ÉTUDES
DANS LES ÉCRITURES
VOLUME
IV - LE
JOUR DE LA VENGEANCE
« LA BATAILLE D'HARMAGUEDON »
ÉTUDE
VI
BABYLONE DEVANT LA COUR SUPRÊME
SA CONFUSION DANS LE DOMAINE RELIGIEUX.
La véritable Église, connue de l’Éternel n'a point part au jugement
frappant Babylone. — L'état religieux de la chrétienté est
aussi lamentable que son état politique. — La grande confusion. —
C'est au clergé qu'incombe la responsabilité de présenter la défense
de la chrétienté. — L'esprit de la grande Réformation est mort. —
Les chefs religieux et le peuple dans la même situation. — Accusations
portées. — La défense. — Proposition d'une fédération. —
Recherche d'une solution. — Les moyens adoptés. — L'esprit de
compromission est général. — Le jugement en action contre les
institutions religieuses de la chrétienté.
« Il lui dit : je te jugerai par ta propre parole, méchant esclave
» — Luc 19 : 22 (D.).
Tandis que nous examinons ici avec attention le jugement actuel de la
grande église prétendue chrétienne (ou église nominale — Trad.),
n'oublions pas qu'il existe également une Église réelle de Christ, élue,
précieuse, consacrée à Dieu et à sa vérité, au milieu d'une génération
impie et perverse. Ses membres ne s'ont pas connus du monde comme un
ensemble réuni (« a compact body » — Trad.), mais comme individus,
ils sont connus par l'Éternel qui juge non simplement par la vue ou par
l'ouïe, mais qui discerne et juge les pensées et les intentions du cœur.
Ils peuvent être grandement dispersés, mais qu'ils soient isolés comme
« froment » au milieu de l'« ivraie », ou qu'ils soient assemblés
avec d'autres, l’œil de Dieu repose toujours sur eux. Eux habitent dans
la demeure secrète du Très-Haut (sanctifiés, entièrement mis à part
pour Dieu) ; ils reposent à l'ombre du Tout-Puissant, tandis que les
jugements de l'Éternel sont appliqués aux grands systèmes religieux qui
portent son nom dans l'infidélité (Ps. 91 : 1,14-16). Les membres de la
classe de l'Église réelle n'ont point part au jugement de la grande
Babylone, mais après avoir été éclairés, ils ont été appelés à
sortir d'elle (Apoc. 18 :
4). Cette classe est décrite et reçoit la bénédiction du réconfort
dans les Psaumes 91 et 46. Au sein d'un simple formalisme et d'un
simulacre de piété, l’œil vigilant de l'Éternel discerne les fidèles
et les conduit dans les gras pâturages et près des eaux tranquilles. Il
réjouit leur cœur par sa vérité et par son amour. « Le Seigneur
connaît ceux qui sont siens » (2 Tim. 2 : 19) ; ils constituent, dans
son estimation, l'Église réelle, la Sion que l'Éternel a choisie (Ps.
132 : 13-16), et dont il est écrit : « Sion l'a entendu, et s'est réjouie
; et les filles de Juda se sont égayées à cause de tes jugements, ô Éternel
! » (Ps. 97 : 8). L'Éternel les conduira à bon port comme un
berger conduit ses brebis. Retenons donc qu'il y a une telle classe, une
Église réelle, dont chaque membre est connu et aimé de l'Éternel,
qu'il nous soit connu ou inconnu. Il faut que ces membres soient ignorés
ici-bas, lorsque nous considérons ceux qui prétendent être l'église,
et ceux que le monde accepte comme étant l'église, ceux auxquels les
prophètes font allusion sous de nombreuses appellations significatives
qui désignent la grande église nominale, déchue de la grâce. Il faut
qu'il en soit ainsi également quand nous discernons que le jugement de
Dieu la frappe dans cette période de la moisson de l'Age de l'Évangile.
S'il est vrai que les pouvoirs civils de la chrétienté sont dans l'anxiété,
et que partout se manifeste la détresse des nations, il est non moins
certain que la situation religieuse ne présente pas, par contraste, une
situation de paix et de sécurité qui puisse apporter l'espoir : le cléricalisme
moderne, en effet, comme les nations, est pris au piège dans ses propres
filets. Si les nations qui ont semé au vent les semences de l'iniquité,
sont sur le point de récolter une abondante moisson dans un tourbillon
d'affliction, de son côté la grande église nominale, la chrétienté
ecclésiastique, qui a participé aux semailles, aura part aussi à la récolte.
Depuis longtemps, la grande église nominale a enseigné les préceptes
des hommes au lieu des doctrines bibliques ; méprisant dans une grande
mesure la Parole de Dieu comme la seule règle de foi et de vie pieuse,
elle a annoncé avec audace des doctrines pleines de contradictions et déshonorantes
à l'égard de Dieu ; elle a été infidèle en proportion de la vérité
qu'elle avait retenue. Elle a manqué de cultiver et de manifester
l'esprit de Christ, et elle s'est laissée envahir par l'esprit du monde.
Elle a baissé les barrières de la bergerie, invité les boucs et même
encouragé les loups à entrer et à accomplir leur mauvais travail. Il
lui a plu de laisser le diable semer l'ivraie parmi le froment, et
maintenant, elle se réjouit du produit de ses semailles, du champ
florissant d'ivraie. On apprécie bien peu les comparativement rares épis
de « froment » qui restent encore, et l'on ne fait guère d'effort pour
empêcher qu'ils soient étouffés par l'« ivraie». Le « froment »
a perdu sa valeur sur les marchés de la chrétienté, et le fidèle
enfant de Dieu lui-même, comme le fut son Seigneur, se trouve méprisé
et rejeté des hommes, blessé dans la maison de ceux qu'il supposait être
ses amis. Des formes de piété ont remplacé sa puissance, et des cérémonies
fastueuses supplantent considérablement le culte sincère.
Il y a longtemps, des doctrines opposées ont divisé l'église nominale
en de nombreuses sectes antagonistes, chacune prétendant être la seule
église réelle que le Seigneur et les Apôtres avaient fondée. Ensemble,
elles ont réussi à donner au monde une telle déformation du caractère
et du plan de notre Père céleste, que beaucoup de
gens intelligents s'en détournent ainsi avec dégoût, méprisent
leur Créateur, et même essaient de nier son existence.
L'église de Rome, qui prétend être infaillible, déclare que le dessein
divin est, de vouer au tourment éternel de feu et de soufre tous les « hérétiques
» qui rejettent ses doctrines à elle. Pour d'autres, elle fournit un
tourment limité appelé Purgatoire duquel on peut sortir grâce à des pénitences,
des jeûnes, des prières, des cierges bénits, de l'encens et des «
sacrifices » bien payés de la messe. Ainsi met-elle de côté
l'efficacité du sacrifice de réconciliation de Christ, et place-t-elle
la destinée éternelle de l'homme entre les mains de prêtres rusés qui
prétendent de cette manière posséder le pouvoir d'ouvrir le ciel ou de
le fermer à celui qui leur plaît. A la puissance vitale de la piété
elle substitue une apparence de piété, et dresse des statues et des
tableaux pour les faire adorer par ses fidèles, au lieu d'exalter dans le
cœur le Dieu invisible et son cher Fils, notre Seigneur et Sauveur. Elle
élève aux honneurs une classe de prêtres qui reçoivent l'ordination
des hommes pour régner sur l'église, ce qui est contraire aux
enseignements de notre Seigneur : « Mais vous, ne soyez pas appelés :
Rabbi ; car un seul est votre conducteur [le christ] et vous, vous êtes
tous frères. Et n'appelez personne sur la terre votre père ; car un seul
est votre père, celui qui est dans les cieux »
(Matt. 23 : 8, 9). En
fait, la Papauté présente la contrefaçon la plus complète du vrai
christianisme (« Christianity » — Trad.), et elle prétend
effrontément être la seule vraie église (*). [VoI.
II, chapitre 9 et vol.
IlI chapitre 3.]
Le mouvement de la « Réformation » a éliminé quelques-unes des
fausses doctrines de la Papauté et a conduit nombre de personnes hors de
ce système inique. Les réformateurs attirèrent l'attention sur la
Parole de Dieu et affirmèrent le droit pour chacun de l'étudier en
faisant usage de son jugement personnel ils reconnurent également et nécessairement
que chaque enfant de Dieu a le droit de prêcher la vérité sans
l'autorisation du pape et des évêques qui prétendent faussement avoir
reçu la succession d'autorité des douze apôtres primitifs. Mais bientôt
ce bon travail de protestation contre l'église romaine qui est la
contrefaçon antichrétienne et inique de la véritable Église, fut
neutralisé par l'esprit du monde. Bientôt, les protestants, comme on les
appelait, formèrent de nouvelles organisations qui, avec les vérités
qu'elles avaient trouvées, perpétuèrent nombre des erreurs anciennes
auxquelles elles en ajoutèrent quelques nouvelles, et cependant, chacune
d'elle continua à détenir une petite vérité. Il en résulta un mélange
hétéroclite de credo en contradiction les uns avec les autres, avec la
raison et avec la Parole de Dieu, Et comme l'énergie d'investigation de
la période de la Réformation s'éteignit bientôt, ces credo se fossilisèrent
rapidement, et sont ainsi demeurés jusqu'à ce jour.
On a consacré largement temps et talents pour établir et perpétuer ces
systèmes de doctrines erronées qu'on se plaît à appeler « théologie
systématique ». Ses savants ont écrit de volumineux ouvrages pour
que d'autres les étudient au lieu d'étudier la Parole de Dieu : pour
atteindre ce but, on a fondé des séminaires de théologie bien dotés
d'où sont sortis de jeunes hommes instruits dans leurs erreurs et qui
sont allés les enseigner au peuple et le convaincre. Le peuple, lui, qui
a appris à considérer ces hommes comme des ministres désignés par Dieu,
comme des successeurs des apôtres, a accepté leurs affirmations sans
sonder les Écritures comme le faisaient les nobles Béréens, au jour de
Paul, afin de voir si les choses qu'on leur enseignait étaient bien
exactes (Actes 17 : 11).
Mais, à présent, la moisson de toutes ces semailles est arrivée, le
jour de rendre des comptes, et grande est la confusion, la perplexité de
l'église nominale tout entière, et particulièrement du clergé ; c'est
à lui qu'incombe la responsabilité de diriger la défense dans ce jour
de jugement, en présence de beaucoup d'accusateurs et de témoins, et, si
possible, de trouver quelque remède pour sauver d'une destruction complète
ce qu'il considère comme l'église réelle. Cependant, dans leur
confusion présente, et dans le désir de toutes les sectes de vivre en
bonne harmonie les unes avec les autres par raison de politique, les ecclésiastiques
ont presque cessé de considérer leur secte particulière comme la seule
vraie église, et parlent des autres sectes comme diverses « branches »
de l'unique église, malgré leurs credo contradictoires qui, bien entendu,
ne peuvent être tous vrais.
C'est un fait lamentable, hélas ! que dans cette heure critique, l'esprit
salutaire de « La Grande Réformation » soit mort. Le protestantisme
n'est plus une protestation contre l'esprit de l'antichrist, ni contre le
monde, la chair ou le diable. Ses credo, en guerre avec la Parole de Dieu,
avec la raison, et les uns avec les autres, et illogiques avec eux-mêmes,
il cherche à les dérober à l'examen public. Ses volumineux ouvrages de
théologie ne sont que du combustible pour alimenter le feu de ce jour du
jugement de la chrétienté. Ses principaux séminaires de théologie sont
des foyers d'incrédulité répandant la contagion partout. Ses grands
hommes tels que ses évêques, ses docteurs en théologie, ses professeurs
de théologie, ainsi que beaucoup de ses ecclésiastiques éminents et
influents dans les grandes villes, deviennent les conducteurs d'une incrédulité
déguisée. Ils cherchent à saper et à détruire l'autorité et
l'inspiration des Écritures sacrées, à supplanter par la théorie
humaine de l'évolution, le plan de salut révélé dans la Bible. Les églises
protestantes cherchent à s'allier, à imiter l'église de Rome ;
elles recherchent ses faveurs, louent ses méthodes, cachent ses crimes,
et ce faisant, s'allient avec elle en esprit. Elles agissent également de
plus en plus en étroite conformité avec l'esprit du monde en toutes
choses, imitant sa vaine pompe et sa vaine gloire auxquelles elles prétendent
avoir renoncé. Remarquez l'ostentation
extravagante dans l'architecture des églises, dans leurs décorations,
dans leur ameublement ; tout ceci a conduit ces églises à contracter de
grosses dettes, c'est pourquoi elles ont constamment recours à la
mendicité et à tout autre moyen pour se procurer l'argent ainsi nécessaire.
Une remarquable déviation dans ce sens, ce fut dans l'église méthodiste
de l'Avenue Lindell à Saint-Louis (Mo.), l'introduction d'une œuvre d’art représentant
« la nativité » par R. Bringhurst. Elle est sculptée dans un
bas-relief au-dessus de l'autel, du grand orgue et de la tribune du chœur.
L’œuvre d'art forme un arc de quarante-six pieds de long [14 m environ
— Trad.] sur cinquante de haut [15,24 m environ — Trad.], et chaque
personnage est de grandeur naturelle. Au point le plus élevé de l'arc se
trouve le personnage de la Vierge, se tenant droit avec l'enfant Jésus
dans ses bras. Prenant leur vol à partir de ces deux personnages, deux
autres montrent des séraphins avec des trompettes, proclamant le
couronnement. De chaque côté de l'arc, une multitude d'anges montent
toutes ailes déployées et adorent. A chaque pied de l'arc se trouve un
personnage représentant un ange tenant un rouleau orné de guirlandes
celui de gauche porte l'inscription : « Paix sur la terre », et
celui de droite : « Bonne volonté aux hommes ». Pour ajouter plus
d'effet, le bas relief est monté sur un ébrasement à un angle de 45°
incliné vers la congrégation, de façon à mettre en un relief plus
vigoureux la partie élevée de l'étude et augmenter les ombres en
proportion.
Quelle approbation n'y voyons-nous pas, non seulement de l'esprit
d'ostentation extravagante, mais également du culte des idoles de l'église
de Rome ! Notez aussi que certaines églises disposent de salles de
billard ; certains ministres sont même allés au point de recommander
l’introduction de vins légers, et dans certaines localités, on
autorise généreusement des représentations de comédies de salon, et
des jeux.
Dans bien des cas, les ouailles sont devenues les instruments dociles du
clergé, et à son tour, celui-ci s'est généreusement inspiré des goûts
et des préférences des paroissiens mondains et influents. Les gens ont
abandonné leur droit et leur devoir d'user de leur jugement personnel ;
ils ont cessé de sonder les Écritures
pour établir ce qui est vérité, et de méditer sur la loi de
Dieu pour discerner ce qui est droit. Ils sont indifférents, mondains,
amis du plaisir plus que de Dieu : ils sont aveuglés par le dieu de ce
monde et prêts à être conduits dans n'importe quel système qui sert
leurs ambitions et désirs mondains actuels. De son côté, le clergé
encourage cet esprit et se prête à lui pour conserver ses avantages
temporels personnels. Si, en effet, ces organisations religieuses venaient
à sombrer, les positions et les revenus, le prestige et les honneurs du
clergé enflé d'orgueil s'effondreraient avec elles. C'est pourquoi il
est aussi soucieux de perpétuer les institutions du christianisme nominal
maintenant, que l'étaient les Scribes et les Pharisiens et les Docteurs
de la Loi de perpétuer le judaïsme, et cela pour les mêmes raisons
(Jean 11 : 47, 48, 53 ; Actes 4 : 15-18). A cause de leurs préjugés et
de leurs ambitions mondaines, des chrétiens sont aussi aveuglés quant à
la lumière de la nouvelle dispensation qui point, que l'étaient les
Juifs au premier avènement du Seigneur quant à la lumière de la
dispensation évangélique qui pointait alors.
ACCUSATIONS PORTÉES CONTRE LE CLÉRICALISME
Les accusations portées contre l'église chrétienne de nom sont les
sentiments du monde et des Chrétiens qui s'éveillent, à la fois au sein
de Babylone et au-delà, de ses limites territoriales. Soudainement, au
cours des cinq dernières années surtout, l'attention du monde entier
s'est portée sur la prétendue église chrétienne mise bien en vue pour
la critique. Cette critique est si prédominante que nul ne peut manquer
de l'entendre ; elle est dans l'air même ; on l'entend dans les
conversations privées, dans les rues, dans les trains, dans les ateliers
et dans les magasins ; elle inonde le monde par la presse quotidienne,
elle est un sujet vivant dans tous les journaux les plus importants,
profanes ou religieux. Les chefs de l'église reconnaissent bien que cette
critique générale ne signifie rien de bon pour ses institutions, et ils
sentent la nécessité de la combattre promptement et sagement (selon
leurs propres idées), s'ils veulent préserver leurs institutions du
danger qui les menace.
L'église chrétienne de nom est accusée (1) d'être en contradiction
avec elle-même. Le monde même remarque la différence considérable
qui existe entre ce qu'elle prétend être son modèle de doctrine, la
Bible, et ses credo à elle qui sont en contradiction avec la Bible, et à
beaucoup d'égards, absurdes. La doctrine blasphématoire du tourment éternel
est repoussée avec mépris et ne peut plus désormais servir à faire
entrer les hommes dans l'église par la crainte ; il y a quelque
temps, la secte presbytérienne et d'autres sectes calvinistes se sont
trouvées dans une véritable tempête de critiques de leurs vénérables
credo, et sont terriblement ébranlées. En raison des longues discussions
sur le sujet et les tentatives désespérées de la part du clergé pour
se défendre, tout le monde est au courant. Il est tout à fait évident
que la tâche de la défense est des plus fastidieuses, et qu'elle serait
heureuse de s'en débarrasser, mais le clergé ne peut l'éviter et doit
assumer cette défense le mieux qu'il peut. Le Rév. T. De Witt Talmage
s'est fait l'écho des sentiments qui prévalent parmi ce clergé, disant
:
« J'aurais souhaité que cette malheureuse controverse au sujet de la
confession de foi n'ait pas été imposée à l'église, mais
puisqu'il en est ainsi maintenant, je dis « Finissons-en, et ayons un
credo nouveau ».
A une autre occasion, le même monsieur dit :
« Je déclare, une fois pour toutes, que toute cette controverse à
travers la chrétienté est diabolique et satanique. Une tentative des
plus diaboliques se poursuit pour diviser l'église ; si on ne l'arrête
pas, il s'ensuivra pour la Bible un mépris égal à celui qu'on a pour un
almanach de 1828 qui dit ce qu'était le temps six mois auparavant et dans
quel quartier de la lune il vaut mieux semer des navets.
« Quelle position prendrons-nous face à ces controverses ? Restons à l'écart.
Pendant que ces tumultes religieux sont au loin, restez chez vous et
vaquez à vos occupations. Voyons ! Comment voulez-vous qu'un homme qui ne
mesure que cinq ou six pieds [1,52 m à 1,82 m Trad.] puisse passer à gué
à travers un océan de mille pieds [300 m environ — Trad.] de
profondeur ?... Les jeunes gens qui entrent maintenant dans le ministère
sont lancés dans la brume la plus épaisse qui ait jamais couvert une côte.
Les questions que les docteurs (en théologie) essaient de trancher ne le
seront qu'au jour qui suivra le jour du jugement ».
Cela est très vrai ; le
jour après ce jour du jugement verra toutes ces questions perplexes résolues,
et la vérité et la droiture établies sur la terre.
Le caractère fastidieux de la tâche de la défense et la crainte de
l'issue de la controverse furent également exprimées avec beaucoup de
force dans une résolution des membres du clergé presbytérien réunis à
Chicago, peu de temps après que vinrent les convocations au jugement.
Voici la résolution :
« Décidons ; Que nous considérons avec tristesse les
controverses qui troublent notre église bien-aimée comme nuisibles à sa
réputation, à son influence et à son utilité ; que si elles continuent,
elles peuvent provoquer un désastre, non seulement pour l’œuvre de
notre église, mais pour notre christianisme commun, Nous conseillons donc
ardemment à nos frères, que d'une part, ils évitent d'appliquer de
nouvelles épreuves d'orthodoxie, l'emploi rude de la force et la répression
d'une recherche honnête et pieuse de la vérité, et que, d'autre part,
nous conseillons instamment à nos frères de ne pas imposer à l'église
des théories non vérifiées, d'éviter les questions de discussion
douteuse, et en particulier là où elles ont, ou, dans certaines
circonstances, pourraient avoir une tendance à ébranler la foi de ceux
qui ne sont pas versés dans les Saintes Écritures. Par égard pour
notre église et pour tous ses précieux intérêts et ses activités,
nous sollicitons ardemment une trêve et la cessation du litige ecclésiastique ».
