérites et indique les prières à faire pour
être aidé temporairement par le moyen de son intercession. C'est ainsi que
l'Antichrist continue à soutenir et honorer ses fidèles héros.
Il
serait impossible d'exprimer brièvement une conception exacte des horreurs
de l'Inquisition, ou de la peur terrible qu'elle inspirait au peuple. Ceux
qui ne louaient pas hautement l'Antichrist, ou qui osaient s'aventurer à
critiquer ses méthodes, étaient aussitôt suspectés d'hérésie ; et, sans
avertissement, sans occasion de se justifier, ils étaient liés et
emprisonnés dans un donjon pour un temps indéfini, jusqu’à ce que le moment
parût convenable pour les juger ; — l’accusateur et l'accusation leur étant
souvent inconnus. On procédait secrètement à ces jugements et la torture
était souvent employée pour extorquer des confessions. Les tortures
infligées étaient généralement si épouvantables qu'on peut à peine y croire
aujourd'hui dans nos pays de liberté ; cependant leur réalité est confirmée
par une évidence que les historiens catholiques romains eux - [[372]] mêmes
ne peuvent nier et les vaines tentatives qu'ils font pour les excuser ne
font qu'affirmer la chose. Les instruments de torture, des reliques de
l'Inquisition, existent toujours et rendent tout reniement sans valeur. Le
“Saint Office” employa même des médecins pour surveiller la marche de la
torture et l'arrêter lorsque la mort semblait prête à délivrer la victime ;
il lui était alors permis de guérir en partie, pour que la torture puisse
lui être appliquée une deuxième et même une troisième fois. Ces tortures
n'étaient pas toujours infligées comme châtiment pour punir l'hérésie ;
elles avaient généralement pour but de forcer l'accusé à se confesser, à se
rétracter ou à dénoncer d'autres personnes, suivant le cas.
L'Inquisition, tout en ayant perdu la plus grande partie de ses horreurs,
était encore terrible durant nôtre présent siècle. L'historien des guerres
de Napoléon, décrivant la prise de Tolède par son armée, mentionne
incidemment l'ouverture des prisons de l'Inquisition et dit : “Des tombeaux
semblaient s'ouvrir et de pâles figures semblables à des fantômes sortaient
des donjons qui exhalaient une odeur sépulcrale. Des barbes touffues
retombant sur la poitrine et de longs ongles crochus semblables à des
griffes d'oiseaux défiguraient ces squelettes dont la poitrine haletante
respirait l'air frais pour la première fois depuis de longues années.
Beaucoup d'entre eux étaient devenus estropiés, la tête inclinée en avant,
les bras et les mains tombant, pendant raides et inertes. Ils avaient été
enfermés dans des casemates si basses qu'ils ne pouvaient pas s'y tenir
debout ; et en dépit des soins des chirurgiens (de l'armée), beaucoup
d'entre eux moururent le même jour. Le jour suivant, le général Lasalle,
accompagné par plusieurs officiers de son état-major, inspecta
minutieusement les lieux. Le nombre des instruments de torture faisait
tressaillir même ces hommes habitués aux horreurs des champs de bataille.
[[373]]
Dans
le renfoncement d'une voûte souterraine, contiguë à la salle privée des
interrogatoires, se trouvait une statue en bois faite par des moines et
représentant la vierge Marie. Une auréole dorée entourait sa tête et elle
tenait dans sa main droite une bannière. Tous furent à première vue frappés
de suspicion, en ce que, malgré la robe de soie qui descendait depuis les
épaules de chaque coté en larges plis, elle était revêtue d'une sorte de
cuirasse. Un examen plus attentif montra que le devant du corps était garni
de petites lames de couteaux étroites et de clous très effilés, avec leurs
pointes et tranchants tournés vers le spectateur, les bras et les mains
avaient des jointures, et un mécanisme derrière la cloison mettait la statue
en mouvement. Un des serviteurs de l'Inquisition fut appelé par ordre du
général pour qu'il fît manœuvrer la machine, comme il la nomma. Lorsque la
statue étendit les bras comme pour presser tendrement quelqu'un sur son
cœur, on y plaça le havresac bien garni d'un grenadier polonais pour
remplacer la victime vivante La statue l'embrassa et l'étreignit de plus en
plus, et lorsque, sur commande, le serviteur fit ouvrir les bras de la
statue et la fit retourner à sa position précédente le havresac était
perforé à une profondeur de cinq à huit centimètres et restait suspendu aux
pointes des clous et des lames de couteaux.”
Des
“roues” de différentes sortes furent inventées et appliquées comme moyens de
torture ; une des méthodes les plus simples est ainsi expliquée : La
victime, dépouillée de tous ses vêtements, avait les bras attachés derrière
le dos avec une forte corde par laquelle, au moyen d'une poulie, elle était
relevée sur ses pieds, auxquels des poids étaient attachés. On laissait
ainsi retomber le malheureux plusieurs fois et on le relevait par des
secousses qui disloquaient des jointures des bras et des jambes, tandis que
la corde pénétrait jusqu'aux os dans la chair frémissante.
Quelque chose qui rappelle de tels outrages faits. au nom de Christ vient
d'être récemment exposée au [[374]] grand jour. L'imprimerie d'une Société
biblique installée à Rome et manquant de place, avait loué une grande maison
près du Vatican. Au plafond, un anneau énorme et étrange attira l'attention
et après examen on acquit la certitude que l'endroit dans lequel était
maintenant imprimée la Bible, “l'Epée de l'Esprit, qui est la Parole de
Dieu,” par laquelle l'Antichrist a été déjà rendu “impuissant” à opprimer et
à exterminer les saints, était justement une chambre de torture au temps de
l'Inquisition, la boucle de la poulie ayant probablement été usée à rouer de
nombreuses pauvres victimes bâillonnées.