The Presbyteran Banner a publié également
l'allusion suivante qu'elle y fait avec tristesse, et qui contient
quelques aveux remarquables de la condition maladive de l'église presbytérienne,
On lit :
« Un tapage ou une alerte dans un hôpital ou dans un asile pourrait se
prouver funeste à quelquesuns de ses pensionnaires. Dans une
institution charitable, un monsieur d'un certain âge s'amusa quelque
temps à battre le tambour avant le lever du soleil. En fin de compte, les
autorités prièrent ce « charmant frère » d'emmener son
instrument à une distance respectueuse. Ceci explique pourquoi des
pasteurs sérieux s'alarment lorsque des troubles s'élèvent dans l'église.
L'église est comme un hôpital où sont assemblés des malades du péché
qui, dans un sens spirituel, sont fiévreux, lépreux, paralytiques, blessés
et à demi-morts. Un trouble, tel que la cruelle confusion actuelle
qui règne dans certains séminaires de théologie, pourrait détruire
certaines âmes qui traversent actuellement une crise, Le Prof. Briggs
voudrait-il marcher doucement et retirer son tambour ? ».
L'église nominale est accusée (2) de manquer grandement de piété et de
sainteté qu'elle prétend avoir, bien qu'on admette que quelques âmes
vraiment pieuses se trouvent encore ici et là parmi les humbles. En vérité,
le simulacre et l'hypocrisie s'imposent, et la richesse et l'arrogance
montrent assez que les pauvres ne sont pas les bienvenus dans les temples
terrestres érigés au nom de Christ. Les masses l'ont compris et ont
examiné dans leurs Bibles pour voir si tel était l'esprit du grand
Fondateur de l'église ; et là elles ont appris que l'une des preuves qu'
il donna de sa qualité de Messie était que « l'évangile était annoncé
aux pauvres » et qu'il dit à ses disciples : « Les pauvres, vous
les avez toujours avec vous » ; et qu'ils ne devaient avoir
aucune préférence pour l'homme ayant un anneau d'or au doigt et revêtu
de beaux vêtements, etc. Elles ont aussi trouvé la règle d'or et elles
l'ont appliquée à De son côté, la
conduite de l'église, collectivement et individuellement. Ainsi, à la
lumière de la Bible, elles concluent rapidement que l'église est déchue
de la grâce. La conclusion est si manifeste que ses défenseurs se
trouvent couverts de confusion.
L'église nominale est accusée (3) de manquer d'accomplir ce qu'elle a prétendu
être sa mission, savoir : convertir le monde au christianisme. Comment le
monde a-t-il découvert que le moment est arrivé où le travail de l'église
devrait montrer quelques signes d'achèvement ? Cela paraît inexplicable
; néanmoins, de même qu'à la fin de l'Age judaïque tous les hommes étaient
dans l'attente de quelque grand changement qui devait s'accomplir (Luc 3 :
15), ainsi, maintenant, à la fin de l'Age
de l'Évangile, tous les hommes sont dans une attente semblable.
Ils se rendent compte que nous sommes dans une période de transition, et
que l'horoscope du 20e siècle est rempli de terreurs et
d'avertissements de grands changements révolutionnaires. L'inquiétude
actuelle a été exprimée avec force par l’Hon. Henry Grady, dans un éloquent
discours devant les sociétés de l'Université à Charlottesville (Va.).
Voici ce qu'il déclara : « Nous sommes au point du jour... Les étoiles
fixes disparaissent insensiblement du ciel et nous marchons à tâtons
dans une lumière incertaine. Avec la nuit sont venues des formes étranges.
Des chemins anciens se sont évanouis, des routes nouvelles égarent, et
des champs qui s'élargissent s'étendent à perte de vue. L'agitation de
l'aube nous fait marcher de long en large, mais le Doute s'étend au sein
de la confusion, et même sur les sentiers battus, des foules mouvantes
sont arrêtées, et à travers des ténèbres les sentinelles crient : «
Qui va là ? ». Dans
l'obscurité du matin, des forces terribles sont à l’œuvre. Rien n'est
ferme ou approuvé. Les miracles du présent démentent les simples vérités
du passé. L'église est assiégée au-dehors et trahie au-dedans. A
l'arrière-plan des tribunaux se consume la torche de l'émeutier et se
dessine la potence des anarchistes. Le gouvernement est l'enjeu des
partisans et la proie des pilleurs. Le négoce est inquiet sous l'étreinte
du monopole, et le commerce enchaîné par la limitation. Les villes sont
surpeuplées et les campagnes sont désertées. La splendeur rayonne du château
et la misère se tapit dans la chaumière. La fraternité universelle
disparaît, et le peuple se divise en classes sociales. Le « sifflet »
désapprobateur du nihiliste inquiète les bien-nantis, et le grondement
de la populace se fait entendre en public ».
Il est impossible à l'église de nier que la fin de l'Age
est arrivée, le jour du règlement des comptes, car, qu'elle
discerne ou non le temps à la lumière de la prophétie, les faits du
jugement lui sont imposés, et le résultat en sera discerné avant la fin
de cette période de la moisson.
LE MONDE ECCLÉSIASTIQUE PREND POSITION
ET INDIRECTEMENT REND LES COMPTES DE L'ÉGLISE
L'église sait que les yeux du monde entier sont tournés vers elle, que
d'une manière ou d'une autre, on a découvert que, si sa mission a été
comme elle l'a prétendu, de convertir le monde, le temps était venu où
ce travail devrait être sinon complètement achevé, du moins sur le
point de l'être, et qu'en somme, en dépit de ses déclarations publiques,
elle diffère bien peu du monde.
Ayant considéré que telle est sa mission actuelle, elle a perdu de vue
le véritable dessein de cet Age de l'Évangile, à savoir : « prêcher
cet évangile du royaume dans la terre habitée tout entière, en témoignage
à toutes les nations », aider à proclamer l'appel et à assister à la
préparation d'un « petit troupeau » qui constituera (avec le Seigneur)
ce Royaume millénaire lequel bénira alors toutes les familles de la
terre (Matt. 24 : 14 ; Actes 15 : 14-17). Elle est placée devant le fait
qu'après dix-huit siècles, elle est plus éloignée des résultats (que
ses prétentions exigeraient qu'elle eût obtenus) qu'elle ne l'était à
la fin du premier siècle. En conséquence, des justifications, des
excuses, une vérification des calculs et de nouveaux calculs, le rétablissement
des faits, des prédictions extravagantes de grandes réalisations dans un
très proche avenir, sont maintenant à l'ordre du jour. C'est ainsi que,
forcée par esprit de curiosité et par le désir de vérifier les faits
qui caractérisent les temps actuels, elle essaie de se défendre devant
ses nombreux accusateurs.
Pour relever l'accusation qui lui est faite d'avoir une doctrine
incompatible avec le modèle qu'elle reconnaît la Bible, nous la voyons
grandement perplexe, car elle ne peut nier que ses credo se contredisent.
Aussi a-t-elle recours à diverses méthodes que les gens réfléchis ne
sont pas lents à discerner comme étant la preuve de sa grande confusion.
Toutes les dénominations se cramponnent aux anciens credo parce que ce
sont là les cordes par lesquelles elles ont été liées ensemble en
organisations distinctes. Les détruire soudainement serait dissoudre les
organisations. Cependant, le clergé tout spécialement s'abstient le plus
possible d'en parler, car il en est profondément honteux à la lumière pénétrante
de ce jour de jugement.
Il en est certains qui sont si honteux de ces credo que, oubliant leur
prudence mondaine, ils préfèrent les rejeter tous. D'autres sont plus
conservateurs, et pensent qu'il est plus prudent de les abandonner
graduellement et de les remplacer petit à petit par de nouvelles
doctrines, pour amender, réviser, etc. Chacun connaît les longues
discussions qui ont lieu sur la révision des credo presbytériens ; on
connaît aussi les tentatives de la prétendue « haute-critique » pour
saper l'autorité et l'inspiration des Écritures sacrées, et pour suggérer
une inspiration du vingtième siècle et une théorie d'évolution
totalement subversive du divin plan de salut concernant la chute d'Adam
que la Bible affirme, mais qu'eux rejettent. En outre, il se trouve une
autre classe de nombreux membres du clergé qui favorisent une théologie
éclectique ou de compromis, nécessairement très sommaire et très libérale,
son objet étant d'écarter toutes les objections de tous les bigots, chrétiens
et païens, et si possible, de « les amener tous dans un seul camp »
selon l'expression de certains. Bon nombre de gens d'église se vantent
des grandes choses qui sont sur le point de s'accomplir grâce aux moyens
mis récemment en œuvre, l'idée motrice étant
l'union ou la coopération des chrétiens. Lorsqu'une telle union sera
obtenue (et on nous assure qu'elle aura lieu sous peu), alors la
conversion du monde au christianisme, suppose-t-on s'ensuivra rapidement.
L'église, accusée de manquer de piété et de vie pieuse, fait également
étalage d'« œuvres merveilleuses et nombreuses » qui font souvent penser aux paroles
de reproche du Seigneur rapportées en Matt. 7 : 22, 23. Mais ces
vanteries servent bien peu les intérêts de Babylone, car l'absence de
l'esprit de la loi d'amour de Dieu en elle, est hélas ! trop
douloureusement manifeste pour être cachée. A tout prendre, la défense,
présentée par l'église déchue, ne rend que plus visible la condition déplorable
dans laquelle elle se trouve. Si ce grand système ecclésiastique [« eccelesiasticism »
— Trad.] était réellement la véritable Église de Dieu, combien il
serait évident que Dieu aurait échoué dans son plan qui est de se
choisir un peuple pour son nom !
Cependant, tandis que l'église présente ces diverses excuses, apologies,
promesses et vanteries, ses conducteurs se rendent très clairement compte
qu'elles ne serviront plus longtemps à la préserver dans sa condition
actuelle de division, de trouble et de confusion. Ils discernent qu'il
s'ensuivra sous peu la désagrégation et la destruction à moins qu'un
puissant effort puisse unir ses sectes et ainsi, lui donner non seulement
une meilleure position devant le monde, mais aussi une puissance accrue
pour renforcer son autorité. C'est pourquoi nous entendons beaucoup
parler d'union chrétienne et chaque pas dans cette direction est proclamé
comme étant la preuve d'accroissement dans l'esprit d'amour et de
communion chrétienne. Cependant, le mouvement n'est pas suscité par un
amour et une communion chrétienne croissants, mais par la peur. La tempête
d'indignation et de colère qui a été prédite s'approche rapidement, et
les diverses sectes doutent sérieusement de pouvoir résister seules au
choc de cette tempête.
C'est pourquoi toutes les sectes plaident l'union, mais la réalisation de
cette union est le problème angoissant à cause de leurs credo opposés
les uns aux autres. Diverses méthodes sont suggérées. L'une consiste à
s'efforcer d'unir les sectes qui ont à peu près la même doctrine, comme
par exemple, les diverses branches des mêmes familles : presbytérienne,
baptiste, méthodiste, catholique, etc., en vue de la plus grande union
proposée. Une autre méthode consiste à cultiver chez les gens un désir
d'union, et une disposition à négliger la doctrine, et à offrir une généreuse
communion à tous ceux qui ont de bonnes dispositions morales et à
rechercher leur coopération dans ce qu'ils appellent l'œuvre chrétienne... Un tel sentiment trouve ses plus ardents soutiens
parmi les jeunes et les personnes d'âge mûr.
Ces dernières années, la tendance d'ignorer nombre des doctrines
controversées du passé a aidé à développer dans l'église une classe
de jeunes gens qui représentent bien le sentiment d'« union » de la chrétienté.
Ignorant les luttes sectaires du passé, ils ne sont pas travaillés par
la confusion qui règne parmi leurs aînés concernant la prédestination,
l'élection, la grâce libre, etc. Mais ils reçoivent encore, dès leur
enfance (en héritage de Rome et des Siècles de ténèbres),
l'enseignement de la doctrine néfaste du tourment éternel pour tous ceux
qui n'entendent et n'acceptent pas l'évangile dans l'Age présent, et de
celle suivant laquelle la mission de l'évangile serait de convertir le
monde dans l'Age présent, et de cette manière de le sauver de ce
tourment. Tous ceux-là sont groupés sous diverses appellations : Unions
chrétiennes de jeunes gens, Sociétés chrétiennes d'encouragement,
Ligues d'Epworth, Filles du Roi et Armées du Salut. Beaucoup d'entre eux
ont vraiment « un zèle pour Dieu », mais non selon la connaissance »
— Rom. 10 : 2.
Conformément à leurs conceptions erronées et non scripturales, ils
projettent qu'un « relèvement social du monde » ait lieu immédiatement.
Il est louable que leurs efforts soient faits non pour le mal, mais pour
le bien. Leur grande erreur est de poursuivre leurs propres plans ;
ceux-ci, aussi bienveillants et sages puissent-ils être dans l'estimation
humaine, sont de toute nécessité inférieurs à la sagesse divine et au
plan divin qui, seul, sera couronné de succès. Tous les autres plans
sont voués à l'échec. Ce serait grandement à la bénédiction des
vrais sincères parmi eux s'ils pouvaient discerner le plan divin, savoir
: la sélection (« élection ») actuelle d'un « petit troupeau »
sanctifié, et bientôt, du relèvement du monde par les membres de ce
petit troupeau lorsqu'ils seront, au complet (*) [Écrit en 1897 — Trad.]
et souverainement exaltés, régnant avec Christ comme ses co-héritiers
du Royaume millénaire. S'ils pouvaient discerner cela, l'effet en serait
ou en devrait être la sanctification de tous les sincères parmi eux (une
faible minorité naturellement), car la majorité de ceux qui se joignent
à ces sociétés, le font évidemment pour diverses raisons autres qu'une
entière consécration et dévotion à Dieu et à son service, « jusqu'à
la mort même ».
Ces jeunes gens chrétiens qui n'ont pas reçu les leçons de l'histoire
de l'église et qui ignorent les doctrines, deviennent facilement
partisans de l'« Union ». Ils concluent que « dans le passé, ce sont
les doctrines qui ont causé des divisions ! Obtenons donc l'union et
laissons de côté les doctrines ! ». Ils n'arrivent pas à apprécier le
fait que dans le passé tous les chrétiens étaient aussi en souci
d'obtenir l'union que le sont les gens de nos jours, mais ils la voulaient
basée sur la vérité ou sinon pas du tout. Leur règle de conduite fut :
« Combattez pour la foi qui a été une fois enseignée aux saints »,
« N'ayez rien de commun avec les œuvres infructueuses
des ténèbres, mais plutôt reprenez-les aussi » (Jude 3 ; Eph. 5 :
11). Beaucoup de gens, aujourd'hui, n'arrivent pas à discerner que
certaines doctrines sont de toute importance pour une vraie union
parmi de vrais chrétiens, une union agréable à Dieu, et que la faute du
passé fut que les chrétiens avaient trop de préjugés favorables
touchant leurs propres credo humains pour pouvoir les éprouver et les
corriger, ainsi que toutes les doctrines, avec la Parole de Dieu.
C'est pourquoi l'union, la fédération proposée et recherchée, ignorant
la doctrine biblique, mais tenant ferme aux doctrines humaines concernant
le tourment éternel, l'immortalité naturelle, etc., et dominée
simplement par un jugement humain quant à l'objet et aux méthodes, est
la chose la plus dangereuse qui pourrait arriver. Il est, certain qu'elle
tomberait dans une erreur extrême, parce qu'elle rejette les « doctrines
de Christ » et « la sagesse qui vient d'en-haut » pour se
reposer sur la sagesse de ses propres sages, laquelle est folie
lorsqu'elle s'oppose aux méthodes et conseils divins. « La sagesse
de ses sages périra » Es. 29 : 14.
Ensuite, il y a aussi de nombreuses idées qui sont avancées par des
membres progressifs (?) du clergé et autres quant à ce que devraient être
le caractère et la mission de l'église dans le proche avenir. Ils
proposent d'abaisser l'église, davantage encore qu'elle ne l'est
maintenant, au niveau des idées du monde. Son œuvre paraît-il, est d'introduire en elle le monde non régénéré
pour s'assurer ainsi un patronage financier libéral ; pour y parvenir, il
est nécessaire d'introduire toutes sortes de divertissements. Quel est le
vrai chrétien qui n'a pas été choqué en observant dans son pays les
tendances dans cette direction ou en prenant connaissance par la lecture
de celles d'ailleurs ?
Quelle meilleure preuve pourrions-nous avoir du déclin de la vraie piété
que ce qui suit, écrit par un membre du clergé méthodiste et publié
dans un journal méthodiste — « The Northwestern Christian Advocate
— et intitulé par le Rédacteur en Chef « Satire amicale sur l'état
actuel de l'église méthodiste ». Ce titre à lui seul
reconnaît l'état de choses existant. Que ce soit d'ailleurs une
approbation ou une satire, cela n'a pas d'importance, les faits sont les
faits, quels que soient les informateurs, mais ils sont plus convaincants
encore lorsqu'ils sont une sorte de confession faite par un ministre
directement intéressé et qui les relate dans le journal de sa propre église.
Nous reproduirons en entier cet article dans lequel nous avons souligne
certaines parties en italiques :
« QUELQUES ASPECTS DU MÉTHODISME AMÉRICAIN »
« Le réveil religieux du dix-huitième siècle, sous la direction des
Wesleys et de Whitefield, purifia le caractère moral de la race
anglo-saxonne ; de nouvelles forces furent mises en action pour l'élévation
de ceux qui n'avaient pas encore reçu l'Évangile. Des historiens laïques,
anglais et américains, furent unanimes à mettre au crédit du mouvement
créé par ces hommes remarquables, presque toute l'organisation de l'église
moderne et la déclaration actuelle de la doctrine qui tend à répandre
et à implanter notre civilisation. La doctrine du « libre arbitre », prêchée
par ces hommes et par leurs successeurs, a été, avec l'évolution des
expériences modernes dans les gouvernements du monde, l'un des dogmes les
plus populaires qui ait occupé l'esprit humain. Cette doctrine se répandit
d'une manière toute particulière parmi nos ancêtres américains.
Rejetant le joug des rois, et écœurés d'une église nationalisée et
dominée par des prêtres, rien ne pouvait mieux les réjouir, et être en
harmonie avec leurs aspirations politiques que la doctrine qui proclame
que tout homme est libre de faire sa propre destinée, bonne ou mauvaise,
ici-bas et dans l'au-delà.
« La doctrine de la « nouvelle naissance », sur laquelle méthodistes
insistaient, et que Whitefield prêcha dans la Nouvelle Angleterre,
produisit l’effet d'une histoire récente et inouïe. Les effets de
cette doctrine furent tels que les mondains et même les irréligieux les
prirent en considération en les approuvant. En effet, cette doctrine
exigeait non seulement un « changement de cœur », mais aussi un
changement dans la vie quotidienne tel, qu'un méthodiste se distinguait
facilement d'un homme du monde par sa conduite. Le grand dessein pour
lequel, l'église existait était de « répandre la sainteté dans ces
pays ». Telle était la devise sur sa bannière, et avec ce cri de
guerre, elle vainquit.
« Une autre raison qui explique le succès phénoménal du Méthodisme
dans ce pays est le fait que le commun peuple était accueilli avec
plaisir à son service simple et populaire. Il n'y a que ceux qui n'ont
pas été familiarisés avec les rites qui peuvent apprécier ce fait
apparemment insignifiant mais en réalité très important. Savoir que
vous pouvez entrer dans une église où vous pouvez prendre part au
service sans risquer de montrer votre ignorance des formes et des cérémonies
est de la plus grande importance si vous n'avez aucun désir de vous
mettre en évidence. Ainsi, le service simple, naturel, de l'église méthodiste
américaine primitive convenait-il exactement aux gens qui n'avaient que
depuis peu abandonné la pompe des religions du Vieux Monde. Les manches
de linon, les chapeaux saints, les diadèmes, les couronnes et les robes répugnaient
à leurs goûts rustiques et simples. La religion qui leur enseignait
qu'ils pouvaient adresser leurs prières au Tout-Puissant sans un intermédiaire
d'aucune sorte, faisait ressortir la dignité et la grandeur de leur
nature humaine et plaisait à leur amour de l'indépendance.
« Les remarquables triomphes de cette église peuvent également être
attribués en partie au fait qu'elle n'avait pas en ce temps-là, déposé
le fouet à petites cordes du Maître. Dans ces premiers jours, il y avait
de temps en temps une purification de l'église des fourbes et des
indignes, purification qui avait un effet des plus salutaires, non
seulement sur l'église elle-même, mais également sur la collectivité
environnante. Après les orages qui accompagnaient souvent « l'expulsion
» des sans foi, l'atmosphère morale du voisinage tout entier était
purifiée, et même les moqueurs se rendaient compte que faire partie de
l'église signifiait quelque chose.
« Un facteur qui aidait aussi au succès dont je viens de faire état était
le caractère purement itinérant du ministère
alors accordé. Sans aucun doute, il y eut à cette époque des héros
et des géants moraux. L'influence d'un homme vigoureux, courageux, possédé
par l'idée qu'ici-bas il n'avait pas de « cité permanente », ne
prévoyant rien pour ses vieux jours, n'exigeant aucun contrat pour
s'assurer son soutien ou salaire, se refusant à lui-même les choses mêmes
que les gens étaient des plus avides à obtenir, enflammé d'un zèle qui
devait bientôt le consumer, une telle influence devait être durable et
bienfaisante partout où elle s'exerçait.
« Le chant, du temps des premiers méthodistes, joua un grand rôle dans
l'acquisition par cette église d'une position éminente, dans ce pays.
Des paroles graves, impressionnantes, pleines de doctrines, jointes à des
mélodies qui existent encore et prévalent, exerçaient non seulement une
grande attraction musicale, mais renfermaient un enseignement théologique
; les gens, quelque rudes qu'ils aient pu être, étaient ainsi endoctrinés
dans les principaux dogmes de l'église. Une vérité chantée dans l'âme
d'un enfant ou d'un homme y demeure avec une puissance bien plus grande
que celle qu'on peut trouver dans n'importe quelle méthode d'instruction
de Kindergarten ou de Quincy. C'est ainsi que, sans discussion, les
doctrines étaient fixées dans l'esprit des enfants ou des convertis, si
bien qu'aucune controverse subséquente ne pouvait les ébranler. Il nous
reste maintenant à montrer que
« CES ÉLÉMENTS DE SUCCÈS SONT MAINTENANT SURANNÉS ET QU'UNE
NOUVELLE MÉTHODE MIEUX APPROPRIÉE A ÉTÉ ADOPTÉE DANS L'ÉGLISE ÉPISCOPAL
MÉTHODISTE.
« Je ne veux pas jouer le rôle d'un vantard, mais plutôt celui d'un
annaliste de faits publics, un narrateur de l'histoire récente. En ce qui
concerne la règle de doctrine, il n'y a aucun changement dans la position
soutenue par l'église, mais la manière d'agir et l'esprit qui prévalent
dans presque toutes ses affaires montrent tout de suite les progrès réalisés
et les innovations qui apportent la lumière. Le caractère et la
condition de cette puissante église sont changés à tel point que tous
ceux qui se soucient de la prospérité spirituelle de l'Amérique doivent
étudier ce changement avec un profond intérêt.
« La doctrine de la « nouvelle naissance », (« vous devez naître
de nouveau ») reste la même, mais le progrès moderne a éloigné le
rigorisme d'autrefois qui empêchait beaucoup de bonnes gens d'entrer dans
cette église parce qu'elles ne pouvaient pas accepter cette doctrine et
parce qu'elles n'avaient jamais eu ce qu'on appelait alors une « religion
expérimentale ». De nos jours, par contre, universalistes et
unitaires sont souvent en parfaite communion et accomplissent bravement
leur devoir.
« Les Ministres d'aujourd'hui, raffinés et cultivés comme ils le
sont dans les églises importantes, sont trop bien élevés pour insister
sur la « sainteté » de la façon dont
les pères comprenaient cette grâce ; au lieu de cela, ils prêchent
cette sainteté plus large qui ne pense mal de personne, pas même d'un
homme qui n'est pas entièrement sanctifié. Celui qui épouserait cette
doctrine du chemin étroit d'autrefois, ne serait pas bien vu
actuellement dans les cercles de Chautauqua et dans les associations
d'Epworth.
« Le culte simple d'autrefois subsiste encore parmi les populations
rurales ; dans les centres urbains et cultivés, par contre, on a le goût
de la belle musique, de l'art et de la littérature dans bien des cas, un
rituel élégant a remplacé les prières spontanées et les invocations
bruyantes qui caractérisèrent jadis les ancêtres. Contester la valeur
de telles améliorations équivaudrait à mettre en doute la supériorité
de la culture sur la grossièreté et le manque d'éducation.
« Dans ses débuts, l'église fut sans doute sage d'être aussi stricte
que l'étaient alors ses conducteurs. Il n'y avait pas grand-chose à
perdre en ce temps-là. De nos jours, par contre, des hommes sages,
discrets et prudents, refusent avec raison de compromettre la prospérité
d'une église riche et influente en administrant d'une manière bigote et
rigoureuse les affaires de l'église, ce qui indisposerait les riches et
les intellectuels. Si les gens ne sont pas flexibles, l'évangile l'est sûrement.
L'église a été faite pour sauver les hommes, et non pour les chasser et
les décourager. Aussi, nos idées plus larges et modernes ont-elles fait
déborder et jaillir la notion étriquée et égoïste que nous sommes
meilleurs que d'autres gens lesquels devraient être exclus de notre
communion.
« L'agape fraternelle avec ses préjugés dogmatiques, et la réunion de
la classe qui, pour beaucoup d'esprits était presque aussi mauvaise que
le confessionnal, ont été grandement abandonnées en faveur des
associations d'Epworth et des sociétés d'encouragement.
« De nos jours, plus qu'à aucun autre moment de l'histoire de l'église,
les distingués ministres de culte se conforment a l'injonction du Maître
d'être « prudents comme des serpents et simples comme des colombes ». Lequel
d'entre eux commettrait l'absurdité des prédicateurs d'antan de dire au
membre officiel le plus riche de son église qui roule sur l'or, de vendre
tout ce qu'il a pour Dieu et pour l'humanité, de prendre sa croix et de
suivre Christ ? Celui-là (je veux dire le ministre) pourrait s'en
aller en pleurant.
« Alors que l'évolution est la loi, et le progrès le mot d'ordre, on
doit toujours déplorer l'imprudence et l'extrémisme, mais le ministre
moderne est rarement coupable de l'une ou de l'autre. Le prédicateur
rigoureux, rude qui, autrefois, accusait le Dieu d'amour d'être courroucé
a disparu pour faire place à son successeur, lequel soigne son style, a
une diction élégante, et dont les pensées, les sensations et les
sentiments sont poétiques et inoffensifs.
« Le « temps-limite » durant lequel un ministre peut demeurer dans
la même charge pendant cinq années, sera abandonné en 1896 à la
prochaine Conférence générale. Au début, il ne pouvait servir que six
mois dans la même charge, puis la durée fut étendue à une année, puis
à deux, puis à trois, et dernièrement à cinq. Mais à présent, les
milieux dirigeants et cultivés de l'église estiment que si son prestige
social et sa prospérité doivent faire bonne figure en comparaison avec
les autres églises, ses pasteurs doivent avoir une situation stable,
afin que ses habiles prédicateurs puissent devenir les éléments
directeurs de cercles sociaux et littéraires. Il faut en effet se
souvenir que le rôle du prédicateur n'est plus aujourd'hui ce qu'il était
souvent, savoir, de tenir d’ennuyeuses réunions et d'être un évangéliste.
Personne ne comprend mieux cela que les prédicateurs eux-mêmes. Ceux
qui, dans le passé, lancèrent les grands revivals ou réveils religieux,
étaient un genre de prédicateurs très à la mode dans les églises, et
chaque année, ils avaient l'habitude de présenter le nombre de conversions
opérées au cours de l'année. De nos jours, cependant, laïques et ecclésiastiques
ont des idées différentes, moins excentriques. Les églises plus
importantes veulent des pasteurs qui aient le sens de l'esthétique, qui
sachent aussi détourner les coups du scepticisme moderne et attirer dans
l'église les classes intellectuelles et distinguées. Lors de la conférence
annuelle où le prédicateur présente un rapport général, ce qui en
fait l'objet essentiel c'est le produit de ses collectes missionnaires.
Le prédicateur méthodiste moderne a des talents remarquables pour
recueillir l'argent ; il sait pénétrer au fond du cœur de ses
paroissiens par des méthodes beaucoup mieux appropriées que les
exhortations et les appels d'autrefois.
« Quelle grande leçon ont bien apprise ces dirigeants de la pensée chrétienne,
à savoir que l'évangile ne doit jamais froisser le goût des gens
cultivés et distingués. Si une église sait se conformer aux exigences
de l'époque avec toute la souplesse voulue, elle voit s'ouvrir devant
elle toutes grandes, les portes de la prospérité future qui l'accueille
à bras ouverts. La devise la mieux appropriée pour une église
n'est-elle pas celle qui fut chantée par les anges messagers : « Paix
sur la terre, bonne volonté envers les hommes » ?
Signé : Rév. Chas. A. Crane ».
Ce qui suit, de la plume de l'évêque R. S. Foster, de l'église méthodiste
épiscopale, est un extrait du journal « Gospel Trumpet ». Il
donne le même témoignage,
bien qu'en des termes différents. Certains de ses paroissiens trouvèrent
peut-être ces vérités un peu trop franches, car depuis lors, l'évêque
a été mis à la retraite, malgré lui et malgré ses larmes.
DÉCLARATION DE L'ÉVÊQUE FOSTER :
« L'église de Dieu, aujourd'hui, courtise le monde. Ses membres essaient
de la faire descendre au niveau des impies. Le bal, le théâtre, le nu et
la lubricité dans l'art, le luxe social avec son relâchement moral, tout
ceci s'est frayé un chemin, a pénétré dans l'enceinte secrète de l'église.
Pour compenser toute cette mondanité, les chrétiens déploient une
grande activité pendant le Carême, Pâques et le Vendredi-saint et dans
la décoration de l’église. C'est la vieille astuce de Satan. L'église
judaïque a heurté contre ce roc ; l'église romaine a fait naufrage sur
le même roc, et l'église protestante ne va pas tarder à subir le même
sort.
« Tels que nous les discernons, les grands dangers que nous courons sont
: l'assimilation au monde, l'oubli des pauvres, la substitution de la
forme extérieure à la réalité de la piété, l'abandon de la
discipline, un pastorat mercenaire, un évangile impur, en bref, une église
à la mode. Le fait que les méthodistes soient sujets à une telle issue,
et qu'à cent ans de son départ, il puisse y avoir dans leur église de
tels signes, semble être presque le miracle de l'histoire ; pourtant,
quel est celui qui, regardant autour de lui aujourd'hui, pourrait ne pas
s'en rendre compte ?
« Les méthodistes, en violation de la Parole de Dieu et de leur propre
discipline, ne s'habillent-ils pas d'une manière aussi extravagante selon
la mode que n'importe quelle autre classe ? Les dames, et souvent les épouses
et les filles du pasteur, ne portent-elles pas « de l'or, des perles et
des parures coûteuses » ? La robe simple, conseillée par John
Wesley et l'évêque Asbury, et que portèrent Hester Ann Rogers, Lady
Huntington et beaucoup d'autres également distinguées, seraitelle
considérée maintenant dans les milieux méthodistes comme du fanatisme ?
Celui qui pénètre dans l'église méthodiste de n'importe laquelle de
nos grandes villes, peut-il distinguer les vêtements des communiants de
ceux que portent les personnes qui vont au théâtre ou au bal ? Ne
sent-on pas l'esprit mondain dans la musique ? Dans les chœurs, les chanteurs et
chanteuses, habillés avec soin et parés, ne faisant pas, dans la plupart
des cas, profession de religion mais étant souvent des moqueurs incrédules,
font une froide interprétation artistique ou à la façon d'un opéra, ce
qui est autant en harmonie avec un culte spirituel que l'est un opéra ou
un théâtre. Avec une exécution aussi mondaine, la spiritualité se
refroidit et meurt.
« Jadis, chaque méthodiste fréquentait la « classe » et donnait le témoignage
d'une religion vécue. A présent, la réunion de la « classe » (ou du
« groupe » — Trad.) est suivie par un très petit nombre, et dans de
nombreuses églises, elle a été abandonnée. Il est rare que les trésoriers,
les fondés de pouvoir et les conducteurs de l’église fréquentent la
classe. Autrefois, presque tous les méthodistes priaient, témoignaient
ou exhortaient dans la réunion de prières. Maintenant, on n'en entend
plus que quelques-uns. Autrefois, on entendait des acclamations et des
louanges : maintenant, de telles démonstrations d'un saint enthousiasme
et d'une sainte joie sont considérées comme du fanatisme.
« Des parties, des foires, des festivals, des concerts mondains et
d'autres choses semblables ont remplacé les rassemblements religieux, les
réunions de réveils religieux les réunions de « classe » et de
prières des premiers temps.
« Il est bien vrai que la discipline méthodiste est lettre morte.
Ses règlements interdisent le port d'or, de perles et de parures coûteuses
; cependant, jamais personne ne pense à reprendre les membres qui les
enfreignent. Ces règlements interdisent la lecture de livres impies ou
les distractions qui ne servent pas la piété ; cependant, l’église
elle-même va aux spectacles, aux amusements, aux festivals et aux foires
qui détruisent la vie spirituelle des jeunes aussi bien que des vieux. Il
est effrayant de constater à quel point ceci a lieu maintenant.
« Les premiers pasteurs méthodistes partaient pour sacrifier et souffrir
pour Christ. Ils ne recherchaient pas des places en vue et le confort,
mais celles de privation et de souffrance. Ils ne se glorifiaient pas de
leurs gros traitements, de membres éminents, et de leurs congrégations
cultivées, mais des âmes qu'ils avaient gagnées pour Jésus. Oh ! Comme
tout cela a changé ! Un pasteur mercenaire sera un faible ministre,
timide, servile, sans opinion personnelle, sans foi, sans endurance et
sans force de sainteté. Autrefois, le méthodisme s'occupait de la grande
vérité centrale. A présent, les chaires discutent amplement de généralités
et s'occupent de conférences populaires. On entend rarement dans les
chaires prêcher la glorieuse doctrine de la sanctification complète, et
on la porte peu souvent en témoignage ».
Tandis que des efforts spéciaux sont faits pour engager les sympathies et
la coopération des jeunes gens des églises dans l'intérêt de l'union
religieuse en les rassemblant d'une manière sociale, et en évitant la
controverse religieuse et l'enseignement doctrinal, des efforts plus
directs encore sont faits pour amener les membres adultes en sympathie
avec le mouvement d'union. C'est à cette fin que les conducteurs de
toutes les dénominations font des projets et travaillent, et beaucoup
d'efforts de modeste importance ont abouti au grand Congrès des Religions
qui se tint à Chicago pendant l'été de 1893. L'objet du Congrès était
très clair dans l'esprit des dirigeants et fut exprimé d'une manière très
claire, mais le, commun des fidèles des églises suivit les conducteurs
sans la moindre considération apparente du principe en jeu, savoir que c'était
là un grand compromis de la chrétienté avec tout ce qui n'est pas
chrétien. Et maintenant qu'il y a un projet d'extension du mouvement
en une fédération universelle de tous les corps religieux qui aurait
lieu en 1913, et en raison du fait que l'Union chrétienne est activement
orientée dans cette voie du compromis, que tous ceux qui désirent
demeurer fidèles à Dieu remarquent bien les principes exprimés par ces
conducteurs religieux.
Alors que le Rév. J. H. Barrows, D.D., l'esprit dirigeant du Congrès
mondial des Religions à Chicago, s'occupait de promouvoir l'extension de
ce dernier, un journal de San Francisco aurait rapporté qu'il avait déclaré
à son représentant au sujet du travail spécial qu'il accomplissait en
vue de l'unité religieuse :
« L'union des religions », dit-il en bref, se fera de l'une des
deux manières possibles. En premier lieu, les églises qui ont une base
de foi et de doctrine presque commune doivent s'unir, les diverses
branches du méthodisme et du presbytérianisme par exemple. Ensuite,
lorsque les sectes seront unies entre elles, tout le protestantisme en général
s'unira. La compréhension augmentant, catholiques et protestants découvriront
que les différences qui les séparent ne sont réellement pas majeures,
et ils envisageront de s'unir. Ceci accompli, l'union avec d'autres
religions différentes [c'est-à-dire le mahométisme, le bouddhisme, le
brahmanisme, le confucianisme, etc. — des religions païennes] n'est
plus qu'une question de temps.
« En second lieu, les religions et les églises pourraient s'unir sur une
base civile et morale, selon les vues de M. Stead [une victime du Titanic,
un spirite]. Les organisations religieuses ont des intérêts et des
devoirs communs dans les collectivités où elles existent, et il est
possible qu'elles s'associent pour promouvoir et accomplir ces desseins.
Quant à moi, je m'attends à voir cette union se réaliser par le premier
moyen. Quelle que soit la manière, les congrès de religion commencent à
prendre forme. Le Rév. Theo. E. Seward mentionne le succès croissant de
sa « Fraternité de l'unité chrétienne » à New York, tandis qu'à
Chicago a été organisée très récemment, sous la direction de C.C.
Bonney, une grande et vigoureuse « Association pour l'avancement de
l'unité religieuse ».
LE GRAND CONGRÈS DES RELIGIONS
Le « Chicago Herald », commentant favorablement les
travaux du Congrès (nous soulignons en italiques) déclara :
« Jamais depuis la confusion de Babel, autant de religions, autant
de credo, se sont tenus côte à côte, la main dans la main, et presque cœur
à cœur, comme ce fut le cas dans ce grand amphithéâtre hier soir.
Jamais depuis que l'histoire écrite existe, des humains de toutes races
n'ont été si fortement liés par la chaîne d'or de l'Amour. Les nations
de la terre, les credo de la chrétienté, bouddhistes et baptistes, mahométans
et méthodistes, catholiques et disciples de Confucius, brahmanes et
unitaires, shintoïstes et épiscopaux, presbytériens et panthéistes,
monothéistes et polythéistes, représentant toutes les nuances de la
pensée et des conditions humaines, se sont enfin rencontrés dans les
liens communs de la sympathie, de l'humanité et du respect ».
Comme il est significatif le fait que la pensée de cet approbateur
enthousiaste même du grand Congrès se soit reportée au temps de la mémorable
confusion des langues à Babel ! N'était-ce pas, en vérité, qu'il
reconnaissait instinctivement en ce Parlement un antitype remarquable ?
Le Rév. Barrows, cité plus haut, parla avec enthousiasme des rapports
amicaux qui se manifestèrent parmi les ministres protestants, les prêtres
catholiques, les rabbins juifs et, en fait, Ies conducteurs de toutes les
religions existantes, par leur accord à propos du grand Congrès de
Chicago. Il déclara :
« L'idée ancienne que la religion à laquelle j'appartiens est la seule
vraie, n'est plus de saison. On peut apprendre quelque chose de toutes les
religions, et aucun homme n'est digne de la religion qu'il représente
s'il n'accepte pas de saisir un homme par la main en le considérant comme
son frère. Quelqu'un a dit que le moment est maintenant propice pour
que la meilleure religion vienne au premier plan. Le temps est passé où
un homme prenait un air de supériorité au sujet de sa religion. Ici
se réuniront le sage, l'érudit et le prince de l'Orient en toute amitié
avec l’archevêque, le rabbin, le missionnaire, le prédicateur et le prêtre.
Pour la première fois, ils prendront place ensemble au Congrès. On espère
que cela aidera à supprimer les barrières des credo ».
Le Rév. T. Chalmers, de l'église des Disciples, dit :
« Ce premier Congrès des religions parait être le précurseur
d'une fraternité plus grande encore, une fraternité qui combinera en une
seule religion mondiale ce qu'il y a de mieux, non pas dans une seule
religion, mais dans toutes les grandes confessions de foi historiques. Il
se pourrait que, conduits par cette plus grande espérance, nous dussions
réviser notre phraséologie et parler davantage d'unité religieuse
que d'unité chrétienne. Je me réjouis de ce que tous les grands
cultes vont se rapprocher les uns des autres, et que Jésus viendra
prendre place aux côtés de Gautama, Confucius et Zoroastre ».
Le New York Sun, dans un éditorial sur ce sujet, dit :
« Nous ne pouvons distinguer exactement ce que le Congrès se propose
d'accomplir... Il est toutefois possible que le plan de Chicago soit de
mettre sur pied une sorte de religion nouvelle et combinée («
compound » — Trad.), qui comprendra et satisfera chaque variété
d'opinion religieuse et irréligieuse. C'est une entreprise considérable
que d'établir une religion nouvelle et éclectique qui satisfasse tout le
monde ; mais Chicago a confiance ».
En vérité, ce serait une chose bien étrange si, soudainement, l'esprit
de Christ et l'esprit du monde se prouvaient être en harmonie, et si ceux
qui sont animés d'esprits contraires comprenaient les choses de la même
façon. Mais il n'en est pas ainsi. Il est toujours vrai que l'esprit du
monde est toujours inimitié contre Dieu (Jacques 4 : 4) : que ses
conceptions et ses philosophies sont vaines et insensées et que, seule,
la révélation divine contenue dans les Écritures inspirées des apôtres
et des prophètes est la seule vérité divinement inspirée.