Ceux
qui étaient convaincus d'hérésie étaient quelquefois condamnés à ce qu'on
appelait un autodafé, ou “acte de foi”. L'autorité ecclésiastique renvoyait
le condamné au pouvoir séculier, tandis que le clergé, sous prétexte de
miséricorde, implorait les magistrats de montrer de la compassion pour le
condamné, et, élevant la croix, il invitait la victime à se rétracter et
sauver sa vie présente et à venir. Les magistrats savaient ce qu'ils avaient
à faire, ils ne montraient de miséricorde que pour ceux qui se rétractaient
et gagnaient ainsi le titre de Défenseurs de la Foi et d'exterminateurs de
l'hérésie. L'hérétique condamné, revêtu d'un habit jaune bariolé de dessins
de chiens, de serpents, de flammes et de démons était conduit au lieu de
l'exécution, attaché sur le bûcher et livré aux flammes.
Torquemada, un autre fameux Inquisiteur Général, fournit une illustration
marquante de l'esprit de l'Antichrist. Des écrivains catholiques romains
admettent qu'il fit mourir, brûlées vives, 10.220 personnes, hommes et
femmes. Liorente, qui fut secrétaire général de l'Inquisition pendant trois
ans, et avait en mains toutes les preuves documentaires, montre, dans ses
rapports (en 4 volumes) publiés en 1817, que de 1481 à 1808, il n'y eut pas
moins de 31.912 personnes brûlées [[375]] vives et environ 300.000
condamnées à la torture et à diverses autres peines, par ordre de ce seul
St. Office. Chaque pays catholique en Europe, en Asie et en Amérique a eu
son Inquisition.
Nous
ne pouvons retracer ici les persécutions de l'Antichrist contre tout ce qui
sentait les réformes, la liberté de conscience ou la liberté politique. Il
suffit de dire que ces persécutions s'étendirent sur toutes les contrées où
la Papauté avait pris pied : en Allemagne, Hollande, Pologne, Italie,
Angleterre, Irlande, Ecosse, France, Espagne, Portugal, Abyssinie, aux
Indes, à Cuba, au Mexique et dans quelques états de l'Amérique du Sud. Faute
de place nous ne pouvons raconter tous les cas individuels qui pourraient
servir à montrer que beaucoup de martyrs étaient de vrais saints et des
héros, qui, par une grâce spéciale, furent rendus capables tout en mourant
lentement dans les plus horribles souffrances, de chanter des hymnes de
louange et d'actions de grâces au vrai Chef de la véritable Eglise et qui,
semblables à Lui, prièrent pour leurs ennemis, lesquels, comme cela leur
avait été prédit, les persécutaient à cause de Lui.*
* Nous renvoyons les lecteurs
français qui désireraient des détails plus complets sur ces temps terribles
et les scènes qui s'y rapportent, à l'Histoire de l’Angleterre par Macaulay
; à l'Histoire de la Réformation par Merle d’Aubigné ; à l'ouvrage du prof.
Gaussen : “Le Souverain Pontife et l'Eglise de Rome”, ainsi qu'à la brochure
de François Délilez : “Christ et l'Antichrist”, etc.
Il
nous est impossible aussi, pour les mêmes raisons, d'insister sur les
terribles, navrantes et épouvantables tortures infligées à quelques-uns des
joyaux du Seigneur à cause de leur fidélité à leurs convictions. Ceux qui
ont fait des recherches assez minutieuses sur ce sujet estiment que dans
l'espace de 1300 ans la Papauté, directement ou indirectement, causa la mort
de cinquante millions de personnes. Et l'on peut dire en [[376]] toute
certitude que le génie humain et satanique s'éleva au plus haut degré dans
l'invention de nouvelles et horribles tortures contre les adversaires
religieux et politiques de l'Antichrist ; les hérétiques, surtout, furent
poursuivis avec une fureur décuplée. En plus des formes ordinaires de la
persécution et de la mort, qui déchiraient, brûlaient, noyaient,
transperçaient ou tuaient avec des flèches ou des fusils, des gens
diaboliques recherchaient quelles étaient les parties du corps humain les
plus sensibles et les plus délicates, qui pouvaient le plus faire souffrir
leurs victimes. Ils faisaient couler du métal fondu dans les oreilles ; la
langue était arrachée et à sa place on coulait du plomb fondu dans la bouche
; des lames de couteaux étaient fixées à des roues de manière à ce que les
victimes pussent être peu à peu hachées en morceaux ; des pinces et des
tenailles rougies au feu étaient appliquées sur les parties les plus
sensibles du corps ; les yeux étaient arrachés, ainsi que les ongles, avec
des fers rouges. Les victimes étaient pendues par des trous percés au
travers de leurs talons. Des martyrs furent contraints à sauter depuis des
éminences sur de longues piques placées au-dessous, où ils mouraient
lentement dans d'atroces souffrances. D'autres eurent la bouche remplie de
poudre à canon qui, allumée, faisait sauter la tête en pièces ; d'autres
encore furent battus en pièces sur des enclumes ; il y en eut d'autres qui
furent gonflés d'air avec des soufflets jusqu'à ce qu'ils éclatent, ou
étouffés avec des pièces arrachées de leur propre corps, ou avec de l'urine,
des excréments, etc, etc.
Il
serait impossible de croire à certaines de ces atrocités diaboliques, si
elles n'étaient si bien prouvées.