L'un des objets déclarés de ce Congrès, d'après son président, M.
Bonney, était de rassembler toutes les religions du monde « afin que
puissent être présentés leurs buts communs et leurs bases communes
d'union, et que le merveilleux progrès religieux du dix-neuvième siècle
puisse être reconsidéré ».
En fait, le véritable et seul objet de cette reconsidération était évidemment
de répondre à l'esprit investigateur des temps actuels — de cette
heure du jugement — afin de présenter sous son meilleur jour possible
la marche de l'église, et d'inspirer l'espoir qu'après tout l'échec
apparent de la chrétienté, l'église est juste sur le point de remporter
une victoire éclatante, que bientôt, très bientôt, sa prétendue
mission aura accompli la conversion du monde. Et maintenant, remarquez de
quelle façon elle se propose d'y parvenir, et observez qu'au lieu que ce
soit par l'esprit de vérité et de droiture, ce sera par celui de
compromission, d'hypocrisie et de tromperie. L'objet déclaré du Congrès
était la fraternisation et l'union religieuse ce qui s'y manifestait
d'une façon marquée était le désir ardent d'y parvenir à tout prix.
Pour disposer favorablement les bigots païens, ils étaient même
consentants, selon leurs déclarations précitées, de réviser leur phraséologie
et de l'appeler l'unité religieuse, en abandonnant le nom offensant de
chrétien et en étant tout à fait satisfaits de priver Jésus de sa supériorité
pour lui faire prendre humblement place aux côtés des sages païens
Gautama, Confucius et Zoroastre. L'esprit de doute et de perplexité, de
compromission et d'infidélité générale de la part des chrétiens
protestants, l'esprit de vantardise, de donneur de conseils (« counsel »)
et d'autorité de la part des catholiques romains et de tous les autres
bigots, tels furent les aspects les plus frappants du grand Congrès. Sa
première session fut ouverte avec la prière d'un catholique romain —
le Cardinal Gibbons — et sa dernière session fut terminée par la bénédiction
d'un catholique romain — l'Evêque Keane. Pendant la dernière session,
un prêtre shintoïste du Japon invoqua sur l'assemblée disparate la bénédiction
de huit millions de divinités.
Le Rév. Barrows a été depuis deux années en correspondance avec les
représentants païens des autres pays, lançant par le monde le cri macédonien
à tous les prêtres et apôtres païens : « Passez ici, et aidez-nous
! ». Que cet appel ait été lancé représentativement par l'église
presbytérienne qui, depuis plusieurs années, subit une ardente épreuve
de jugement, fut également un fait significatif de la confusion et d'une
inquiétude qui prévalent dans cette dénomination et dans toute la chrétienté.
Ainsi, la chrétienté était-elle prête pour la grande convocation.
Pendant dix-sept jours, des représentants chrétiens de toutes les dénominations
prirent place en conseil auprès des représentants de toutes les diverses
religions païennes. A ces derniers, les orateurs chrétiens firent à
maintes reprises allusion en termes complimenteurs comme à « des
sages de l'Orient » ; cette expression est empruntée aux Écritures
où, en fait, elle fut appliquée à une classe très différente, savoir
aux quelques personnes pieuses croyant au Dieu d'Israël et aux prophètes
d'Israël qui avaient prédit l'avènement de l'Oint de l'Éternel
; ces personnes attendaient patiemment et guettaient sa venue, en
ne prêtant aucune attention aux esprits séducteurs de la sagesse
mondaine qui ne connaissaient point Dieu. A ceux-là qui étaient vraiment
des sages, aussi humbles qu'ils pussent être, Dieu révéla son message béni
de paix et d'espérance.
Le thème annoncé pour le dernier jour du Congrès fut :
« L'union religieuse de la famille humaine tout entière »,
ou seraient considérés « Les éléments de religion parfaite tels
qu'ils sont reconnus et exposés dans les différentes croyances », en
vue de déterminer « les caractéristiques de la religion définitive »
et « le centre de l'unité religieuse prochaine des humains ».
Est-il possible que, de leur propre aveu, des ministres chrétiens (?)
soient incapables, après si longtemps, de déterminer ce qui devrait être
le centre de l'unité religieuse, ou les caractéristiques d'une religion
parfaite ? Sont-ils vraiment si désireux d'avoir une « religion
mondiale » qu'ils soient prêts à sacrifier l'un quelconque des
principes, ou tous les principes d'un vrai christianisme, et même le nom
de « chrétien », si nécessaire, pour l'obtenir ? C'est précisément
ce qu'ils avouent. « Je te jugerai par ta propre bouche, méchant esclave »
dit l'Éternel. Les jours qui précédèrent la conférence furent réservés
à la présentation, par leurs représentants respectifs, des diverses
religions.
Le projet était audacieux et hasardeux, mais il aurait dû ouvrir les
yeux de tout véritable enfant de Dieu devant plusieurs faits qui furent
très manifestes, savoir : (1) que l'église chrétienne nominale a
atteint son dernier espoir dans la capacité de se maintenir, sous les
jugements pénétrants de ce jour alors que « l'Éternel a un débat avec
son peuple », Israël spirituel nominal (Michée 6 : 1, 2) ; (2)
qu'au lieu de se repentir de leurs apostasies et de leur manque de foi, de
zèle et de piété, et ainsi de chercher à retrouver la faveur divine,
ces différentes églises s'efforcent, par une certaine sorte d'union et
de coopération, à se soutenir les unes les autres, et à faire appel à
l'aide du monde païen pour les aider à résister aux jugements de l'Éternel
qui révèlent les erreurs de leurs credo humains et les déformations de
son noble caractère ; (3) qu'elles sont prêtes à sacrifier en partie («
compromise ») Christ et son Évangile, afin d'obtenir l'amitié du monde
et les avantages qu'il accorde en pouvoir et en influence ; (4) que leur
aveuglement est tel qu'elles ne peuvent distinguer entre la vérité et
l'erreur, ou entre l'esprit de la vérité et l'esprit du monde ; et (5)
qu'elles ont déjà perdu de vue les doctrines de Christ.
Sans doute, une aide temporaire viendra des sources où on la cherche avec
tant d'enthousiasme, mais ce ne sera qu'une étape préparatoire qui
engagera le monde entier dans la condamnation imminente de Babylone,
amenant les rois, les marchands et les commerçants de la terre entière
à pleurer et à se lamenter sur cette grande cité — Apoc. 18 : 9, 11, 17-19.
En considérant l'évolution du grand Congrès, notre attention est
fortement attirée par plusieurs points remarquables : (1) L'esprit et
l'attitude de doute et de compromission de la chrétienté nominale, à
l'exception des églises catholiques romaine et grecque. (2) L'attitude
assurée et assertive du catholicisme et de toutes les autres religions.
(3) Les distinctions très nettes, observées par les sages païens, entre
le christianisme enseigné dans la Bible et celui enseigné par les
missionnaires chrétiens des diverses sectes de la chrétienté qui, en même
temps que la Bible, apportent leurs credo déraisonnables et
contradictoires dans les pays étrangers. (4) L'estimation par les païens
de l'effort missionnaire, et les futures perspectives de cet effort dans
leurs pays. (5) L'influence de la Bible sur nombre de gens dans les pays
étrangers, malgré ses mauvaises interprétations par ceux qui
l'apportent au loin. (6) L'influence actuelle et les résultats probables
du grand Congrès. (7) Son aspect général du point de vue prophétique.
LA COMPROMISSION DE LA VÉRITÉ
Le grand Congrès religieux a été convoqué par des chrétiens — des
chrétiens protestants ; il eut lieu dans un pays ouvertement protestant,
et sous la direction et l'impulsion de chrétiens protestants, de sorte
que les protestants peuvent être considérés comme responsables de
toutes ses assises. Qu'on veuille remarquer, alors, que l'esprit actuel du
protestantisme est celui de compromission et d'incrédulité. Ce Congrès
a été voulu afin de compromettre Christ et son Évangile pour gagner
l'amitié de l'antichrist et du paganisme. On donna les honneurs à la
fois de l'ouverture et de la clôture de ses délibérations aux représentants
de la papauté. Il est à remarquer aussi que si les credo des diverses
nations païennes furent présentés d'une manière convenable et détaillée
par leurs représentants, il n'y eut par contre, aucune présentation systématique
du christianisme dans aucune de ses phases, bien que des chrétiens
fissent des discours sur certains de ses thèmes. N'est-il vraiment pas étrange
qu'une telle assemblée ait laissé passer une pareille occasion de prêcher
l'Évangile de Christ à des représentants intelligents et influençables
du monde païen ? Les soi-disant représentants de l'Évangile de Christ
étaient-ils honteux de cet Évangile ? (Rom. 1 : 16). Les
catholiques romains eurent une part prépondérante dans les discours,
n'ayant pas été représentés moins de seize fois dans les sessions du
Congrès.
Non seulement cela, mais il y eut de prétendus chrétiens qui s'acharnèrent
à vouloir renverser les doctrines fondamentales du christianisme : ils
firent part aux représentants du monde païen des doutes qu'ils avaient
concernant l'infaillibilité des Écritures chrétiennes ; ils leur
dirent que les récits de la Bible doivent être reçus en tenant compte
de leur faillibilité, et que leurs enseignements doivent être complétés
par la raison et la philosophie humaines, et acceptés seulement dans la
mesure ou ils s'accordent avec elles. Il y en eut d'autres, se prétendant
des chrétiens orthodoxes, qui rejetèrent la doctrine de la Rançon,
laquelle est le seul fondement d'une vraie foi chrétienne : d'autres
niant la chute de l'homme, proclamèrent la conception opposée de l'évolution,
savoir que l'homme ne fut jamais créé parfait, qu'il ne tomba jamais, et
que, par conséquent, il n'avait pas besoin de rédempteur : depuis sa création,
affirmèrent-ils, dans une condition très inférieure et bien éloignée
de « l'image de Dieu » il s’est élevé graduellement, et il
est toujours en voie d'évolution dont la loi est la survivance des plus
aptes. Et cette conception qui est le contraire même de la doctrine
biblique de la Rançon et du Rétablissement, fut la plus populaire.
Ci-après, nous donnons quelques brefs extraits qui font ressortir
l'esprit de compromission du christianisme protestant, à la fois dans son
attitude envers le grand système anti-chrétien, l'église de Rome, et également
envers les confessions non chrétiennes.
Écoutez le Dr A. Briggs, professeur dans une Faculté de théologie
presbytérienne, déclamer contre les Écritures sacrées. Le monsieur fut
introduit par le Président, le Dr Barrows, qui déclara que « le savoir,
le courage et la fidélité de ce professeur à ses convictions, lui
avaient acquis une place élevée dans l'église universelle »,
et le Dr Briggs fut accueilli par de grands applaudissements. Voici
ce qu'il déclara :
« Tout ce que nous pouvons dire, c'est que la Bible est inspirée et
qu'elle est exacte dans tout ce qui a trait aux enseignements religieux
qu'elle donne. Dieu dit la vérité, il ne peut mentir ; il ne peut égarer
et tromper ses créatures. Mais lorsque le Dieu infini parle à l'homme
borné, ne faut-il pas qu'il se serve de paroles qui soient de l'erreur ?
[Comme cette question est absurde ! Si Dieu ne dit pas la vérité,
alors bien entendu, il n'est pas véridique]. Cela dépend non seulement
du langage de Dieu, mais aussi de la compréhension de l'homme, ainsi que
des moyens de communication entre Dieu et l'homme. Il est nécessaire de démontrer
que l'homme a la capacité de recevoir la parole, avant que nous puissions
être sûrs qu'il la transmette d'une manière exacte. [Ce professeur
de théologie « instruit et révérend » (?) devrait se souvenir que
Dieu était capable de choisir des instruments convenables tant pour
transmettre sa vérité que pour l'exprimer. Cela est évident pour tous
ceux qui étudient sincèrement sa Parole. Un tel argument avancé pour
mettre en doute, la véracité des Écritures sacrées n'est qu'un simple
subterfuge et fut une insulte à l'intelligence d'un auditoire éclairé].
L'inspiration des saintes Écritures ne comporte, pas l'infaillibilité
dans tous les détails ».
Écoutez comment le Rév. Théodore Munger, de New Haven, détrône Christ
et élève à sa place la pauvre humanité déchue, déclarant :
« Christ est plus qu'un ressortissant de la Judée crucifié sur le
Calvaire. Christ est l'humanité telle qu'elle se développe sous la
puissance et la grâce de Dieu, et tout livre s'inspirant de ce fait
[non que Jésus fut le Fils oint de Dieu, mais que l'humanité évoluée
comme un tout constitue le Christ, l'Oint] appartient à la littérature chrétienne
».
Il cita pour exemples Dante, Shakespeare, Goethe, Shelley, Matthew Arnold,
Emerson et d'autres, et ensuite ajouta :
« A quelques exceptions près, la littérature — toute littérature
inspirée — est complètement basée sur l'humanité, insiste sur la
question éthique et à des fins éthiques, et c'est cela l'essence du
christianisme... Une théologie qui insiste sur un Dieu transcendant
siégeant au-dessus du monde dont il tisse les fils de sa destinée, ne
recueille pas l'approbation de ces esprits qui s'expriment dans la littérature
; le poète, l'homme de génie, le penseur profond et universel, mettent
de côté une pareille théologie ; ces gens-là sont trop près de Dieu
pour se laisser tromper par de telles expressions de sa vérité ».
Le Rév. Dr Rexford, de Boston (universaliste) déclara :
« J'aimerais que nous puissions tous reconnaître qu'une adoration sincère,
n'importe où et partout dans le monde, est une adoration véritable... La
confession de foi aujourd'hui la plus générale, quoique non formulée,
est, je le présume, celle selon laquelle tout adorateur qui fléchit les
genoux devant l'Etre le meilleur qu'il connaisse, et marche en toute sincérité
à la plus pure lumière qui brille devant lui, a accès aux plus hautes bénédictions
du ciel ».
Cet homme révéla sûrement le sentiment religieux qui domine aujourd'hui,
mais l'Apôtre Paul, lui, s'adressa-t-il en termes semblables aux
adorateurs du « Dieu inconnu » sur la colline de Mars, ou Élie
prit-il de cette manière la défense des prêtres de Baal ? Paul déclare
que le seul accès à Dieu n'a lieu que par la foi dans le sacrifice que
Christ a fait pour nos péchés, et Pierre dit : « Il n'y a point
d'autre nom sous le ciel, qui soit donné parmi les hommes, par lequel il
nous faille être sauvés » — Actes 4 : 12 ; 17 : 23-31 ; 1
Rois 18 : 21, 22.
Écoutez le Rév. Lyman Abbot, Rédacteur du « Outlook » et ancien
pasteur de l'église de Plymouth, Brooklyn (N.Y.) prétendre que toute l'église
a cette inspiration divine qui, par Christ et les douze apôtres, nous
donna le Nouveau Testament, afin que l'homme de Dieu put être
parfaitement accompli pour toute bonne œuvre (2Tim. 3 :17). Il dit :
« Nous ne pensons pas que Dieu ait parlé seulement en Palestine et aux
quelques personnes qui habitaient cette petite province. Nous ne pensons
pas qu'il se soit fait entendre à la chrétienté seule et qu'il ait été
muet partout ailleurs. Non ! nous croyons qu'il est un Dieu qui parle à
toutes les époques et dans tous les Ages ».
Mais comment Dieu parla-t-il aux prophètes de Baal ? Il ne s'est révélé
qu'à son peuple choisi, à Israël selon la chair pendant l'Age judaïque,
et à Israël selon l'esprit pendant l'Age de l'Évangile. « Je vous ai
connus, vous seuls, de toutes les familles de la terre » — Amos 3
: 2 ; 1 Cor. 2 : 6-10.
Une lettre de Lady Somerset (Angleterre), lue avec félicitations par le
président Barrows, faisait les concessions suivantes à l'église de Rome
:
« J'éprouve de la sympathie pour tout effort tendant à amener un accord
parmi les hommes plutôt que leur antagonisme... La seule manière d'unir
est de ne jamais aborder des sujets sur lesquels nous sommes irrévocablement
opposés. La question qui entraîne aujourd'hui la plus grande divergence
est peut-être celle de l'épiscopat historique. Je ne crois pas à cette
institution et malgré cela, le grand et bon prélat qu'est l’Archevêque
Ireland qui, lui, y croit, ne me refuserait pas son aide cordiale, non en
tant que protestant, mais parce que je travaille dans l’œuvre de tempérance.
Il en fut de même, en Angleterre, du regretté conducteur le Cardinal
Manning, et cela est encore vrai de nos jours de Mgr Nugent de Liverpool,
prêtre populaire, universellement vénéré et aimé. Un accord général
du public sur la méthode pratique de réaliser la règle d'or, énoncée
d'une manière négative par Confucius et d'une manière positive par
Christ, nous rassemblera tous dans un même camp ».
On fit rarement allusion à la doctrine d'une réconciliation par un
substitut, et la plupart des orateurs la mirent franchement de côté
comme une relique du passé, indigne du dix-neuvième siècle de lumière.
Seules, quelques voix s'élevèrent pour la défendre, mais non seulement
ce fut une très petite minorité du Congrès, mais leurs conceptions
furent plutôt mal accueillies. Le Révérend Joseph Cook fut l'un des
membres de cette faible minorité, et les remarques qu'il fit furent par
la suite critiquées et rondement stigmatisées du haut d'une chaire de
Chicago.
Dans son discours, Cook déclara que la religion chrétienne est la seule
vraie religion, et son acceptation le seul moyen de s'assurer la félicité
après la mort. S'appuyant pour illustrer l'efficacité de la réconciliation
(« atonement ») dans la purification des péchés même les plus
vils, sur l'un des personnages de Shakespeare il déclara :
« Voici Lady Macbeth. Quelle religion peut laver la main droite rouge (de
sang) de Lady Macbeth ? Voilà la question que je pose aux quatre
continents et aux îles de la mer, à moins que vous ne puissiez répondre
que vous êtes venus au Congrès des Religions sans intention sérieuse.
Je me tourne vers l'Islamisme. Pouvez-vous laver sa main droite rouge de
sang ? Je me tourne vers la religion de Confucius et celle de Bouddha
Pouvez-vous laver sa main droite rouge de sang ? ».
En réponse à cela, et après le Congrès, le Rév. Jenkin Lloyd Jones,
Pasteur de l'église de All Soul, à Chicago, et l'un des intéressés
enthousiastes au Congrès, déclara :
« Nous voulons dévoiler l'immoralité de l'expiation par
substitution, cet arrangement du genre de « regarde à Jésus et tu
seras sauvé », par lequel le grand orateur de Boston a entrepris de décontenancer
les représentants des autres confessions et formes de pensée au Congrès.
Pour ce faire, examinons de près le caractère de l’acte commis par
Lady Macbeth ainsi que la mentalité de cette femme à qui l'orateur
promit une si rapide immunité si elle voulait seulement « regarder la
croix ». Ce champion de l'orthodoxie a lancé avec indignation à la
face des représentants de toutes les religions du monde l'affirmation
qu'il est « impossible dans la nature même des choses que
quelqu’un entre dans le royaume des cieux s'il n'est né de nouveau »,
grâce à cette expiation faite par Christ, cette expiation surnaturelle
par substitution qui lave la main rouge de Lady Macbeth, la blanchit, et
fait d'une meurtrière une sainte. Voici tout ce que j'ai à dire à un
tel christianisme : je suis content de ne pas croire à un tel
christianisme, et j'invite tous ceux qui aiment la moralité, tous les
amis de la justice, tous ceux qui croient à un Dieu infini dont la volonté
est la droiture, dont la providence est favorable à la justice, de désavouer
un tel christianisme. Un tel « plan de salut » est non seulement déraisonnable,
mais il est immoral. Il est démoralisant, il est une duperie et un piège
dans ce monde, quel qu'il puisse être dans l'autre... Je me détourne du
Calvaire si la vision que j'en ai me laisse assez égoïste pour demander
un salut qui laisse le Prince Sidartha en dehors d'un ciel où se trouve
éternellement Lady Macbeth ou n'importe quelle autre âme aux mains
rouges de sang ».
Ensuite, une « réunion de programme oriental » eut, lieu dans
la même église où le même Révérend (?) gentleman lut des extraits
choisis de Zoroastre, Moïse, Confucius, Bouddha, Socrate et Christ
tendant tous à montrer l'universalité de la religion ; vint ensuite le
discours fait, par un Catholique arménien. Après ce discours, dit le
reporter de la presse publique :
« M. Jones déclara qu'il avait eu la témérité de demander à l'évêque
Keane, de l'Université catholique de Washington, s'il assisterait à
cette réunion et s'il prendrait position sur un tel programme extrémiste.
L'évêque avait répondu en souriant qu'il serait à Dubuque ou pourrait
être tenté de venir. « Alors » dit M. Jones, « je lui ai demandé
s'il ne pouvait pas proposer quelqu'un d'autre ». L'évêque a répondu
: « Vous ne devez pas être trop pressé. Nous avançons très rapidement.
Il se peut qu'avant longtemps je puisse le faire » (*). [Cependant, Rome
a depuis conclu que le Congrès de Chicago n'était ni un honneur pour
elle, ni un attrait pour ceux la soutiennent, et elle a annoncé que les
papistes, à l’avenir, n’auraient plus rien à faire avec tels Congrès
confus. De plus, il ne manque pas de signes de désapprobation papale à
l'égard des prélats romains qui
ont pris une part si
importante au Congrès de Chicago. Les protestants peuvent en avoir toute
la gloire !]
« L'église catholique romaine », continua M. Jones, sous la direction
d'hommes tels que le Cardinal Gibbons, l'Archevêque Ireland et l'Évêque
Spalding, avance, et ces hommes forcent les traînards à marcher. Des
gens nous disent que nous avons abandonné le Congrès des Religions aux
catholiques d'une part et aux païens d'autre part. Nous allons entendre
maintenant nos amis païens. Ce terme « païens » n'a pas le même
sens qu'autrefois, et j'en
remercie Dieu ».
Le Prof. Henry Drummond figurait sur le programme du Congrès comme devant
faire un discours sur le Christianisme et I'Évolution, mais comme il ne
put venir, son discours écrit fut lu par le Dr Bristol. Faisant avec mépris
allusion à la doctrine de la réconciliation, que sa doctrine de I'Évolution
voudrait rendre nulle et non avenue, le Prof. Drummond déclarait dans ce
discours qu'une meilleure compréhension de la genèse et de la nature du
péché pourrait au moins modifier certains des essais de s'en débarrasser.
QUELQUES DÉFENSEURS DE LA FOI
Au milieu de cet esprit de compromission, manifesté d'une manière si
impudente et si claironnante, ce fut en vérité un réconfort de trouver
quelques rares représentants du christianisme protestant qui eurent le
courage moral, face à tant d'opposition tant secrète que manifeste, de défendre
la foi transmise une fois pour toutes aux saints, bien qu'ils fussent dans
un certain embarras parce qu'ils ne discernent pas le divin plan des Ages
et le rapport important qui existe entre les doctrines fondamentales du
christianisme avec le merveilleux système de la vérité divine.
Le Prof. W. C. Wilkinson, de l'université de Chicago, parla de « l'attitude
du christianisme envers d'autres religions ». Il attira l'attention
de ses auditeurs sur les écrits de l'Ancien Testament et du Nouveau qui
enseignent ce qu'est le christianisme, et sur les dispositions hostiles de
ce dernier à l'égard de toutes les autres religions, lesquelles doivent
être fausses si le christianisme est la vraie ; il leur parla
ensuite de notre Sauveur qui affirma avoir seul le pouvoir de sauver,
comme le prouvent les expressions suivantes :
«
Nul ne vient au Père [c'est-à-dire, aucun homme ne peut être sauvé]
que par moi ».
« Je suis le pain de vie ».
« Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive ».
« Je suis la lumière du monde ».
« Je suis la porte des brebis ».
« Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des
brigands ».
« Je suis la porte : si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé ».
« Ce sont là », dit-il, « quelques-unes des paroles sorties
des lèvres de Jésus, du seul homme qui affirma être le seul Sauveur de
l'homme ».
« On peut répondre à cela : mais Jésus a dit aussi : « Lorsque
j'aurai été élevé, j'attirerai tous les hommes à moi » ; nous
pourrions donc croire que, parmi ces âmes appartenant à d'autres
religions, beaucoup seront sauvées, attirées consciemment ou
inconsciemment à Jésus, et malgré l'infortune de leur milieu religieux.
« Je suis naturellement d'accord avec cette manière de voir. Je suis
reconnaissant que tel semble être l'enseignement du christianisme. [Mais
cette espérance provient d'un cœur généreux plutôt que de la
connaissance du divin plan de salut. Le Prof. W. ne discernait pas alors
que le monde ne sera attiré par Christ que dans l'Age millénaire,
qu'actuellement seule l'Église est attirée, et que la connaissance de l'Éternel
qui est la puissance d'attraction maintenant, sera à ce moment-là cette
puissance : « Car la terre sera pleine de la connaissance de la
gloire de l'Éternel, comme les eaux couvrent le fond de la mer »
— Hab. 2 : 14]. Je demande simplement que l'on garde fermement à
l'esprit que, pour le moment, nous ne discutons pas du tout de l'extension
des avantages qui découlent du pouvoir exclusif qu'a Jésus de sauver,
mais strictement de la question suivante : Le christianisme reconnaît-il
que les religions non chrétiennes aient une part quelconque dans
l'efficacité salvatrice ? En d'autres termes, y a-t-il dans les Écritures
un passage quelconque montrant que Jésus exerce sa puissance salvatrice,
à un degré quelconque, supérieur ou inférieur, par le moyen d'autres
religions que la sienne ? S'il y a la moindre allusion à cela, l'ombre même
d'une allusion faite dans la Bible, soit dans l'Ancien, soit dans le
Nouveau Testament, dans le sens d'une réponse affirmative à cette
question, je confesse ne l'avoir jamais trouvée. Des allusions bien loin
d'être chimériques, j'en ai trouvées et en abondance, mais dans le sens
contraire à cette question.
« Il me faut vous prier d'observer qu'il n'est pas dans mon intention ici,
dans l'intérêt du christianisme, de porter en quoi que ce soit atteinte
au mérite des individus qui, parmi les nations, sont parvenus aux cimes
les plus élevées de la morale sans avoir recours au christianisme
historique, soit sous la forme du Nouveau Testament, soit sous celle de
l'Ancien Testament. Je n'ai pas la tâche ici, de vous parler des
personnes, soit en général, soit individuellement. Je vous engage à
considérer seulement l'attitude prise par le christianisme à l'égard
des religions non chrétiennes.
« Passons maintenant des déclarations directes de Jésus pour examiner
celles qui furent faites par ses représentants à qui, selon le Nouveau
Testament, il conféra le droit de parler avec une autorité égale à la
sienne. Parlant, d'une manière générale, des adhérents des religions
païennes, il emploie ce langage : « Se disant sages, ils sont devenus
fous, et ils ont changé la gloire du Dieu incorruptible en la
ressemblance de l'image d'un homme corruptible et d'oiseaux et de quadrupèdes
et de reptiles » [1 Rom. 1 : 22, 23].
« Homme, oiseau, bête, reptile — ces quatre spécifications dans leur
échelle d'origine semble indiquer chaque différente forme de religion païenne
avec laquelle le christianisme, ancien ou moderne, est venu en contact.
Les conséquences — sanctionnées par des châtiments de la part
du Dieu jaloux et offensé des Hébreux et des Chrétiens, — d'une telle
dégradation de l'instinct inné de l’adoration, d'une telle profanation
de l'idée, autrefois pure dans le cœur humain, de Dieu l'incorruptible,
sont décrites par Paul en des termes dont la force sarcastique, incisive,
caustique, pénétrante, les a rendus célèbres et familiers : « C'est
pourquoi Dieu les a aussi livrés, dans les convoitises de leurs cœurs,
à l'impureté, en sorte que leurs corps soient déshonorés entre eux-mêmes
eux qui ont changé la vérité de Dieu en mensonge, et ont honoré et
servi la créature plutôt que celui qui l'a créée, qui est béni éternellement
» [Rom. 1 : 24].
« J'arrête ici la citation. Le reste du passage entre dans des détails
de reproche bien connus, et bien connus pour être, avec raison, mis au
compte du monde païen de l'antiquité. Il n'y a ici aucune allusion à
des exceptions en faveur de points insuffisamment bons, ou au moins pas si
mauvais, dans les religions condamnées ; aucune restriction, aucune
mitigation du châtiment évoqué. Partout l'accusation est accablante, écrasante.
On n'y trouve aucune idée émise que, dans certains cas, on puisse
trouver un culte vrai et acceptable qui soit caché, déguisé et
inconscient, sous des formes impropres. Il n'est pas possible d'envisager
que certains idolâtres (si toutefois parmi eux, il s'en trouve
quelques-uns) fassent une distinction entre l'idole qu'ils servent et le
seul Dieu incorruptible et jaloux, et que pour ces quelques idolâtres
exceptionnels, Dieu soit simplement symbolisé dans l'idole qu'ils adorent
avec ostentation. Il n'est pas possible non plus de faire de réserve en
faveur de certaines âmes initiées, illuminées, cherchant et trouvant
une religion plus pure dans des « mystères » ésotériques
interdits au vulgaire profane. Le christianisme ne laisse aucune échappatoire
aux religions antichrétiennes jugées et réprouvées avec lesquelles il
vient en contact. Au lieu de cela, il ne manifeste qu'une damnation [condamnation]
sans aucune distinction, jaillissant comme l'éclair de la gloire de sa
puissance sur ces incorrigibles coupables du péché incriminé, celui de
l'adoration rendue à des dieux autres que Dieu.
« Il n'y a le moindre adoucissement agréable qui soit prévu quelque
part pour donner l'assurance ou même l'espérance possible, qu'un Dieu
bienveillant tendra l'oreille avec bonté aux imputations formellement
faites à un autre, comme si elles lui étaient virtuellement destinées
bien que d'une manière mal comprise. Une telle idée, juste ou non, n'est
pas scripturale. En fait, elle est antiscripturale, donc anti-chrétienne.
Le christianisme ne mérite pas la louange d'une telle libéralité.
Touchant les prérogatives uniques, exclusives et incommunicables de Dieu,
le christianisme est, admettons-le franchement, une religion étroite,
stricte, sévère, jalouse. On peut pardonner à Socrate, mourant, d'avoir
proposé qu'un coq soit offert en sacrifice à Esculape, mais le
christianisme, le christianisme de la Bible, ne nous donne la moindre
raison de supposer qu'un tel acte d'idolâtrie de sa part ait pu être
interprété par Dieu comme étant un acte d'adoration que Lui-même
pouvait accepter.
« Pierre a déclaré : « En vérité, je comprends que Dieu ne fait pas
acception de personnes, mais qu'en toute nation celui qui le craint et qui
pratique la justice, lui est agréable » [Actes 10 : 34, 35].
« Craindre Dieu d'abord, et ensuite pratiquer la justice, ce sont là des
traits qui caractérisent toujours et partout l'homme agréable à Dieu.
Mais il est évident que, dans l'idée du christianisme, craindre Dieu
n'est pas en adorer un autre que lui. Ce sera donc dans la mesure où un
homme échappe à la religion ethnique qui le domine, et s'élève — non
grâce à elle, mais malgré elle — dans l'élément transcendant du
vrai culte divin, qu'il sera acceptable à Dieu.
« De toute religion ethnique, peut-on alors dire que c'est une vraie
religion, mais seulement qu'elle n'est pas parfaite ? Le christianisme dit
: Non. Le christianisme exprime des paroles d'espérance indéfinie
concernant ceux — certains d'entre eux — qui n'auront jamais entendu
parler de Christ. Ces paroles, les chrétiens bien entendu les
soutiendront et les entretiendront selon leur valeur inestimable. Mais ne
commettons pas l'erreur de leur prêter un rapport quelconque avec les
religions erronées de l'humanité. Nulle part, les Écritures ne représentent
ces religions comme des tâtonnements pathétiques et partiellement
heureux pour trouver Dieu. Chacune d'elles et toutes sont représentées
comme conduisant à tâtons vers le bas, et non vers le haut. D'après le
christianisme, elles sont un obstacle et non une aide. L'adhésion que
leur apportent leurs fidèles est semblable à l'étreinte aveugle des
racines et des rochers par des hommes qui se noient, étreinte qui ne tend
qu'à les maintenir au fond de la rivière. La vérité qui se trouve dans
la fausse religion peut aider, mais ce sera la vérité qui le fera et non
la fausse religion.
« D'après le christianisme, la fausse religion déploie toute sa
force pour étouffer et tuer la vérité qui se trouve en elle, d'où la dégénérescence
historique représentée dans le premier chapitre de Romains comme
affectant les fausses religions en général. Si leurs efforts tendaient
à l'élévation, elles s'amélioreraient de plus en plus. Si, en fait,
comme l'enseigne Paul, elles empirent de plus en plus, ce doit être parce
que leurs efforts tendent à la dégradation.
« En conséquence, l'attitude du christianisme à l'égard des religions
autres que la sienne est une attitude d'hostilité universelle, absolue,
éternelle, inapaisable, tandis qu'à l'égard de tous les hommes partout,
les adhérents des fausses religions n'étant nullement exceptés, son
attitude est une attitude de grâce, de miséricorde, de paix pour
quiconque la veut [la recevra]. Combien en trouvera-t-on qui la voudront [recevront]
? C'est là un problème que le christianisme laisse sans solution ».
Le Rév. James Devine, de la Ville de New York, parla également sur le
message du christianisme aux autres religions, en présentant clairement
la doctrine de la rédemption grâce au sang précieux de Christ. Il déclara
:
« Nous en arrivons maintenant à une autre vérité fondamentale de
l'enseignement chrétien, la doctrine mystérieuse de la réconciliation («
atonement »). Le péché est
un fait indiscutable. Il est universellement reconnu et avoué. il donne
lui-même son témoignage. Il est, de plus, une barrière entre l'homme et
son Dieu. La sainteté divine et le péché avec sa répugnance, sa rébellion,
son horrible dégradation et sa ruine sans espoir, ne peuvent s'unir dans
aucun système de gouvernement moral. Dieu ne peut tolérer le péché ni
temporiser avec lui, ni lui faire une place en sa présence. Il ne peut
parlementer avec lui ; il doit le punir. Il ne peut négocier avec lui ;
il doit le juger à la barre. Il ne peut pas l'ignorer ; il doit le
vaincre. Il ne peut lui accorder un rang moral il doit le frapper de la
condamnation qu'il mérite.
« La réconciliation est la méthode merveilleuse de Dieu pour justifier,
une fois pour toutes, devant l'univers, son attitude éternelle à l'égard
du péché, par la prise en charge volontaire, dans l'esprit de sacrifice,
de son châtiment. Cela, il le fait dans la personne de Jésus-Christ. Les
faits de la naissance de Christ, de sa vie, de sa mort et de sa résurrection
prennent place dans le domaine de la véritable histoire, et la valeur
morale et l'efficacité propitiatoire de son obéissance parfaite et de sa
mort en sacrifice deviennent un mystérieux élément d'une valeur infinie
dans le cours de rajustement des relations du pécheur avec son Dieu.
« Christ est accepté par Dieu comme substitut. Le mérite de son obéissance
et la dignité élevée de son sacrifice sont tous deux utiles à la foi.
Le pécheur humble, repentant et conscient de son indignité, accepte
Christ comme son rédempteur, son intercesseur, son sauveur, et en toute
simplicité croit en lui, confiant dans ses assurances et ses promesses,
basées comme elles le sont, sur son intervention dans la réconciliation
; il reçoit alors de Dieu comme don de l'amour souverain tous les
avantages de l’œuvre médiatrice de Christ. Telle est la manière pour
Dieu d'atteindre le but du pardon et de la réconciliation. Telle est sa
manière d'être lui-même juste tout en accomplissant pourtant la
justification du pécheur. Ici encore, nous avons le mystère de la
sagesse dans sa démonstration la plus auguste.
« Tel est le cœur de l'évangile. Il palpite d'un amour mystérieux
; il bat avec les douleurs ineffables de la guérison divine ; il a un
rapport vital avec le système tout entier de gouvernement ; dans ses
activités cachées, il échappe à l'examen de la raison humaine, mais il
fait couler le sang vital à travers l'histoire et il donne au
christianisme sa vitalité excellente et sa vigueur impérissable. C'est
parce que le christianisme élimine le péché du problème que sa
solution est complète et définitive.
« Le christianisme doit parler au nom de Dieu. C'est à Dieu qu'il doit
son existence, et le secret profond de sa dignité et de sa puissance est
qu'il révèle Dieu. Ce serait pour le christianisme de l'effronterie que
de parler simplement sous sa propre responsabilité, ou même au nom de la
raison. Il n'a aucune philosophie d'évolution à propager. Il a,
de la part de Dieu, un message à délivrer. Il n'est pas en lui-même une
philosophie ; il est une religion. Il n'est pas né de la terre ; il
est l'ouvrage de Dieu. Il ne vient pas de l'homme, mais de Dieu, et il est
intensément vivant de sa puissance, actif de son amour, bienveillant de
sa bonté, rayonnant de sa lumière, chargé de sa vérité, envoyé avec
son message, inspiré de son énergie, rempli de sa sagesse, animé du don
de guérison spirituelle et fort de sa suprême autorité.
« Il a une mission parmi les hommes, toutes les fois qu'il les
rencontre et en quelque lieu que ce soit, ce qui est aussi sublime que la
création, aussi merveilleux que l'existence spirituelle et aussi rempli
de signification mystérieuse que l'éternité. Il trouve son foyer autant
que son centre de rayonnement dans la personnalité de son grand révélateur
et instructeur que tous les doigts de lumière désignaient avant son avènement
et duquel, depuis son incarnation, a resplendi toute la clarté du jour.
« Son esprit est plein de sincérité naturelle, de majestueuse dignité
et de tendre désintéressement. Il vise à donner une bénédiction plutôt
qu'à soutenir une comparaison. Il est moins soucieux de se défendre que
d'accorder ses bienfaits. Il est moins préoccupé à s'assurer l'honneur
suprême pour lui-même qu'à, gagner le chemin du cœur. Il ne cherche
pas à railler, à dénigrer ou à humilier son rival, mais plutôt à le
soumettre par l'amour, à l'attirer par sa propre excellence et à, le
supplanter par la vertu de sa propre supériorité incomparable. De lui-même,
il est incapable d'avoir un esprit de rivalité, à cause de son propre
droit indiscutable de régner. Il n'a que faire du sarcasme, il peut se
passer du mépris, il ne porte aucune arme de violence, il ne s'adonne pas
à la discussion, il est incapable de fourberie ou de tromperie, et il répudie
l'hypocrisie de langage. Il compte toujours sur son propre mérite intrinsèque,
et base toutes ses affirmations sur son droit à être entendu et honoré.
« Son témoignage des miracles est plutôt une exception qu'une règle.
Le miracle était un signe pour aider la foi faible. C'était une
concession faite dans l'esprit de condescendance. Les miracles suggèrent
la miséricorde tout autant qu'ils proclament la majesté. Lorsque nous
considérons les sources illimitées de puissance divine, et la facilité
avec laquelle des signes et des prodiges eussent pu être multipliés dans
une variété et une force déconcertantes, nous avons le sentiment d'une
sévère conservation de puissance et un net refus de spectaculaire. Le
mystère de l'histoire chrétienne est la parcimonie avec laquelle le
christianisme a utilisé ses ressources. Cela constitue, pour la foi, une
épreuve souvent douloureusement sévère, de remarquer le visible manque
d'énergie et d'élan, de force irrésistible dans les progrès
apparemment lents de notre sainte religion, [Il doit en être nécessairement
ainsi pour ceux qui ne sont pas encore arrivés à comprendre le divin
plan des Ages].
« Sans doute Dieu a-t-il ses raisons, mais en attendant, nous ne pouvons
que discerner dans le christianisme un esprit de réserve mystérieuse, de
prodigieuse patience, de voix mise en sourdine et de contrainte voulue. Il
ne « crie pas et il n'élève pas la voix et il ne la fait pas entendre
dans la rue ». Des siècles s'écoulent, le christianisme n'atteint que
des portions de la terre, mais tout ce qu'il touche, il le transfigure. Il
semble mépriser les accessoires matériels et ne compte comme victoires
dignes d'être remportées que celles qui le sont par le contact spirituel
avec l'âme individuelle. Son rapport avec d'autres religions a été
caractérisé par une réserve exceptionnelle, et ses progrès ont été
marqués par une dignité sans ostentation en accord avec l'attitude
majestueuse de Dieu son auteur.
« Nous avons donc raison de parler de l'esprit de ce message comme étant
totalement exempt du vulgaire sentiment de rivalité, entièrement au-dessus
de l'emploi de méthodes spectaculaires ou faussement attrayantes,
infiniment étranger à tous les simples expédients ou à l'effet
dramatique, entièrement libre d'affectation ou de duplicité d'esprit, ne
se souciant pas d'alliance avec le pouvoir mondain ou le renom social,
recherchant davantage une place d'influence dans un cœur humble qu'un siège
de puissance sur un trône royal, entièrement absorbé à, revendiquer
l'affectueuse allégeance de l'âme et à s'assurer la transformation
morale du caractère, afin que son propre esprit et ses principes puissent
gouverner la vie spirituelle des hommes.