Elles
servent à montrer la profondeur de dépravation dans laquelle le cœur humain
peut descendre et ce que peut devenir la droiture du cœur de l'homme et ses
bons instincts sous l'influence d'une religion fausse et [[377]]
contrefaite. L'esprit de l'Antichrist dégrada et rabaissa le monde autant
que l'esprit du vrai Christ et le pouvoir et l'influence du vrai royaume de
Dieu auraient élevé et ennobli et qu'ils, élèveront et ennobliront durant le
Millénium les cœurs des hommes et leurs actions. Cela est représenté, bien
que dans une faible mesure, par les progrès de la civilisation et
l'accroissement de la justice et de la miséricorde depuis que le pouvoir de
l'Antichrist a commencé à décliner et que la Parole de Dieu commence à être
entendue et écoutée, quoique encore superficiellement.
Nous
ne pouvons pas concevoir de stratagème mieux combiné pour tromper et
opprimer l'humanité. On tirait avantageusement parti de toute disposition
dépravée et des faiblesses des hommes déchus ; on fit appel à toute vile
passion et chacune fut stimulée et récompensée. Les vicieux furent ainsi
attirés et enrôlés comme dévots, tandis que les gens de race plus noble
furent engagés par d'autres moyens — par un semblant de piété hypocrite et
extérieure, — une sorte de renoncement à soi-même et de charité manifestés
dans ses institutions monastiques, mais qui ne servaient réellement qu'à en
faire dévier beaucoup bien loin du sentier de la vertu. Les. gens viveurs et
frivoles trouvèrent d'amples satisfactions dans le faste, le décor, la pompe
et les cérémonies. Les gens audacieux et chevaleresques les trouvèrent dans
ses missions et ses croisades, de même que les scélérats dans ses
indulgences et les bigots fanatiques et cruels dans ses entreprises
d'oppression de ceux qui s'opposaient à l'Antichrist.
Remplis d'horreur et d'étonnement, nous nous demandons comment il se fait
que les rois et les princes, les empereurs et le peuple tout entier aient
permis de telles atrocités ? Comment ne se sont-ils pas levés depuis
longtemps et n'ont-ils pas abattu l'Antichrist ? La réponse est donnée dans
les Ecritures (Apocalypse
18 : 3) : [[378]] “Les nations ont été “enivrées” (stupéfiées) ;
elles ont perdu leurs sens en buvant le vin mêlé (le mélange de fausses et
vraies doctrines) qui leur avait été donné par l'église apostate. Elles ont
été trompées par les prétentions de la Papauté. Et pour dire la vérité,
elles ne sont encore qu'en partie réveillées de leur stupeur ; car si les
ambassadeurs des rois, en fléchissant le genou devant le pape, ne
s'adressent plus à lui comme ils le faisaient autrefois, en lui disant :
“Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde” et ne le regardent plus comme
un “Dieu ayant toute puissance au ciel et sur la terre”, ils sont cependant
encore bien loin de reconnaître la vérité, c'est-à-dire que la Papauté a été
et qu'elle est encore la contrefaçon satanique du vrai royaume.
Tandis que les rois et les soldats se lassaient de cette œuvre inhumaine, il
n'en était pas ainsi de la sainte (?) hiérarchie ; et nous trouvons le
Concile Général de Sienne déclarant en 1423 que la propagation de l'hérésie
dans diverses parties du monde, due à la négligence des Inquisiteurs, était
une offense à Dieu, une injure au catholicisme et la perdition des âmes. Les
princes furent conjurés, par la miséricorde de Dieu, d'exterminer l'hérésie,
s'ils voulaient échapper à la vengeance divine ; et des indulgences
plénières furent accordées à tous ceux qui s'engageraient dans l'œuvre de
destruction ou procureraient des armes dans ce but. Ces arrêtés furent
publiés chaque dimanche dans les églises. Beaucoup de théologiens et
d'historiens catholiques romains mirent leur plume au service de cette cause
injuste, justifiant, recommandant et louant la persécution de l'hérésie. Le
cardinal Bellarmin, par exemple, déclara que “si les apôtres ne firent pas
appel au bras séculier, c'est parce que de leurs jours il n'y avait pas de
princes chrétiens”. Le docteur Dens, un célèbre théologien catholique
romain, publia en 1578 un ouvrage [[379]] de théologie qui est considéré par
les papistes de nos jours comme une autorité classique, principalement dans
leurs universités, où elle occupe le même rang que Blackstone occupe dans la
loi civile anglaise. Ce travail respire d'un bout à l'autre l'esprit de
persécution. Il condamne les chefs de l'hérésie à la confiscation de leurs
biens, au bannissement, à l'emprisonnement et à la peine de mort avec
privation du droit de sépulture chrétienne.
Une
des malédictions autorisées, employée contre les protestants et publiée dans
le “Pontifical romain” est ainsi conçue :
“Puisse le Dieu tout-puissant et tous ses saints les maudire de la
malédiction dont le diable et ses anges sont maudits ! Qu'il les retranche
de la terre des vivants. Que la mort la plus abjecte les surprenne et qu'ils
descendent vivants dans l'abîme. Que leur semence soit détruite de dessus de
la terre ; qu'ils périssent par la faim et la soif, par la nudité ou toute
autre détresse ! Que toutes les misères, les pestes et les tourments soient
sur eux. Que tout ce qu'ils ont soit maudit ; qu'ils soient maudits partout
et toujours. Qu'ils soient maudits parlant et se taisant. Qu'ils soient
maudits au dedans et au dehors .qu'ils soient maudits du sommet de la tête à
la plante des pieds ; que leurs yeux deviennent aveugles et leurs oreilles
sourdes ; que leur bouche devienne muette et que leur langue se colle à leur
gosier. Que leurs mains ne touchent plus et que leurs pieds ne marchent plus
; que tous les membres de leurs corps soient maudits. Que la malédiction
reste sur eux, debouts ou couchés, dès maintenant et à toujours, et qu'ainsi
leur lampe soit éteinte en la présence de Dieu, au jour du jugement. Que
leur sépulture soit avec les chiens et les ânes. Que les loups affamés
dévorent leurs cadavres. Que le diable et ses anges soient leurs compagnons
à toujours ! Amen, Amen ; qu'il en soit ainsi, ainsi soit-il.”