« Le christianisme parle donc aux autres religions avec une franchise et
une simplicité sans réserve, basées sur son propre droit incontestable
d'être entendu. Il reconnaît l'indubitable sincérité de la conviction
personnelle et l'ardeur intense du combat moral dans le cas de nombreuses
âmes réfléchies qui, à l'instar des Athéniens du temps jadis,
« l'adorent dans l'ignorance » ; il avertit et persuade et ordonne
comme il en a le droit ; il parle comme le fit Paul sur la colline de Mars
en présence des païens cultivés, de ce jour fixé dans lequel le monde
doit être jugé, et de « cet homme » par qui il doit être jugé ; il répète
et répète encore son appel invariable et inflexible à la repentance ;
il réclame l'acceptation de ses règles morales ; il exige la soumission,
la loyauté, la révérence et l'humilité.
« Tout ceci, il le fait avec une expression magnifique et résolue
d'insistance tranquille. Il impose souvent son affirmation par
l'argumentation, la supplication et la sollicitation affectueuse ;
cependant, dans tout cela et au travers de tout cela, on doit discerner
une expression claire, éclatante d'insistance sans compromis, révélant
cette volonté personnelle suprême qui a donné naissance au
christianisme, et au nom de laquelle ce dernier parle toujours. Il
transmet son message avec un air de confiance paisible et de tranquille maîtrise.
Nul souci de préséance, nul soin spécial pour l'apparence, nulle
possibilité d'être secondé, nul esprit grossier de rivalité. Au
contraire, il s'exprime avec la persuasion intime de cette suprématie
simple, naturelle, incomparable, infinie qui désarme promptement la
rivalité, et à la fin provoque l'admiration et impose la soumission des
cœurs exempte de malice et de ruse ».
Parmi ces nobles discours pour la défense de la vérité, il y eut également
celui du Comte Bernstorff d'Allemagne. Il déclara :
« J'ai confiance que personne ici ne considère sa propre religion avec légèreté
[bien qu'il apprit certainement le contraire avant la clôture du Congrès.
Ceci fut dit à son début]. En ce qui me concerne, je déclare que je
suis ici en simple chrétien évangélique, et que je n'aurais mis un pied
dans ce Congrès si j'avais pensé qu'il ne signifiait rien d'autre qu'un
consentement sur l'idée que toutes les religions sont pareilles, et qu'il
est simplement nécessaire d'être sincère et droit. Je ne peux consentir
à rien de ce genre. Je crois que seule la Bible est vraie, et que le
christianisme protestant est la seule vraie religion. Je ne désire
aucun compromis d'aucune sorte.
« Nous ne pouvons nier que nous qui sommes dans ce Congrès, sommes séparés
par de grands et importants principes. Nous admettons que ces différences
ne peuvent être rapprochées, mais nous sommes réunis en croyant que
chacun a le droit d'avoir sa foi. Vous invitez chacun à venir ici comme
un sincère défenseur de sa propre foi. Pour ma part, je me tiens devant
vous avec le même désir que celui qui animait Paul alors qu'il se tenait
devant les représentants de la cour romaine et devant Agrippa, le roi
juif. Plût à Dieu que tous ceux qui m'entendent aujourd'hui fussent à
la fois presque et tout à fait comme je suis. Je ne peux dire « hormis
ces liens ». Je remercie Dieu d'être libre, sauf pour tous les défauts
et les imperfections qui sont en moi et qui m'empêchent d'embrasser mon credo
comme j'aimerais le faire.
« Mais alors, pourquoi nous réunissons-nous, si nous ne pouvons montrer
de la tolérance ? Eh bien ! le terme tolérance est employé de différentes
manières. Si les paroles du Roi Frédéric de Prusse, « dans mon
pays, chacun peut aller au ciel à sa propre manière » sont employées
comme une maxime de science politique, nous ne pourrions jamais
trop l'approuver. Quelle effusion de sang, quelle cruauté auraient été
épargnées dans le monde si elle avait été adoptée ! Mais si elle est
l'expression de l'indifférence religieuse qui prévaut pendant ce
dernier siècle et à la cour du monarque qui était l'ami de
Voltaire, alors nous ne devons pas l'accepter.
« Dans son épître aux Galates, Saint Paul rejette toute autre doctrine,
même si elle était enseignée par un ange du ciel. Comme chrétiens,
nous sommes des serviteurs de notre Maître, le Sauveur vivant. Nous
n'avons aucun droit de compromettre la vérité qui nous est confiée,
soit en la considérant à la légère, soit en taisant le message qu'il
nous a donné pour les humains. Mais nous sommes rassemblés, chacun de
nous désirant gagner les autres à son propre credo. Ce Congrès ne
sera-t-il pas un Congrès de guerre plutôt que de paix ? Ne va-t-il pas
nous éloigner les uns des autres au lieu de nous rapprocher ? Je ne le
pense pas, si nous maintenons la vérité que nos grandes doctrines
vitales ne peuvent être défendues et propagées que par des moyens
spirituels. Une lutte ouverte avec des armes spirituelles ne doit pas
brouiller les combattants ; au contraire, elle les rapproche souvent.
« Je pense que cette conférence aura agi suffisamment pour
graver à jamais son souvenir sur les feuillets de l'histoire si ce grand
principe [la liberté religieuse] est adopté par tous. Une lueur point
dans chaque cœur, et le dix-neuvième siècle nous a apporté beaucoup de
progrès à ce point de vue ; pourtant, nous risquons d'entrer dans le
vingtième siècle avant que le grand principe de la liberté religieuse
ait trouvé une acceptation universelle ».
En contraste frappant avec l'esprit général du Congrès, fut également
le discours de M. Grant, du Canada. Il déclara :
« Il me semble que nous devrions ouvrir ce Congrès des religions, non
avec le sentiment que nous accomplissons une grande chose, mais avec des
sentiments humbles, en confessant de tout notre cœur nos péchés et nos
échecs. Pourquoi les habitants du monde n'ont-ils pas reçu la vérité ?
C'est notre faute. L'apôtre Paul, se reportant à l'époque où Dieu
guida si merveilleusement son peuple, en arriva à discerner la clef de
toutes les maximes de l'histoire de ce dernier : l'Éternel a étendu tout
le jour ses mains vers un peuple rebelle et contredisant : bien qu'il y
ait toujours eu un petit nombre de justes, Israël, en tant que nation, ne
comprit pas l'Éternel et, de
ce fait, ne put comprendre la merveilleuse mission qui lui avait été
confiée.
« Si Saint Paul était ici aujourd'hui, ne ferait-il pas la même triste
confession touchant le dix-neuvième siècle de la chrétienté ? Ne
dirait-il pas que nous nous sommes enorgueillis de notre christianisme, au
lieu de le laisser nous humilier et nous crucifier ? Ne dirait-il pas
aussi que nous nous sommes enflés de posséder le christianisme au lieu
de lui permettre qu'il nous possède ? Ne dirait-il pas que nous avons séparé
le christianisme d'avec l'ordre moral et spirituel du monde, au lieu de
comprendre que c'est le christianisme qui doit le pénétrer, l'interpréter,
le compléter et l'éprouver, et qu'ainsi nous avons caché sa gloire et
obscurci sa puissance ? Tout le long du jour notre Sauveur a dit : « J'ai
étendu mes mains vers un peuple désobéissant et contredisant ».
Mais la seule condition indispensable de succès, c'est que nous
reconnaissions la cause de notre échec, que nous la confessions dans un
esprit humble, simple, repentant et obéissant, et qu'avec un courage et
une foi indomptables et dignes de l'Occident, nous allions de l'avant et
agissions autrement ».
Si de tels sentiments avaient au moins trouvé un écho dans ce grand
Congrès ! Mais, hélas ! Il n'en fut rien. Au contraire, il se caractérisa
par beaucoup d'orgueil en se vantant des « merveilleux progrès
religieux au dix-neuvième siècle ». La première impression du
Comte Bernslorff fut justifiée, car, en effet, il y eut de graves
compromissions de la doctrine et des principes chrétiens. C'est ce que
l’on vit dans les sessions subséquentes du Congrès.
CONTRASTE ENTRE LES
ATTITUDES CATHOLIQUE, PAÏENNE
ET LE CHRISTIANISME
PROTESTANT
L'attitude assurée et positive du catholicisme et des diverses religions
païennes était en contraste manifeste avec le scepticisme du
christianisme protestant. Aucune phrase ne fut prononcée par aucun
d'entre eux contre l'autorité de leurs livres sacrés ; ils louèrent et
recommandèrent leur religion, tandis qu'ils écoutèrent avec surprise
les discours sceptiques et incrédules des chrétiens protestants contre
la religion chrétienne et contre la Bible pour lesquelles les païens
eux-mêmes montraient le plus grand respect.
Comme preuve de la surprise des étrangers lorsqu'ils apprirent cet état
de choses parmi les chrétiens, nous citons ce qui suit du discours publié
de l'un des délégués du Japon à une grande réunion tenue à Yokohama
pour fêter leur retour et entendre leur rapport. L'orateur déclara :
« Lorsque nous reçûmes l'invitation d'assister au Congrès des
Religions, notre organisation bouddhiste ne voulut pas nous envoyer comme
ses représentants. La grande majorité croyait à une mesure adroite de
la part des chrétiens pour nous avoir là-bas et ensuite pour nous
tourner en ridicule ou pour essayer de nous convertir. En conséquence,
nous y allâmes en simples particuliers. Mais ce fut une merveilleuse
surprise qui nous attendait. Nos idées étaient toutes fausses. Le Congrès
était convoqué parce que les nations occidentales en sont arrivées à
discerner la faiblesse et l'absurdité du christianisme, et elles
souhaitaient réellement nous entendre parler de notre religion, et
apprendre ainsi quelle est la meilleure religion. Il n'y a dans le monde
aucun pays meilleur que l'Amérique pour propager les enseignements du
bouddhisme. En Amérique, le christianisme n'est qu'un agrément de la
société. Il n'est vraiment cru que par très peu de gens. La grande
majorité des chrétiens boivent et commettent divers péchés grossiers,
et ont une vie très dissolue, bien que le christianisme soit une croyance
très répandue et qu'elle serve d'agrément social. Son manque
d'influence prouve sa faiblesse. Les assemblées manifestèrent la grande
supériorité du bouddhisme sur le christianisme, et le simple fait de
convoquer les réunions montra que le peuple américain et les autres
peuples occidentaux avaient perdu leur foi dans le christianisme et étaient
prêts à accepter les enseignements de notre religion supérieure ».
Il n'est pas surprenant qu'à la clôture des discours, un chrétien
japonais ait déclaré : « Comment des chrétiens américains ont-ils pu
commettre une si grande faute en tenant un tel rassemblement et porter préjudice
au christianisme comme ces réunions le feront au Japon ? ».
Ceux qui sont au courant de l'histoire savent quelque chose de cette
grande puissance antichrétienne, l'église de Rome, dont les protestants
recherchent si ardemment l'affiliation ; ceux qui gardent les yeux ouverts
sur ses activités présentes, savent que son cœur et son caractère sont
toujours inchangés. Ceux qui sont quelque peu informés savent bien que
l'église catholique grecque a soutenu et approuvé, si vraiment elle n'en
a pas été l'instigatrice, la persécution russe des Juifs, des «
Stundists » et de tous les autres chrétiens qui, se réveillant de
l'aveuglement et de la superstition de l'église catholique grecque,
cherchent et trouvent Dieu et la vérité par l'étude de sa Parole. Les
persécutions incitées par les prêtres catholiques grecs et poursuivies
par la police sont du genre le plus cruel et le plus révoltant. Mais néanmoins,
on recherche très ardemment l'union et la coopération avec ces deux systèmes,
les églises catholiques romaine et grecque, comme aussi avec toutes les
formes de superstition et d'ignorance païennes.
LES ÉPAISSES TÉNÈBRES DU
PAGANISME
AVEC LESQUELLES DES CHRÉTIENS
DÉSIRENT FAIRE ALLIANCE
Des chrétiens désirent maintenant la coopération et la sympathie du
paganisme. Nous pouvons nous faire une idée des épaisses ténèbres de
ce paganisme d'après la réplique indignée que fit le Dr. Pentecost aux
critiques que certains des étrangers, adressèrent, au christianisme et
aux missions chrétiennes. Il déclara :
« Je trouve regrettable que l'on fasse tendre toutes choses à faire dégénérer
les discussions de ce Congrès en une suite d'accusations et de récriminations
; néanmoins, nous chrétiens, nous sommes restés assis patiemment pour
écouter une série de critiques que certains représentants des religions
de l'Orient ont adressées au christianisme touchant ses résultats. Par
exemple, les bouges de Chicago et de New York, la perversité sans nom qui
s'étale aux yeux mêmes des étrangers qui sont nos hôtes ; la licence,
l'ivrognerie, les querelles, les assassinats, les crimes d'une certaine
classe nous ont été attribués. Les fautes commises par les Parlements
et les gouvernements tant en Angleterre qu'en Amérique ont été mis sur
le compte du christianisme. Le commerce de l'opium, le trafic du rhum, les
violations de traités, les lois barbares et inhumaines contre les Chinois,
etc., tout a été mis sur le compte de l'église chrétienne. [Mais si
les chrétiens prétendent que ces nations sont des nations chrétiennes,
peuvent-ils raisonnablement blâmer ces représentants païens de penser
et de les juger en conséquence ?].
« Il semble à peine nécessaire de dire toutes ces choses, l'immoralité,
l'ivrognerie, les crimes, le manque de fraternité, et la rapacité de ces
divers trafics néfastes que nos pays ont introduits en Orient n'ont rien
à voir avec le christianisme. [Si, si ces nations sont des nations chrétiennes.
En affirmant qu'elles le sont, l'église est responsable de leurs péchés
; c'est donc à juste titre qu'on l'en accuse]. l'Église de Christ
travaille nuit et jour à corriger et à abolir ces crimes. C'est d'une
voix unanime que l'église chrétienne condamne le trafic de l'opium,
celui de l'alcool, les lois oppressives contre les Chinois et toutes les
formes de vice et de cupidité dont se plaignent nos amis orientaux.
« Nous consentons à être critiqués, mais quand je rappelle le fait que
ces critiques viennent en partie de messieurs qui représentent un système
de religion dont les temples, servis par les castes les plus élevées de
prêtres brahmanes, sont les cloîtres autorisés et établis d'un système
d'immoralité et de débauche sans parallèle en aucun pays occidental, je
sens que garder le silence devant ces critiques serait les accepter. Je
pourrais vous emmener dans dix mille temples, plus ou moins — plutôt
plus que moins — dans toutes les parties de I'Inde, auxquels sont attachées
deux à quatre cents prêtresses, dont les vies ne sont pas toutes ce
qu'elles devraient être.
« J'ai vu cela de mes propres yeux, et personne ne le nie en Inde.
Si vous en parlez aux Brahmanes, ils vous diront que c'est une partie de
leur système concernant le commun peuple. Retenez bien que ce système
est l'institution autorisée de la religion hindoue. Il n‘est que de
regarder les abominables sculptures sur les temples, à la fois des
Hindous et des Bouddhistes, les symboles hideux des anciens systèmes
phalliques qui sont les objets les plus populaires adorés dans l'Inde,
pour être impressionné par la corruption des religions. Retenez bien que
ces dernières ne sont pas seulement tolérées, mais établies, dirigées
et dominées par les prêtres de la religion. Seuls les peintures et
portraits indécents de l'ancienne Pompéi égalent en obscénité les
choses qui sont à la vue de tous dans les temples de l'Inde et autour de
leurs entrées.
« Il semble un peu pénible que nous devions supporter les critiques
que ces représentants de l'hindouisme font contre la partie impie des
pays occidentaux, alors qu'ils vivent dans des énormes maisons de verre
comme celles-ci, chacune d'elles étant érigée, protégée et défendue
par les conducteurs de leur propre religion.
« Nous avons entendu beaucoup parler de la « paternité de Dieu et de la
fraternité de l'homme » comme étant l'une des doctrines
essentielles des religions orientales. En fait, je n'ai jamais été
capable de trouver — et j'ai mis au défi d'en produire un dans l'Inde
entière — un seul texte dans l'une quelconque des littératures
hindoues qui justifie ou même suggère la doctrine de la « paternité de
Dieu et de la fraternité de l'homme ». C'est là un pur plagiat aux dépens
du christianisme. Nous nous réjouissons qu'ils l'aient adoptée et
assimilée. Comment un Brahmane qui considère tous les hommes d'une caste
inférieure, et spécialement les pauvres parias avec un esprit de dégoût,
et les estime comme appartenant à un ordre différent d'êtres, provenant
de singes et de démons, peut-il oser nous dire qu'il croit en la paternité
de Dieu et en la fraternité de l'homme ? Si un Brahmane croit en la
fraternité de l'homme, pourquoi refuse-t-il les aménités sociales et
l'hospitalité ordinaire aux hommes des autres castes, aussi bien qu'à
ses frères occidentaux qu'il étreint si magnifiquement dans les bras
condescendants de sa doctrine
trouvée depuis peu de la paternité de Dieu et de la fraternité de
l'homme ?
« S'il y a une fraternité quelconque de l'homme en Inde, l'observateur
le plus distrait ne peut hésiter à dire qu'il n'y a pas de fraternité
touchant les sœurs qui soit reconnue d'eux. Que les horreurs sans nom,
dont les femmes hindoues de l'Inde sont les victimes, répondent à cette
déclaration.
« Jusqu'à ce que le gouvernement anglais ait renversé d'une main ferme
l'ancienne institution religieuse hindoue de Suttee [veuve hindoue —
Trad.], chaque année, des centaines de veuves hindoues se jetaient de bon
cœur sur le bûcher funéraire de leur mari mort, embrassant ainsi les
flammes qui brûlaient leur corps plutôt que de se livrer aux horreurs
sans nom et à l'enfer vivant du veuvage hindou. Que nos amis hindous nous
disent ce que leur religion a fait pour la veuve hindoue, et en
particulier pour l'enfant veuve avec sa tète rasée comme une criminelle,
dépouillée de ses ornements, vêtue de haillons, réduite à une
position d'esclave pire que celle que nous pouvons concevoir, devenue le
souffre-douleur de la famille, et souvent vouée à des usages pires
encore et sans nom. C'est à cet état et à cette condition que se trouve
réduite la pauvre veuve sous la sanction de l'hindouisme. Il y a deux années
seulement, on demanda au gouvernement britannique de voter une nouvelle
loi sévère élevant « l'âge de consentement » à douze ans, âge où
il était légal pour un hindou de consommer les rapports de mariage avec
sa femme-enfant. Les hôpitaux chrétiens, remplis de petites filles abusées
à peine sorties de leur enfance, devinrent un fait si outrageant que le
gouvernement dut intervenir pour arrêter ces crimes qui étaient perpétrés
au nom de la religion. L'agitation fut si grande à ce sujet en Inde qu'on
craignit comme imminente une révolution religieuse qui aurait presque
tourné en soulèvement.
« Nous avons été critiqués par nos amis orientaux nous reprochant de
juger avec un jugement ignorant et prévenu, parce qu'au début de ce
Congrès, un défi fut lancé auquel cinq personnes seulement furent
capables de dire qu'elles avaient lu la Bible de Bouddha ; dès lors, on
supposa que notre jugement était ignorant et injuste. On aurait pu lancer
le même défi en Birmanie ou à Ceylan, et en dehors de la prêtrise, il
est presque permis de dire qu'il y aurait eu moins de cinq personnes qui
auraient été capables de dire qu'elles avaient lu leurs propres écritures.
Les Badas des Hindous sont des objets d'adoration. Personne sauf un Brahme
ne peut les enseigner, encore moins les lire. Avant que les missions chrétiennes
n'aillent en Inde, le sanscrit était pratiquement une langue morte. Si
les écritures indiennes ont été enfin traduites dans la langue indigène
ou donnée aux nations occidentales c’est parce que les missions chrétiennes
et des érudits occidentaux les ont redécouvertes, déterrées, transportées
et apportées à la lumière du jour. La somme des Écritures en sanscrit
connue par l'Indien ordinaire qui a reçu une instruction occidentale
n'est constituée que de ces portions qui ont été traduites en anglais
ou en langue indigène par des érudits européens ou occidentaux. Le
commun peuple, c'est-à-dire les 99 % des Hindous ne connaît que la
tradition. Mettons cette exclusivité d'inertie de la part de ces
religions indiennes en contraste avec le fait que le chrétien a traduit
sa Bible en plus de trois cents langues et dialectes, et qu'il l'a répandue
à des centaines de millions d'exemplaires parmi les nations, langues et
peuples de la terre. Nous recherchons la lumière, mais il semblerait que
les Bibles de l'Orient aiment les ténèbres plutôt que la lumière parce
qu'elles ne supportent pas cette lumière publiée dans l'univers.