Tel
est l'esprit de la Papauté et tous ceux qui ont l'esprit du vrai Christ
devraient facilement reconnaître une contrefaçon si basse.
[[380]]
Puisque la véritable cause de ces erreurs de conduite réside dans les
erreurs de doctrine, il n'y a pas de doute que si les circonstances étaient
de nouveau favorables, les doctrines étant les mêmes, leur mauvais esprit et
leurs mauvais fruits apparaîtraient certainement sous peu, par les mêmes
actes d'injustice, d'oppression, de superstition, d'ignorance et de
persécution et on aurait recours à toutes sortes de moyens pour restaurer,
soutenir et étendre le royaume contrefait de Dieu. Nous citons comme preuve
quelques incidents tout récents, venus à notre connaissance :
“Le 7
Août 1887, à Ahuehuetitlan, état de Guererro, Mexique, un missionnaire
protestant, indigène, nommé Abraham Gomez, fut mis à mort en même temps que
deux de ses aides, par des indigènes, sur l'instigation d'un prêtre
catholique romain, le Père Vergara, qui, la veille, en célébrant la messe,
avait recommandé à ses ouailles de faire un exemple du ministre de Satan qui
était arrivé au milieu d'eux ; il avait ajouté qu'ils pouvaient le tuer en
toute sécurité, comptant sur la protection du chef de la police aussi bien
que du prêtre. La parole du prêtre fit loi pour ce peuple enténébré, aussi
bien que pour les autorités civiles. Le corps mutilé du pauvre missionnaire
fut traîné par les rues et soumis à toute sorte d'indignités, comme un
avertissement pour d'autres. Il ne put être obtenu aucun recours pour ce
meurtre.”
L'Indépendant de New-York ayant attiré l'attention sur ce massacre sanglant,
la riposte suivante fut faite par le Freeman (L'homme libre), un influent
journal catholique romain de New-York :
“Lorsqu'ils [les missionnaires protestants] voient d'honnêtes gens
s'agenouiller au son de l'angélus en l'honneur de l'Annonciation et de
l'Incarnation, ils disent que la Bible abolira bientôt de telles
superstitions. Si une lumière brûle devant une statue de la mère de Dieu :
Ah I crie le missionnaire, nous instruirons bientôt ce peuple plongé dans
les ténèbres à mettre en pièces ces symboles ! [[381]] et ainsi de suite. Si
le massacre de quelques missionnaires de cette sorte faisait rester chez eux
ceux qui leur ressemblant nous aimerions presque dire – nous sommes les
méchants, nous autre papistes -: Que la danse continue et que la joie
déborde !”
Un
ministre du nom de C. G. Moule raconte une .douloureuse histoire qui a fait
le tour de a presse sur la persécution qui eut lieu à Madère contre Robert
Kelley et les personnes qui avaient été converties par son moyen environ un
millier de gens, y compris les enfants ; ils furent frappés de l'exil pour
avoir reçu une parcelle de la vérité.
Dans
la soi-disant “Prusse protestante”, le pasteur Thummel fut arrêté pour
“insultes faites à l’église catholique romaine”. Dans une brochure qu’il
publia critiquait la Papauté et l'une de ses remarques “insultantes” était
que la Papauté est une apostasie “édifiée sur la superstition et
l'idolâtrie”.
Récemment il y eut un différend entre la Prusse et l’Espagne au sujet des
îles Carolines et le pape fut choisi comme arbitre ou juge pour trancher le
différend (cela nous rappelle un peu sa puissance précédente et sa politique
comme arbitre ou juge suprême des nations). Il décida en faveur de
l'Espagne. Un vaisseau de guerre, cinquante soldats et six prêtres furent
aussitôt envoyés par l'Espagne ; dès leur arrivée, un missionnaire
américain, Mr Doane, fut fait prisonnier et fut séparé de ses convertis sans
autre cause que son refus d’abandonner sa mission, son œuvre et ses
propriétés aux prêtres et parce que les îles appartiennent maintenant à
l’Espagne et l’Espagne au Pape, aucune autre religion que celle du pape ne
pouvait y être tolérée.
Un
ami de l'auteur, ex-catholique romain dit que voyageant récemment en
Amérique du Sud, il fut assailli à coups de pierres et obligé de fuir pour
sauver sa vie parce qu'il n'avait pas voulu se découvrir et [[382]]
s'agenouiller avec la foule sur le passage du prêtre romain portant le
crucifix et l'hostie. Un cas semblable, dans lequel trois Américains furent
battus par les prêtres, attaqués par le peuple et arrêtés par la police dans
la ville de Madrid, en Espagne, pour une offense du même genre, est encore
sans doute dans l'esprit de beaucoup de ceux qui lisent les journaux. Le
“Catholique converti” extrait ce qui suit du “Watchman”, journal catholique
romain publié à St. Louis (Mo) :
“Le
protestantisme ! Nous voudrions l'abattre et le dépecer ! Nous voudrions
l'empaler et le pendre pour les nids de corbeaux. Nous voudrions le déchirer
avec des pinces et le brûler avec des fers rougis au feu! Nous voudrions le
remplir de plomb fondu et l'enfoncer dans le feu de l'enfer à 200 mètres de
profondeur.”
Il
est absolument probable, si nous regardons aux temps passés, que si le
Rédacteur du Watchman, ayant un tel esprit, en avait le pouvoir, il aurait
bientôt étendu ses menaces, non seulement au protestantisme, mais à tous les
protestants.
Tout
dernièrement, à Barcelone, Espagne, par ordre du gouvernement, un grand
nombre d'exemplaires de la Bible furent brûlés, — naturellement à
l'instigation de l'église de Rome. Ce qui suit, traduit de la “Bannière
Catholique”, l'organe de la papauté en cette ville, montre que la papauté
approuva et reconnut cet acte.Il dit :
“Béni
soit Dieu de ce que nous revenons enfin aux temps où ceux qui propageaient
l'hérésie étaient punis d'un châtiment exemplaire. Le tribunal de la Ste
Inquisition doit bientôt être rétabli ; son règne sera plus glorieux et
portera plus de fruits que dans le passé. Notre cœur catholique déborde de
foi et d'enthousiasme ; et l'immense joie qui nous inonde, en commençant de
recueillir les fruits de notre campagne actuelle, dépasse tout ce que
[[383]] nous pouvions imaginer. Quel jour de plaisir ce sera pour nous,
lorsque nous verrons les anti-cléricaux se tordre dans les flammes de
l'Inquisition !”
Pour encourager une
autre croisade, le même journal dit :
“Nous
croyons devoir publier les noms des saints hommes entre les mains desquels
tant de pécheurs ont souffert, afin que les bons catholiques puissent
vénérer leur mémoire :
Par
Torquemada.
|
|
Hommes et femmes brûlés vifs.
|
10.220
|
Brûlés en effigie.
|
6.840
|
Condamnés à d'autres châtiments.
|
97.371
|
Par
Diego Desa.
|
|
Hommes et femmes brûlés vifs.
|
2.592
|
Brûlés en effigie.
|
829
|
Condamnés à d'autres châtiments.
|
32.952
|
Par
le cardinal Jiminez de Cisneros.
|
|
Hommes et femmes brûlés vifs.
|
3.564
|
Brûlés en effigie.
|
2.232
|
Condamnés à d'autres châtiments.
|
48.059
|
Par
Adrien de Florence.
|
|
Hommes et femmes brûlés vifs.
|
1.620
|
Brûlés en effigie.
|
560
|
Condamnés à d'autres châtiments.
|
21.835
|
Nombre total des hommes et des femmes brûlés vifs
sous
le ministère de 45 saints Inquisiteurs Généraux. |
35.534
|
Total des brûlés en effigie.
|
18.637
|
Total des condamnés à d'autres châtiments
|
293.533
|
Total
général
|
347.704
|
[[384]]
LE MILLENIUM PAPAL
De
même que le véritable royaume du vrai Christ doit avoir une durée de
mille ans, ainsi l'imitation papale de ce royaume considéré au temps de
sa plus grande prospérité, dura de 800 à 1800, comme accomplissement du
règne millénaire prédit en Apocalypse 20. Les catholiques regardent la
période depuis 1800, pendant laquelle la Papauté a graduellement perdu
tout son pouvoir temporel, où elle a subi de nombreux affronts de la
part des nations qui la soutenaient autrefois, et ou elle a été
grandement dépouillée des territoires, revenus et privilèges si
longtemps revendiqués et possédés, comme étant le “peu de temps”
d'Apocalypse 20 : 3,7,8, durant lequel Satan doit être
délié, à la clôture du Millénium.
Les
dates qui marquent le commencement et la fin du millénium papal d'ignorance,
de superstition et de fraude, sont clairement indiquées dans l'histoire. Un
écrivain catholique romain * parle ainsi du commencement de cet empire
religieux : “Le couronnement de Charlemagne comme empereur d'Occident par le
pape” Léon III en l'an 800 fut réellement le commencement du Saint Empire
Romain” **.
* La Chaire
de St-Pierre.
** “Le St-Empire Romain” fut le titre de l'institution politique du moyen
âge. Il eut son point de départ en Charlemagne. Fisher, dans son Histoire
universelle, page 262 le décrit ainsi : “Théoriquement, ce fut l'union entre
le monde état et le monde-église ; une communauté indivisée sous l'Empereur,
et le Pape, ses chefs séculiers et spirituels, ordonnes du ciel (?)”.
Puisque les papes donnaient l'onction aux empereurs, comme remplaçant du
Christ, ils en étaient par conséquent les véritables chefs.
Bien
que la papauté eût été organisée longtemps auparavant, comme système
religieux, et qu'elle eût [[385]] été “élevée” au pouvoir en 539, ce fut
cependant Charlemagne qui le premier établit réellement et reconnut
formellement le pouvoir temporel du pape. De même que Charlemagne fut le
premier empereur du 'Saint Empire Romain en 800, François II en fut le
dernier. Il abandonna volontairement ce titre en 1806.* De même qu'avant
l'an 800 la papauté s'éleva, aidée par la bête romaine [le peuple] et par
ses “cornes” [puissances] ainsi, depuis l'an 1800, elle a perdu son autorité
temporelle sur les rois et les peuples, et elle a été déchirée et pillée par
ceux qui la soutenaient autrefois (Apocalypse
17 : 16,17). Aujourd'hui, bien qu'elle reçoive toujours des
honneurs et possède encore une grande influence sur les consciences du
peuple, la Papauté se lamente sur la perte de tout ce qui ressemble à une
domination temporelle.
* “Par la bataille de Marengo, en
1800, et celle d'Austerlitz, en 1805, l'Allemagne se trouva deux fois aux
pieds de Napoléon. Le principal résultat de cette dernière défaite fut
l'établissement de la Confédération du Rhin sous le protectorat du souverain
français. Cet événement mit fin au vieil Empire Germanique ou Saint-Empire,
après une durée d'un minier d'années”. — Histoire Universelle de White, page
508.