« L'hindouisme nouveau et meilleur de nos jours est un développement
accompli sous l'influence de l'ambiance chrétienne, mais il n'a pas
encore atteint le niveau éthique que lui donne le droit de donner à l'église
chrétienne une leçon de moralité. Jusqu'à ce que l'Inde ait purgé ses
temples d'une souillure pire que celle d'Augias, et que ses pandits et ses
prêtres aient désavoué et stigmatisé les actes horribles commis au nom
de la religion, qu'elle soit modeste quand elle proclame la moralité aux
autres nations et aux autres peuples ».
DES RÉFORMATEURS PAÏENS
CHERCHENT DIEU
Tandis que, dans ses représentants, la chrétienté se tenait devant ceux
du monde païen, orgueilleuse de ses progrès religieux et ne sachant pas
qu'elle était « pauvre et aveugle, et misérable et nue » (Apoc. 3
: 17), le contraste était très grand d'une recherche évidente de Dieu
de la part de certains païens ; d'autre part, la finesse avec laquelle
ils discernaient et d'une manière indirecte critiquaient les
contradictions des chrétiens, mérite d'être soulignée d'une façon
toute spéciale.
Deux discours habiles prononcés par des représentants hindous nous
donnent quelque idée du remarquable mouvement en Inde, des ténèbres
dans les pays païens, et aussi de l'influence de notre Bible que les
missionnaires y portent. La Bible a accompli une œuvre
qui n'a pu être détruite bien qu'elle
ait été gênée par les credo contradictoires qui l'accompagnent et prétendent
l'interpréter. Nous apprenons qu'au Japon existent des conditions
semblables. Ci-dessous, nous ajoutons des extraits de trois discours
remarquables pour leur évidente sincérité, leur profondeur et leur
expression limpide, et qui montrent l'attitude très sérieuse de réformateurs
païens qui cherchent après Dieu, s'ils pourraient en quelque sorte le
toucher en tâtonnant et le trouver.
UNE VOIX DE L'INDE NOUVELLE
M. Mozoomdar s'adressa à l'assemblée en ces termes :
M. LE PRÉSIDENT, MM. LES REPRÉSENTANTS DES NATIONS ET DES RELIGIONS :
Le Brahmo Somaj de l'Inde que j'ai l'honneur de représenter, est une
nouvelle société ; notre religion est une nouvelle religion, mais elle
vient d'une lointaine, très lointaine antiquité, des racines mêmes de
notre vie nationale, il y a des centaines de siècles.
« Il y a soixante-trois ans, tout le pays de l'Inde était rempli
d'une immense clameur. Le grand bruit discordant d'un polythéisme hétérogène
déchirait le silence du ciel. Les pleurs des veuves, que dis-je, bien
plus lamentables les cris de ces misérables femmes qui devaient être brûlées
sur les bûchers funéraires de leurs maris morts, profanaient la sainteté
de la terre de Dieu. Nous avions la déesse bouddhiste du pays, la mère
du peuple, aux dix mains, tenant dans chaque main les armes pour défendre
ses enfants. Nous avions la déesse blanche du savoir, jouant sur sa Vena,
instrument de musique à cordes, les cordes de la sagesse. La déesse de
la bonne fortune, tenant dans ses bras, non la corne mais le panier
d'abondance, bénissant les nations de l'Inde, s'y trouvait aussi ; et le
dieu à la tête d'éléphant, et le dieu à califourchon sur un paon, et
les trente-trois millions de dieux et de déesses en plus. J'ai ma
conception personnelle sur la mythologie de l'hindouisme, mais ce n'est
pas le moment d'en discuter.
Parmi le vacarme et le fracas de ce polythéisme et du mal social, parmi
toutes les ténèbres de l'époque, se dressa un homme, un pur brahmane de
naissance et d'éducation, qui s'appelait Raja Ram Dohan Roy. Avant de
devenir un homme, il écrivit un livre pour prouver la fausseté de tout
polythéisme et la vérité de l'existence du Dieu vivant. Cela attira la
persécution sur sa tête. En 1830, cet homme fonda une société connue
sous le nom de Brahmo-Somaj — la société des adorateurs du seul Dieu
vivant.
« Le Brahmo-Somaj fonda ce monothéisme sur l'inspiration des anciennes
écritures hindoues, les Vedas et les Upanishads.
« Au cours du temps, alors que le mouvement grandissait, les membres
commencèrent à douter de l'infaillibilité réelle des écritures
hindoues. Dans leur âme, ils pensaient entendre une voix qui, tout
d'abord timide, contredisait çà et là les Vedas et les Upanishads.
Quels seront nos principes de théologie ? Sur quels principes notre
religion se tiendra-t-elle ? Le faible ton sur lequel la question fut
d’abord posée, s'amplifia de plus en plus et trouva de plus en plus d'écho
dans la société religieuse naissante jusqu'à devenir le problème le
plus positif sur le plan pratique : sur quel livre toute vraie religion
doit-elle s'appuyer ?
« Rapidement, ils trouvèrent impossible que ce fussent les écritures
hindoues le seul témoignage de la vraie religion. Ils trouvèrent que
bien qu'il y eût des vérités dans les écritures hindoues, ils ne
pouvaient reconnaître ces dernières comme le seul modèle infaillible de
la réalité spirituelle. Aussi, vingt et un ans après la fondation du
Brahmo-Somaj on abandonna la doctrine de l'infaillibilité des écritures
hindoues.
« Vint ensuite une autre question : N'y a-t-il pas d'autres écritures
? Ne vous ai-je pas dit, l'autre jour, que sur le trône impérial de
l'Inde, le christianisme siégeait maintenant, tenant l'Évangile d'une
main et le sceptre de la civilisation de l'autre ? La Bible a pénétré
en Inde. La Bible est le livre que l'humanité ne devrait pas ignorer.
Reconnaissant donc, d'une part, la grande inspiration des écritures
hindoues, nous ne pouvions, d'autre part, reconnaître l'inspiration et
l'autorité de la Bible. En 1861 nous publiâmes un ouvrage dans lequel
des extraits de toutes les écritures furent donnés comme le livre qui
devait être lu au cours de nos dévotions. Ce ne fut pas le missionnaire
chrétien qui attira notre attention sur la Bible ; ce ne furent pas les
prêtres mahométans qui nous montrèrent les excellents passages du Coran
; ce ne fut aucun disciple de Zoroastre qui nous prêcha la grandeur de
son Zend-Avesta, mais il y avait dans nos cœurs le Dieu de réalité
infinie, la source d'inspiration de tous les livres, de la Bible, du Coran,
du Zend-Avesta, qui attira notre attention sur les vertus révélées dans
le récit de l'expérience de sainteté faite partout. C'est par sa
direction et par sa lumière que nous reconnûmes ces faits, et c'est sur
le roc de la réalité durable et éternelle que nous posâmes notre
fondement théologique.
« Était-ce de la théologie sans moralité ? Qu'est l'inspiration de ce
livre ou l'autorité de ce prophète sans la sainteté personnelle, la
propreté de ce temple fait par Dieu ? Peu après que nous eûmes achevé
notre théologie, nous en vînmes à discerner clairement que nous n'étions
pas des hommes bons, des hommes saints à l'esprit pur, et qu'il y avait
d'innombrables choses mauvaises autour de nous, dans nos maisons, dans nos
usages nationaux, dans l'organisation de notre société. En conséquence,
le Brahmo-Somaj se mit à réformer la société. En 1851, le premier «
intermariage » fut célébré. En Inde, un intermariage veut dire le
mariage de personnes appartenant à des castes différentes. La caste est
une sorte de muraille de Chine qui entoure chaque famille et chaque petite
communauté ; aucun homme audacieux, aucune femme audacieuse ne s'égarerait
au-delà de cette muraille. Dans le Brahmo-Somaj, nous demandâmes : «
Est-ce que cette muraille chinoise couvrira à jamais d'opprobre la liberté
des enfants de Dieu ? » Non ! Abattez-la ! Renversez-la !
et partez !
« Ensuite, mon conducteur et honoré ami, Keshub Chunder Sen, prit des
dispositions pour que le mariage entre castes différentes ait lieu. Les
Brahmes furent scandalisés. Des devins hochèrent la tête : même des
dirigeants du Brahmo-Somaj haussèrent les épaules et mirent leurs mains
dans les poches. « Ces jeunes incendiaires », dirent-ils, « vont
mettre le feu à toute la société ». Mais l'« intermariage »
se fit ainsi que le remariage des veuves.
« Savez-vous ce que sont les veuves en Inde ? Une petite fille de dix ou
douze ans vient à perdre son mari avant même qu'elle ait bien connu ses
traits ; depuis cet âge tendre jusqu'au jour de sa mort, elle subira des
pénitences, une vie très austère, misérable, la solitude et la honte
qui vous font trembler en en entendant seulement parler. Je n'approuve pas
ou je ne comprends pas la conduite d'une femme qui se marie une première
fois, puis une seconde fois, puis une troisième fois et une quatrième
— qui se marie autant de fois qu'il y a de saisons dans l'année. Je ne
comprends pas la conduite de tels hommes et de telles femmes. Mais je
pense que lorsqu'une petite enfant de onze ans perd ce que les hommes
appellent son mari, la faire tomber dans la misère de toute une vie de
veuvage et lui infliger des calamités qui déshonoreraient un criminel,
est un acte inhumain dont il n'est pas trop tôt de se débarrasser. D'où,
des « intermariages » et des remariages de veuves. Nous avions ainsi
pris en main le problème de l'amélioration sociale et domestique, et le
résultat fut que très rapidement une rupture se fit dans le Brahmo-Somaj.
Nous, jeunes gens, nous dûmes partir — nous et toute notre réforme
sociale — et nous tirer d'affaire nous-mêmes comme nous le pouvions au
mieux. Lorsque ces réformes sociales furent en partie achevées, survint
une autre question.
« Nous avions remarié la veuve ; nous avions préservé les veuves du bûcher
; mais qu'avions-nous fait de notre pureté personnelle, de la
sanctification de notre propre conscience, de la régénération de notre
âme ? Mais qu'avions-nous fait de notre acceptation devant le terrible
tribunal de Dieu de justice infinie ? La réforme sociale et
l'accomplissement de bonnes œuvres pour
le public ne sont légitimes que s'ils se développent sous le principe
d'application générale de la pureté personnelle et de la sainteté de
l'âme.
« Mes amis, je suis souvent effrayé, je le confesse, lorsque je médite
sur la condition de la société européenne et américaine où vos
activités sont si nombreuses, où votre travail est si étendu que vous
en êtes submergés et que vous avez peu de temps pour prendre en considération
les grandes questions de régénération, de sanctification personnelle,
d'épreuve, de jugement et de l'acceptation devant Dieu. C'est la question
de toutes les questions.
« Après la fin de notre travail de réforme sociale, nous étions amenés
devant le grand sujet : Comment cette nature non régénérée sera-t-elle
régénérée ? Ce temple souillé, quelles eaux le laveront-elles pour
qu'il soit dans une condition nouvelle et pure ? Tous ces mobiles, tous
ces désirs et impulsions mauvaises, les inspirations animales, qu'est-ce
qui y mettra fin et rendra l'homme ce qu'il était, l'enfant immaculé de
Dieu, comme Christ l'était, comme tous les hommes régénérés l'étaient
? Le principe de théologie d'abord, le principe moral ensuite, et en
troisième lieu le spirituel du Brahmo-Somaj : dévotions, repentance, prière,
louange, foi ; s'en remettre entièrement et absolument à l'esprit
de Dieu et à son amour salutaire.
[Ce philosophe païen ne discerne qu'en partie ce qu'est le péché, comme
l'indique l'expression qu'il emploie : « un enfant immaculé de Dieu... comme
tous les hommes régénérés l'étaient ». Il ne voit pas que
même les meilleurs de la race déchue sont loin d'être réellement sans
souillure, immaculés, parfaits ; que, par conséquent, tous ont besoin du
mérite de la perfection de Christ et du sacrifice pour le péché pour
les justifier. Il parle de prières, de foi, etc., et de la miséricorde
de Dieu, mais il n'a pas encore appris que la justice est le fondement à
la base de toutes les transactions de Dieu, et que ce n'est que par le mérite
du sacrifice de Christ que Dieu peut être juste et néanmoins le
justificateur des pécheurs qui croient en Christ, couverts de cette manière
par sa grande réconciliation pour le péché, accompli il y a dix‑huit
siècles — une fois pour toutes — pour être un témoignage rendu à
tous en son propre temps].
« Des aspirations morales ne signifient pas la sainteté un désir
d’être bon ne signifie pas être bon. Le taureau qui transporte
sur son dos quelques centaines de kilos de sucre ne goûte pas la moindre
parcelle de sucre à cause de son fardeau insupportable. Toutes nos
aspirations, tous nos beaux souhaits, tous nos beaux rêves et tous nos
beaux sermons, que nous les écoutions ou que nous les fassions — qu'ils
nous endorment ou que nous les écoutions attentivement — tout cela ne
rendra jamais la vie parfaite. La dévotion seule, la prière, la
perception directe de l'esprit de Dieu, la communion avec lui,
l'humiliation absolue de soi-même devant sa majesté, la ferveur de dévotion,
la stimulation religieuse, le grand intérêt aux choses spirituelles,
vivre et agir en Dieu, voilà le secret de la sainteté personnelle. Et
dans la troisième étape de notre carrière, l'émotion spirituelle, les
longues dévotions, la ferveur intense, la contemplation, l'abaissement
continuel de soi, non pas simplement devant Dieu mais devant l'homme,
devinrent en conséquence la règle de notre vie. Dieu est invisible cela
ne fait de mal à une personne ou ne la rend pas moins respectable si elle
dit à Dieu : « Je suis un pécheur ; pardonne-moi ». Mais
pour faire vos confessions devant l'homme, pour vous abaisser devant vos
frères et vos sœurs, pour essuyer la poussière des pieds des saints
hommes, pour sentir que vous êtes un objet misérable, malheureux dans la
sainte assemblée de Dieu, cela exige un peu d'abaissement de soi, un peu
de courage moral.
« Le dernier principe que j'ai à exposer est la marche progressive du
Brahmo-Somaj.
« Le christianisme proclame la gloire de Dieu l'hindouisme parle de son
excellence infinie et éternelle ; le mahométanisme, par le feu et par le
fer, prouve la toute-puissance de sa volonté ; le bouddhisme dit combien
il est pacifique et joyeux. Il est le Dieu de toutes les religions, de
toutes les dénominations, de tous les pays, de toutes les écritures, et
notre marche progressive consiste à mettre en harmonie ces divers systèmes,
ces divers prophéties et ces divers développements en un seul grand système.
C'est pourquoi le nouveau système de religion dans le Brahmo-Somaj est
appelé la Nouvelle Dispensation. Le chrétien parle du christianisme en
termes d'admiration ; ainsi le fait l'hébreu du judaïsme, le mahométan
du Coran, le disciple de Zoroastre du ZendAvesta. Le chrétien admire
ses principes de culture spirituelle ; l'hindou en fait autant, et le
mahométan aussi.
« Mais le Brahmo-Somaj accepte et harmonise tous ces préceptes,
systèmes, principes, enseignements et disciples, et les amalgame en un
système unique, et c'est là sa religion. Depuis une décade entière,
mon ami, Keshub Chunder Sen, moi-même et d'autres apôtres du
Brahmo-Somaj avons voyagé de village en village, de province en province,
de continent en continent, proclamant cette nouvelle
dispensation et l'harmonie de toutes les prophéties religieuses et
de tous les systèmes religieux à la gloire du seul vrai Dieu vivant.
Mais nous sommes une race asservie ; nous sommes ignorants ;
nous sommes incapables ; nous n'avons pas les ressources d'argent pour que
notre message puisse être entendu des hommes. Au temps convenable, vous
avez convoqué cet auguste Congrès des religions, et le message que nous
ne pouvions propager, vous vous êtes chargés de le propager.
« Je ne viens pas aux sessions de ce Congrès en simple étudiant, ni
comme quelqu'un qui a à justifier sa propre organisation. Je viens en
disciple, en partisan, en frère. Puissent vos travaux être bénis et
prospères, et non seulement votre christianisme et votre Amérique seront
exaltés, mais le Brahmo-Somaj se sentira très exalté, et ce pauvre
homme qui est venu de si loin pour demander votre sympathie et votre bonté
se sentira abondamment récompensé.
« Puisse la propagation de la Nouvelle Dispensation
compter sur vous et faire de vous nos frères et nos sœurs. Représentants
de toutes les religions, puissent toutes vos religions aboutir à la
paternité de Dieu et à la fraternité de l'homme, afin que la prophétie
de Christ puisse s'accomplir, que l'espérance du monde puisse être réalisée
et que l'humanité puisse devenir un royaume unique avec Dieu, notre Père ».
Nous avons ici une déclaration claire de l'objet et des espérances de
ces philosophes visiteurs, et qui pourra dire qu'ils n'ont pas réussi à
saisir des occasions favorables ? Si, devant le Congrès, nous avons
entendu beaucoup parler de la paternité de Dieu et de la fraternité des
hommes non régénérés — sans que soit reconnue la nécessité d'un
Sauveur, d'un Rédempteur, pour faire l'expiation du péché et ouvrir «
un chemin nouveau et vivant [de retour à la famille de Dieu] à travers
le voile, c'est-à-dire sa chair », — nous avons entendu parler
beaucoup plus de la même chose depuis. Si, devant le Congrès, nous avons
entendu parler de la rédemption de la société par des réformes morales,
en opposition à la rédemption par le sang précieux, nous avons depuis
entendu parler plus encore de cette religion sans Christ. C'est la dernière
étape de la chute de ces derniers jours de l'Age de l'Évangile. Elle
continuera et augmentera : les Écritures déclarent qu' « il en
tombera mille à ton côté », et l'apôtre Paul demande avec
insistance : « Revêtez-vous de l'armure complète de Dieu, afin que vous
puissiez tenir ferme dans ce mauvais jour », tandis que Jean
le Révélateur demande d'une manière significative « Qui peut subsister
? ». Le thème tout entier de l'Écriture indique que c'est la
volonté de Dieu qu'une grande épreuve (« test ») vienne
maintenant sur tous ceux qui ont pris le nom de Christ, et que la grande
masse de la classe de l' « ivraie », abandonne toute
profession de foi dans le sacrifice de la rançon, accompli une
fois pour toutes par notre Seigneur Jésus, parce qu'ils n'ont jamais reçu
la vérité dans l'amour de la vérité — 2 Thess. 2 : 10-12.
UNE VOIX DU JAPON
Lorsque Kinza Ringe M. Harai, le savant japonais bouddhiste, lut son
papier sur « La position réelle du Japon à l’égard du
christianisme » les sourcils de certains des missionnaires sur
l'estrade se froncèrent et ils secouèrent, la tête en signe de désapprobation.
Mais le bouddhiste lança ses reproches incisifs contre les faux chrétiens
qui avaient tant fait pour gêner l’œuvre de propagation de l'Évangile
au Japon. Il déclara :
« Il y a très peu de pays au monde qui soient aussi mal compris que
ne l'est le Japon. Parmi les innombrables jugements injustes, on représente
spécialement sous un faux jour la pensée religieuse de mes compatriotes,
et l'on condamne la nation entière comme étant païenne. Qu'elle soit païenne
ou quelque chose d'autre, c'est un fait que, depuis le commencement de
notre histoire, le Japon a reçu tous les enseignements avec un esprit
ouvert ; c’est un fait également que les instructions qui sont venues
du dehors se sont mêlées à la religion du pays en complète harmonie,
comme on le voit par tant de temples édifiés au nom de la vérité avec
une appellation mixte de bouddhisme et de shintoïsme ; on le voit aussi
par l'affinité parmi les instructeurs du Confucianisme et du Taoïsme, ou
d' autres ismes et les bouddhistes et les prêtres du Shinto, comme on le
voit également par les Japonais pris individuellement qui rendent hommage
à tous les enseignements désignés ci-dessus ; on peut le voir encore
par la construction particulière des maisons
japonaises qui possèdent généralement deux chambres, l'une pour
un temple bouddhiste en miniature et l'autre pour un petit sanctuaire
shinto devant lesquels la famille étudie les
écritures respectives des deux religions. En réalité, la
religion synthétique est la spécialité japonaise, et je n'hésiterai
pas à l'appeler le Japonisme.