Celui
qui étudie attentivement ce sujet remarquera qu'il existe quatre périodes
plus ou moins distinctement marquées du développement et de l'exaltation de
l'Antichrist, et un nombre égal qui indiquent clairement sa chute.
Les quatre dates de son
développement sont :
1. —
Dans les jours de Paul, vers l'an 50 : Le commencement du travail secret de
l'ambition inique apparut.
2. —
De l'an 300 à 494**, la Papauté, l'homme du péché s'organisa en hiérarchie,
c.-à-d., l'église s'organisa graduellement et les papes furent reconnus
comme étant ses chefs, représentant Christ, régnant dans l'église et sur les
nations.
**
L'écrivain catholique de “La Chaire de St Pierre” montre clairement (page
128) que la juridiction pontifiale lutta longtemps pour la possession de la
place de chef de l'église et qu'elle n'en obtint que graduellement la
reconnaissance et l'autorité ; cette domination fut généralement reconnue
dès l'année 494. Après avoir donné en détail les actes des différents
conciles, évêques, empereurs, etc, qui avaient reconnu l'évêque de Rome
comme Souverain pontife, l'écrivain conclut ainsi :
“Ces paroles furent écrites à une date fort éloignée déjà en 494. ...A
tout prendre, il ressort donc clairement de ce témoignage authentique
précédent, que la primatie de la chaire de St. Pierre (l'évéché de Rome)
s'était déjà tellement développée au 5e siècle, que le pape fut alors
universellement regardé comme le centre de l'unité chrétienne, — le
Gouverneur Suprême et l'Instructeur de l'Eglise de Dieu, le Prince des
évêques, l'Arbitre définitif de tous les appels pour les causes
ecclésiastiques dans toutes les parties du monde, et le Juge et Modérateur
des Conciles Généraux qu'il présida par ses légats”.
[[386]]
3. —
L'an 539 fut, ainsi que cela sera montré plus loin (Vol. III, chapitre 3),
la période dans laquelle les papes commencèrent a exercer l'autorité et le
pouvoir civils.
4. —
La période d'exaltation commença en l'an 800, lorsque, comme nous l'avons
déjà démontré, le Saint Empire Romain fut formé et que le pape, couronnant
Charlemagne empereur, fut reconnu lui-même comme Roi des rois, Empereur des
empereurs, “un autre Dieu sur la terre”.
Les
quatre périodes de la chute de l'influence papale sont les suivantes :
1 . —
La période de la Réformation qui commença aux environs *** de l'an 1400 par
les écrits de Wyclef, suivi par Huss, Luther, etc.
*** “...
de l'an 1309 par les écrits de Marsile suivi par Wyclef, Huss, Luther, etc.”
(éd. 1937).
[[387]]
2. —
La période des succès de Napoléon, la dégradation des papes et l'abrogation
finale du titre d'Empereur du Saint Empire Romain par François II de 1800 à
1806.
3. —
Le rejet final du pape comme gouverneur de Rome et de ce qu'on appelait les
Etats pontificaux par ses sujets et par le roi d'Italie, en 1870 ; de ce
fait l'Antichrist demeura sans la moindre autorité temporelle.
4. —
L'extinction finale de cette hiérarchie contrefaite, près de la fin du “jour
de la colère” et du jugement déjà commencé, qui se terminera, comme nous
l'avons montré, par les “temps des nations”, avec l'année 1914.
PEUT-ON ENCORE EN DOUTER ?
Nous avons retracé la naissance de l'Antichnst, comme provenant d'une
“apostasie” dans l'église chrétienne ; nous avons entendu sa prétention
blasphématoire d'être le Royaume de Christ, et son pape, le Vicaire de
Christ “ un autre Dieu sur la terre ” ; nous avons entendu ses discours
enflés de vanité et pleins de blasphèmes, s'arrogeant les titres et les
pouvoirs appartenant au vrai Seigneur des seigneurs et Roi des rois ;
nous avons vu combien terriblement il a accompli la prédiction : “Il
consumera les saints”, nous avons vu que la vérité, écrasée et déformée,
aurait été entièrement ensevelie sous l'erreur, la superstition et la
politique cléricale (priestecraft), si le Seigneur, au moment
convenable, n'était intervenu en suscitant des réformateurs, aidant
ainsi ses saints, comme il est écrit : “Les sages du peuple enseigneront
la multitude ; et ils tomberont par l'épée et par la flamme, par la
captivité et par le pillage, plusieurs jours. Et quand ils tomberont,
ils seront secourus avec un peu de secours !” —
Daniel 11 : 33, 34 D.
[[388]]
En
présence de tous ces témoignages, est-il permis ; de douter que ce que les
prophètes et les apôtres furent inspirés à écrire minutieusement ne soient
les principaux traits caractéristiques de la Papauté ? Nous pensons qu'il ne
devrait subsister aucun doute dans les esprits non prévenus que la Papauté
est l'Antichrist, l'homme du péché, et qu'il est impossible à un homme
d'accomplir ces prédictions. Le succès sans pareil de la Papauté comme
contrefaçon du Christ, en trompant le monde entier, a accompli pleinement la
prédiction de notre Maître, lorsque, après avoir parlé de son propre rejet
il dit : “Si un autre vient en son propre nom, celui-là vous le recevrez”. —
Jean 5 : 43.
On
aura remarqué, sans doute avec surprise, qu'en traitant ce sujet, nous avons
généralement omis de parler des vilenies et des grossières immoralités des
papes et d'autres dignitaires, comme aussi de l'œuvre ténébreuse de l’expédient
pratiqué par les Jésuites et autres ordres secrets qui font toute espèce
d'œuvres de police secrète pour la Papauté. C'est avec intention que nous
avons procédé de cette manière, non parce que ces faits ne seraient pas
vrais, puisque des écrivains catholiques romains même les reconnaissent en
partie, mais parce que nous n'avions pas besoin de telles preuves pour
étayer nos arguments. Nous avons montré que la hiérarchie papale (même si
elle avait été composée des hommes les plus moraux et les plus justes, ce
qui n'est pas le cas, toute l'histoire est là pour en témoigner) est
“l'homme du péché”, l'Antichrist, la contre-façon et la fausse
représentation du Royaume Millénaire de Christ, habilement arrangée pour
tromper. Les paroles de Macaulay, historien anglais, servent à montrer que
quelques-uns, sans avoir de lumière prophétique spéciale, ont pu reconnaître
dans l'étonnant système de la Papauté la contrefaçon du plus merveilleux de
tous les systèmes, le Royaume de Dieu, encore à venir. Il dit :
[[389]]
“Il
est impossible de nier que la constitution de l'église de Rome ne soit le
chef-d'œuvre de la sagesse humaine [nous dirions satanique]. Il n'y a
vraiment rien qui aurait pu soutenir une telle doctrine contre de pareils
assauts, si ce n'est une constitution de ce genre. L'expérience de 1.200
années mouvementées, l'habileté ingénieuse et les soins inlassables de
quarante générations d'hommes d'état, ont amené cette institution à un degré
de perfection tel que parmi les inventions de l'habileté politique elle
occupe la place la plus élevée.”
FIN DÉFINITIVE DE L'ANTICHRIST
Nous avons suivi la marche de la Papauté jusqu'au temps présent, au jour
de l'Eternel — le temps de la présence d'Emmanuel. Cet homme du péché
s'est développé, a fait son terrible travail et a été frappé par l'épée
de l'Esprit — la Parole de Dieu. L'esprit de la bouche de Christ l'a
rendu impuissant, en dépit de son ardent désir de persécuter ouvertement
et d'une manière générale les saints. Nous nous demandons. maintenant :
“Que devons-nous attendre ? Que dit l'apôtre concernant la fin de l'Antichrist
?”
Dans
2 Thessaloniciens 2 : 8-12, l'apôtre Paul déclare concernant
l'Antichrist : “Que le Seigneur consumera par le Souffle de sa bouche et
qu'il anéantira par l'éclat de sa présence”. La lumière de la vérité
pénétrera chaque sujet. En mettant en relief le bien et le mal, elle
conduira à la grande lutte entre ces deux principes et entre les
partisans humains de l'un et de l'autre et causera le grand temps de
détresse et de colère. Dans cette lutte, l'injustice et le mal tomberont
et le bien et la vérité triompheront. Parmi les maux qui existent
maintenant et qui seront finalement et complètement détruits, se trouve
l'Antichrist avec lequel [[390]] presque toute espèce de théorie et de
pratique du mal est plus ou moins en rapport direct. Ce sera cet éclat
resplendissant, cette brillante lumière du soleil de la présence du
Seigneur qui produira ce jour de détresse, par lequel et dans lequel l'Antichrist
et tous les autres systèmes du mal seront détruits. “Dont la présence
est selon [accompagnée par, ou durant] l'efficace de Satan [une énergie
et une action sataniques], en toute puissance, et signes et miracles de
mensonge, et en toute séduction d'injustice chez ceux qui périssent,
parce qu'ils n'ont pas reçu l'amour de la vérité pour être sauvés ou en
être préservés. Et à cause de cela, Dieu leur envoie une énergie
d'erreur [une puissance d'égarement, Seg.] pour qu'ils croient le
mensonge, afin que tous ceux qui n'ont point cru la vérité, mais qui ont
pris plaisir dans l'injustice soient jugés” indignes de participer au
Royaume Millénaire, comme co-héritiers avec Christ.
D'après nous, ces paroles impliquent que dans le temps de la présence du
Seigneur (le temps actuel — depuis 1874), par ce système de l'Antichrist
(un des principaux agents de Satan pour tromper et maîtriser le monde)
aussi bien que par tous ses autres agents, le diable opposera une
résistance désespérée au nouvel ordre de choses qui est sur le point
d'être établi. Il tirera parti de chaque petite circonstance, de toutes
les faiblesses innées à la famille humaine et de son égoïsme, pour
enrôler leurs cœurs, leurs mains et leur plume dans cette lutte finale
contre la liberté et l'entière élucidation de la vérité. Des préjugés
seront éveillés là où il n'en existerait aucun si la vérité était
clairement vue. Un zèle passionné sera évoqué et des unions de partisans
se formeront qui en tromperont et égareront beaucoup. Il en sera ainsi,
non parce que Dieu n'a pas fait la vérité assez claire pour guider tous
les vrais consacrés, mais parce que ceux qui feront trompés le seront
pour ne pas s'être suffisamment empressés à rechercher la vérité et à en
user comme de la nourriture au temps convenable. Il sera ainsi manifeste
que la classe égarée ne reçut pas la vérité dans l'amour pour elle, mais
plutôt par formalisme ou par crainte. L apôtre semble assurer que dans
cette lutte à mort finale de l'Antichrist, même s'il semble gagner un
pouvoir croissant dans le monde par de nouveaux stratagèmes, par des
tromperies et des combinaisons, le vrai Seigneur de la terre, le Roi des
rois, prévaudra cependant au temps de sa présence ; et finalement,
durant le grand temps de détresse, il anéantira complètement l’Antichrist
et détruira pour toujours sa puissance et ses tromperies.
Quant à la forme exacte que prendra cette lutte finale, nous ne pouvons
faire que des suppositions, appuyées principalement sur les tableaux
symboliques donnés dans l'Apocalypse sur cette lutte. Nous prévoyons la
constitution graduelle de deux grands partis dans le monde, desquels les
saints fidèles et vainqueurs se tiendront séparés. Ces deux grands
partis seront composés : d'un côté, par les socialistes, les
libres-penseurs, les incrédules, les mécontents, et les vrais amis de la
liberté dont les yeux commencent à s’ouvrir sur l’état de choses amené
par le despotisme et le mauvais gouvernement religieux et politique. De
l’autre côté s'associeront peu à peu ceux qui sont opposés aux libertés
humaines et à l'égalité : les empereurs, les rois, les aristocrates ; et
la contrefaçon du Royaume de Dieu, l'Antichrist, se trouvera en parfaite
harmonie avec eux et les soutiendra, tout en étant soutenu lui-même par
les despotes civils de la terre. Nous nous attendons aussi à ce que la
politique de l'Antichrist sera quelque peu modifiée et adoucie pour
chercher à s'attirer même la sympathie et la coopération pratique (non
l’union réelle) des extrémistes de toutes les dénominations protestantes
[[392]] qui justement maintenant recherchent une union nominale les unes
avec les autres et avec Rome, oubliant que la seule et véritable union
est celle qui est produite et maintenue par la vérité, et non par les
credo, les conventions et les lois. Cette coopération entre protestants
et catholiques peut sembler improbable à quelques-uns ; mais nous voyons
des signes évidents de son approche rapide. Elle est hâtée par les
agissements secrets de la Papauté parmi ses adeptes, laquelle fera
élire, pour occuper des places en vue dans les affaires
gouvernementales, les hommes politiques désireux de coopérer avec elle.
On peut s'attendre à voir bientôt surgir des lois par lesquelles la
liberté personnelle sera peu à peu restreinte en alléguant la nécessité
et le bien-être public jusqu'à ce que degré par degré il devienne
finalement nécessaire de formuler quelque “simple loi de religion” et
qu'ainsi l'Eglise et l'état pourront être jusqu'à un certain point unis
pour gouverner les Etats-Unis d'Amérique. Ces lois, aussi simples
qu'elles puissent être faites, pour convenir à toutes les vues
religieuses soi-disant orthodoxes (ou populaires), seront calculées pour
réprimer et prévenir un accroissement subséquent en grâce et en
connaissance de ce qui est maintenant la nourriture au temps convenable.
Le prétexte en sera probablement pour prévenir le socialisme,
l'incrédulité et l'éruption politique des classes inférieures et des
classes indépendantes.
Il est évident que dans un avenir très prochain, même avant que la
gravité de la grande détresse de ce jour de la colère ait éclaté sur le
monde et ruiné l'ordre social tout entier sur la terre (préparant la
terre nouvelle et meilleure promise sous le vrai Christ), il y aura une
heure sévère de tentation et d'épreuve pour l'Eglise vraiment consacrée,
comme ce fut le cas dans les jours de triomphe de la Papauté ; [[393]]
avec cette différence qu'aux jours actuels les méthodes de persécution
seront plus raffinées et mieux en rapport avec les méthodes plus
civilisées de notre époque. Les piques, les pinces et les roues auront
plutôt la forme de sarcasmes, de dénonciations, de restrictions des
libertés et de boycottages sociaux, financiers et politiques. Mais
concernant cela et les nouvelles combinaisons que l'Antichrist pourra
former dans cette lutte finale contre l'établissement du vrai royaume
millénaire, nous en parlerons plus loin.
En terminant ce chapitre, nous aimerions encore une fois pénétrer le
lecteur de ce fait que la Papauté est l'Antichrist ; non à cause de la
perversité de sa morale, mais parce qu'elle est la contrefaçon du vrai
Christ et du vrai Royaume. C'est parce que beaucoup de protestants
manquent de reconnaître ce fait qu'ils seront trompés et amenés à
coopérer avec la Papauté en opposition au vrai Roi de gloire.
[[394]]
AURORE
MILLÉNAIRE
Tout se meut en avant ! L'ère heureuse commence,
L'astre de ce qui fut disparaît au couchant,
La cloche d'or résonne et la parade avance ;
Bataillon qui se hâte au rythme d'un beau chant.
La théorie obscure est fondement qui croule,
Le sommet s'illumine et la .Vérité luit,
Les forces d'aujourd'hui, des frontières en foule
Font des fantômes vains qui s'effacent sans bruit.
Frère, pourquoi tarder ? Ma sœur, pourquoi te taire ?
Sors au soleil levant, veille pour les fruits mûrs.
Poète, assez de pleurs, barde, échappe au mystère,
Peintre, enfin, dans le ciel prends des feux pour nos murs.
Sors au soleil levant, sors avec l'alouette,
N'attends pas le midi, sans trêve, à l'œuvre encore,
Car tout se meut, rapide, et l'ère heureuse est prête,
Ce qui fut disparaît, et voici l'âge d'or.
Sur l'ordre du grand Roi la céleste lumière
Se répand dans sa gloire, et s'étend, et s'accroît.
Les vieux credo s'en vont, ils tombent en poussière,
Mais un chemin meilleur aux feux du jour se voit.
Oh ! soyons donc tous prêts pour l'œuvre sans égale,
Travaillons nuit et jour, nous sommes peu, luttons,
Moissonnons, puisqu'il faut, à l'aube aux tons d'opale,
Moissonnons dans le champ — pour le droit, combattons.
Tout se meut en avant ! Le Jubilé du monde
Enfin va remplacer les siècles de chagrins,
Il vient, mon œil le voit, plein d'extase profonde,
Le sommet resplendit, — Christ est avec les siens ! |