« Mais vous allez protester et dire : « Pourquoi donc le
christianisme n'est-il pas aussi chaleureusement accepté par votre nation
que d'autres religions ? » C'est là, le point que je désire tout
spécialement vous présenter. Il y a deux causes pour lesquelles le
christianisme n'est pas aussi cordialement accepté. Cette grande religion
fut largement répandue dans notre pays, mais en 1637 les missionnaires
chrétiens, unis aux convertis, provoquèrent une tragique et sanglante rébellion
contre le pays, et l'on comprit que ces missionnaires avaient l'intention
d'assujettir le Japon à leur propre pays natal. Cela choqua le Japon, et
il fallut un an au gouvernement du Shogun pour réprimer cette terrible
et importune agitation. A ceux qui nous accusent que notre mère patrie a
interdit le christianisme, non actuellement mais dans le passé je répondrai
que ce ne fut pas par antipathie religieuse ou raciale, mais pour prévenir
une autre insurrection, et pour protéger notre indépendance, nous fûmes
obligés d'interdire la propagation des évangiles.
« Si notre histoire n'avait pas eu le souvenir d'une dévastation étrangère
accomplie sous le couvert de la religion, et si notre peuple n'avait pas
conservé par hérédité une horreur et un préjugé contre le nom de
christianisme. celui-ci aurait pu être embrassé avec empressement par la
nation entière. Mais cet incident est du passé, et nous pouvons
l'oublier. Cependant, il est assez raisonnable de penser que, dans la
mentalité orientale, le christianisme soit gravement soupçonné (vous
appellerez peut-être cela de la superstition) d'être un instrument de déprédation,
si l'on admet le fait que certaines des puissantes nations de la chrétienté
empiètent graduellement sur l'Orient et que la circonstance dont je vais
parler, frappe chaque jour notre esprit et ranime le souvenir très vif de
l'événement historique du passé. La circonstance dont je vais parler
est l'expérience que nous faisons actuellement ; je la porte spécialement
à l'attention de ce Congrès, et non seulement de ce Congrès, mais également
de toute la chrétienté.
« Depuis 1853, lorsque le Commodore Perry vint au Japon comme ambassadeur
du Président des États-Unis d'Amérique, notre pays commença à être
mieux connu de toutes les
nations occidentales, les nouveaux ports furent largement ouverts et
l'interdiction des évangiles fut abolie, comme cela était avant la rébellion
chrétienne. Par la convention de Yédo, aujourd'hui Tokyo en 1858,
l'accord fut signé entre l'Amérique et le Japon, et aussi avec les
puissances européennes. A l'époque, notre pays était encore sous un
gouvernement féodal, et comme nous avions été à l'écart plus de deux
siècles depuis la rébellion chrétienne de 1637, la diplomatie était
tout à fait une expérience nouvelle pour les officiels féodaux qui
mirent toute leur confiance dans les nations occidentales et acceptèrent,
sans aucune modification, chaque article du traité présenté par les
gouvernements étrangers. D'après ce traité, nous sommes dans une
situation très désavantageuse, et parmi les autres articles, il y en a
deux très importants qui nous privent de nos droits et de nos avantages.
L'un concerne l'exterritorialité des nations occidentales au Japon, par
laquelle toutes les affaires de droit, soit de propriété ou de personne,
s'élevant entre les sujets des nations occidentales dans mon pays aussi
bien qu'entre eux et les Japonais, sont soumises à la juridiction des
autorités des nations occidentales. Un autre article concerne le tarif
douanier qu'à l'exception de 5 % ad valorem, nous n'avons aucun
droit de prélever une taxe là où on pourrait le faire légitimement.
« Il est également stipulé que l'une ou l'autre des parties
contractantes de ce traité peut, après un préavis d'une année donné
à l'autre, demander une révision le 1er juillet 1872 ou après.
En conséquence, en 1871, notre gouvernement demanda une révision, et
depuis lors, nous l'avons constamment sollicitée, mais les gouvernements
étrangers ont simplement ignoré nos demandes, en prétextant beaucoup
d'excuses. Une partie du traité entre les États-Unis d'Amérique et le
Japon concernant le tarif douanier, fut annulée, ce dont nous remercions
avec une sincère gratitude la bonne nation américaine, mais je regrette
de dire que, aucune nation européenne n'ayant suivi l'exemple de l’Amérique
à cet égard, notre droit au tarif douanier demeure dans la même
condition qu'auparavant.
« Nous n'avons aucun pouvoir judiciaire sur les étrangers au Japon, et
la conséquence naturelle de cela est que nous subissons des dommages légaux
et moraux dont on peut voir constamment les comptes rendus dans nos
propres journaux. Comme les peuples occidentaux vivent loin de nous, ils
ne connaissent pas exactement les faits. Il est probable que, de temps en
temps, ils entendent les rapports des missionnaires et de leurs amis au
Japon. Je ne nie pas que leurs
rapports soient vrais, mais si quelqu'un désire obtenir des
renseignements sans erreur possible concernant son ami, il doit entendre
de nombreux côtés, les opinions à son sujet. Si vous examinez de près,
avec un esprit impartial, quels dommages nous subissons, vous serez étonnés.
Parmi de nombreux genres d'outrages qui nous sont faits, il y en a
certains qui nous étaient totalement inconnus autrefois et entièrement
nouveaux pour nous « païens » et aucun d'entre nous n'oserait
parler de ces outrages même dans une conversation privée.
« L'une des excuses offertes par les nations étrangères est que
notre pays n'est pas encore civilisé. Est-ce le principe d'une loi
civilisée que les droits et profits du soidisant non-civilisé ou du
plus faible soient sacrifiés ? Selon ma compréhension, l'esprit et la nécessité
d'une loi est de protéger les droits et le bien-être du plus faible
contre l'agression du plus fort, mais je n'ai jamais appris dans mes études
superficielles de droit que le plus faible doit être sacrifié pour le
plus fort. Une autre sorte d'excuse provient de source religieuse et l'on
prétend que les Japonais sont des idolâtres et des païens. Vous saurez
de suite si notre peuple est ou non idolâtre en voulant bien rechercher
sans préjugés nos vues religieuses d'après des sources japonaises
authentiques.
« Cependant, en admettant pour les besoins de l'argumentation,
que nous soyons des idolâtres et des païens, est-ce la moralité
chrétienne de fouler aux pieds les droits et les intérêts d'une nation
non chrétienne en ternissant tout leur bonheur naturel avec la sombre
tache de l’injustice ? Je lis dans la Bible : « Si quelqu'un te
frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l'autre », mais je ne
puis y découvrir aucun passage qui dise : « Si quelqu'un te demande
justice, frappe-lui la joue droite, et quand il se tournera, frappe-lui
l'autre aussi ». De même, je lis dans la Bible « A celui qui veut
plaider contre toi et t'ôter la tunique, laisse-lui encore le manteau »,
mais je ne puis découvrir aucun passage qui dise : « Si tu plaides
contre quelqu'un et lui enlèves sa tunique, qu'il te donne aussi son
manteau ».
« Vous envoyez vos missionnaires au Japon, et ils nous conseillent d'être
moraux et de croire au christianisme. Nous aimons être moraux, nous
savons que le christianisme est bon, et nous sommes très reconnaissants
pour cette bonté. Mais dans le même temps, notre peuple est plutôt,
rendu perplexe ; il met très fortement en doute cet avis, quand il
se souvient que le traité signé au temps du féodalisme, alors que nous
étions encore dans notre enfance, est toujours maintenu par les
puissantes nations de la chrétienté ; lorsque nous trouvons que,
chaque année, un bon nombre de bateaux engagés dans la pêche au phoque
s’introduisent en fraude dans nos mers, quand des affaires légales sont
toujours tranchées par les autorités étrangères au Japon dans un sens
qui nous est défavorable ; quand, il y a quelques années, il n'était
pas permis à un Japonais d'entrer dans une université sur la côte du
Pacifique en Amérique parce qu'il était d'une race différente : quand,
il y a quelque mois, la commission des écoles de San-Francisco décréta
qu'il ne serait permis à aucun Japonais d'entrer dans les écoles
publiques de la ville ; quand, l'an dernier, les Japonais furent chassés
en gros de l'un des territoires des États-Unis d'Amérique : quand, à
San-Francisco, nos hommes d'affaires furent obligés par une certaine
union de ne pas employer des assistants ou des collaborateurs japonais,
mais des Américains : quand, à la tribune, il y en a dans la même ville
qui parlent contre ceux d'entre nous qui sont déjà ici ; quand il y
a de nombreux hommes qui vont en procession en hissant des lanternes
portant ces mots « Les Japonais doivent partir » ; quand les
Japonais des Iles Hawaii sont privés de leur droit de vote ; quand, au
Japon, nous voyons certaines personnes occidentales dresser devant l'entrée
de leur maison un poteau spécial sur lequel on lit « Entrée interdite
aux Japonais », exactement comme une pancarte sur laquelle est écrit
: « Interdit aux chiens » ; quand nous nous trouvons dans
une telle situation, est-il excessif — malgré la bonté des nations
occidentales, d'un certain point de vue, qui nous envoient leurs
missionnaires — pour nous « païens » intelligents, d'être embarrassés
et d'hésiter à avaler le délicieux et chaud liquide du ciel du
christianisme ? Si telle est la morale chrétienne, eh bien ! nous
sommes parfaitement satisfaits d'être des païens.
« Si quelqu'un devait déclarer qu'il y a beaucoup de gens au Japon
qui parlent et qui écrivent contre le christianisme, je ne suis pas un
hypocrite, et je dirai franchement que je fus le premier dans mon pays qui
aie jamais attaqué publiquement le christianisme — non, non pas le
vrai christianisme, mais le faux christianisme, les torts commis notre
égard par les gens de la Chrétienté. Si quelqu'un blâme les Japonais
parce qu'ils ont eu de fortes sociétés anti-chrétiennes, je déclarerai
en toute honnêteté que je fus le premier au Japon qui ait jamais organisé
une société contre le christianisme, — non, non pas contre le vrai
christianisme, mais pour nous protéger contre le faux christianisme,
et contre l'injustice que nous subissons de la part des gens de la chrétienté.
Ne pensez pas que j'ai pris cette position parce que je suis bouddhiste,
car j'avais cette position bien avant d'entrer au temple bouddhiste. Mais
en même temps, je veux déclarer avec fierté que si quelqu'un a discuté
de l'affinité de toutes les religions devant le public, sous le titre de
Religion synthétique, ce fut moi. Je vous dis cela parce que je ne désire
pas qu'on me prenne pour un bouddhiste sectaire et bigot.
« Il n'y a en réalité aucun sectaire dans mon pays. Notre peuple sait
bien quelle vérité abstraite se trouve dans le christianisme, et nous,
ou tout au moins moi-même, ne nous soucions des noms si je dois parler du
point de vue enseignement. Que le bouddhisme soit appelé christianisme ou
le christianisme appelé bouddhisme, que nous soyons appelés
confucianistes ou shintoïstes, nous ne sommes pas difficiles à
satisfaire ; mais nous le sommes au sujet de la vérité enseignée et de
son application logique. Que Christ nous sauve ou qu'il nous conduise en
enfer, que Gautama Bouddha ait été réellement une personne ou qu'un tel
homme n'ait jamais existé, cela nous importe peu, mais que la conduite
soit en rapport avec la doctrine, c'est là le point sur lequel nous
attachons le plus de prix. C'est pourquoi, à moins que la contradiction
que nous observons ne disparaisse, et en particulier que le traité
injuste par lequel nous sommes désavantagés ne soit révisé sur une
base équitable, notre peuple ne se débarrassera jamais de ses préjugés
concernant le christianisme, malgré l'orateur éloquent qui prêche sa vérité
du haut de sa chaire. On nous appelle souvent des « barbares », et
j'ai entendu et lu que les Japonais sont têtus et ne peuvent pas
comprendre la vérité de la Bible. Je veux bien admettre que ceci est
vrai dans un certain sens, car, bien qu'ils admirent l'éloquence de
l’orateur et soient émerveillés de son courage, bien qu'ils approuvent
son argumentation logique, cependant, ils sont très entêtés et ne
s'uniront pas au christianisme aussi longtemps qu'ils pensent que c'est la
moralité occidentale de prêcher une chose et d'en pratiquer une autre...
« Si une religion quelconque enseignait l'injustice à l'humanité,
je m'opposerais à elle, comme jamais je ne l’ai fait, avec mon sang et
mon âme. Je serai le dissident le plus acharné du christianisme, ou je
serai l'admirateur le plus ardent de son évangile. Aux organisateurs de
ce congrès, et aux dames et aux messieurs du monde qui sont assemblés
ici, je déclare que votre but est de réaliser l'Union religieuse, non
pour la forme, mais en pratique. Nous les quarante millions d'âmes du
Japon, nous tenant fermement et avec persistance sur la base de la justice
internationale, attendons encore d'autres manifestations touchant la
moralité du christianisme ».
Quel commentaire avons-nous là sur les causes de l'échec de la chrétienté
à convertir le monde à la vérité et à la droiture ! Et comme il
invite davantage à l'humiliation et à la repentante plutôt qu'à la
vantardise !
La voix des jeunes hommes de l'Orient se fit entendre par l'intermédiaire
de Herant M. Kiretchjian de Constantinople qui déclara :
« Frères du Soleil levant de tous les pays je suis ici pour représenter
les jeunes hommes de l'Orient, en particulier ceux des Pyramides aux
banquises de Sibérie, et en général ceux des rivages de l'Égée aux
eaux du Japon. Mais sur ce merveilleux plan d'action du Congrès des
religions où je me trouve moi-même avec les fils du Levant en présence
du public américain. ma première pensée est de vous dire que vous avez,
à votre insu, convoqué un Congrès de vos créanciers. Nous ne sommes
pas venus pour liquider vos affaires, mais pour libérer votre cœur.
Sondez vos livres, et voyez si notre revendication n'est pas juste. Nous
vous avons donné la science, la philosophie, la théologie, la musique et
la poésie, et à grands frais nous avons écrit l'histoire pour vous. De
plus, de la lumière qui brillait sur nos pays, sont sortis ceux qui
constitueront à jamais votre nuée de témoins et votre inspiration : des
saints, des apôtres, des prophètes, des martyrs. Avec ce riche capital,
vous avez amassé une fortune prodigieuse, au point que vos biens vous empêchent
de voir vos engagements. Nous ne désirons pas partager votre opulence,
mais il est juste que nous touchions notre dividende, et, selon la coutume,
c'est un jeune homme qui présente les titres.
« Vous ne pouvez payer ce dividende avec de l'argent. Vous avez
besoin pour vous-mêmes de votre or. Votre argent est tombé en disgrâce.
Nous désirons que vous nous donniez un riche dividende dans la pleine
sympathie de votre cœur. L'artisan, appréciant ses pépites de différentes
formes et de différentes couleurs, les jette dans son creuset, et après
que le feu et la castine ont fait leur œuvre , il fait sortir le métal, et voici que coule de l’or pur. Ainsi,
ayant convoqué les enfants des hommes des extrémités de la terre, et
les ayant ici devant vous dans le creuset de la réflexion sérieuse et de
la recherche honnête de la vérité, vous trouverez, lorsque ce Congrès
sera terminé que, hors des préjugés de race et de dogme, et hors de la
variété des coutumes et des cultes, ne coule devant vos yeux rien
d'autre que l'or pur de l'humanité, et désormais, vous nous considérerez,
non plus comme des étrangers de pays étrangers, mais comme vos frères
de la Chine, du Japon et de l'Inde, comme vos sœurs des Iles de Grèce,
des collines et des vallées de l'Arménie ; ce faisant, vous nous aurez
payé un tel dividende de vos cœurs, et vous en aurez reçu vous-mêmes
une telle bénédiction, que ce pays-ci sera un Béla (*) [Allusion à Esaïe
62 : 4 — Trad.] prophétique pour les temps futurs, et rendra l'écho
de ce doux cantique qui fut entendu autrefois, dans notre pays de « Paix
sur terre et bonne volonté à tous les hommes ».
« Il vous a été tant parlé ici, par des hommes de sagesse et
d'expérience, de la vie religieuse du grand Orient, que vous ne devez pas
vous attendre à ce que j’ajoute quoi que ce soit à ce qu'ils ont dit.
Je n'ai pas non plus la prétention d'être ici devant vous pour vous
renseigner davantage sur les religions du monde. Mais il y a une nouvelle
race d'hommes qui a surgi de tout le grand passé et dont l'influence sera
sans nul doute un facteur très important dans l’œuvre de l'humanité
au siècle prochain. Ils sont le produit de tout le passé, entrant en
contact, avec la vie nouvelle du présent : je veux parler des jeunes
hommes de l'Orient ; ils se préparent à prendre possession de la terre
avec leurs frères du grand Occident.
« Je vous apporte une philosophie des rives du Bosphore et une
religion de la ville de Constantin. Toutes mes fermes convictions et mes déductions
qui ont grandi en moi depuis des années, ont été ébranlées jusqu’à
leurs racines, sous l'influence de ce Congrès. Mais aujourd'hui, je
trouve ces racines plus profondes en mon cœur, et les branches s'élevant
plus haut dans le ciel. Je ne prétends pas vous apporter quelque chose de
nouveau, mais si toutes les déductions vous apparaissent logiques comme
venant de prémisses que l'intelligence humaine peut accepter, alors j'ai
confiance que vous ne suspecterez pas notre dessein honnête et que vous
nous accorderez le droit, en tant qu'êtres intelligents de tenir ferme à
ce que je présente devant vous.
« Lorsque les jeunes hommes d'aujourd'hui étaient des enfants, ils
n'entendaient et ne voyaient chaque jour que l'hostilité et la séparation
entre des hommes de religions et de nationalités différentes. Il n'est
pas nécessaire que je vous parle de l'influence qu'a une telle vie sur
celle de jeunes hommes qui se sont trouvés séparés et dans des camps
dressés pour la bataille contre des hommes leurs frères, avec qui ils étaient
venus en contact dans les occupations journalières de la vie. Comme la
lumière de l'instruction et des idées de liberté a commencé à se répandre
sur tout l'Orient dans la dernière partie de ce siècle, ce joug devint
de plus en plus irritant sur le cou des jeunes hommes de l'Orient, et le
fardeau trop lourd à porter.
« J'ai mentionné toutes les nationalités des jeunes hommes, qui, au
cours des trente années écoulées, ont reçu leur instruction dans les
universités de Paris, d'Heidelberg, de Berlin et d'autres villes d'Europe,
aussi bien que du Lycée impérial de Constantinople ; ils ont, d'une manière
consciente ou inconsciente, passive ou agressive, élaboré le système de
leur religion, de sorte qu'aux milliers de jeunes hommes pour qui leur
voix est un oracle, cette religion est venue comme une faveur et a rallié
leur cœur et leur esprit.
« Ils trouvent leurs frères en grand nombre dans toutes les
villes de l'orient où la civilisation européenne a trouvé la plus
petite entrée, et il y a rarement une ville qui n'aura pas subi leur
influence avant la fin du siècle. Leur religion est la plus nouvelle de
toutes les religions et je ne vous l'aurais pas exposée ici à la
tribune, si elle n'était pas l'une des influences les plus puissantes
agissant en Orient et avec laquelle, nous, jeunes hommes religieux de
l'Orient, avons à nous mesurer d'une manière efficace si nous voulons
avoir la moindre emprise sur les peuples de nos pays respectifs.
« Car, souvenez-vous, il y a des hommes d'intelligence, des hommes
d’excellentes facultés, des hommes qui, avec tous les jeunes hommes de
l'Orient, ont prouvé que dans tous les arts et les sciences, dans les
entreprises commerciales du monde civilisé, dans les armées des nations
et à la droite des rois, ils sont à égalité avec n'importe quelle
autre race d'hommes, du Levant au Couchant. Ils sont, au surplus, pour la
plupart, des hommes aux meilleures intentions et aux convictions les plus
sincères, et lorsque vous entendez leur opinion religieuse et que vous
pensez à, la position qu'ils occupent, vous ne pouvez pas, j'en suis sûr,
comme membres du Congrès religieux, éprouver autre chose que le plus
grand intérêt pour eux et pour les pays qu'ils habitent.
« Personnellement, je représente les jeunes hommes religieux de
l'Orient, mais qu'il me soit permis, au nom des jeunes hommes de la
religion la plus nouvelle, de parler devant vous aux apôtres de toutes
les religions : « Vous venez à nous, au nom de la religion, pour nous
apporter ce que nous avons déjà. Nous croyons que l'homme se suffit à
lui-même, si, comme vous le dîtes, un Dieu parfait, l'a créé. Si vous
voulez le laisser tranquille, il sera tout ce qu'il devrait être.
Instruisezle, éduquez-le, ne le liez point, pieds et poings, et il sera
un homme parfait, digne d'être le frère de n'importe quel autre homme.
La nature a doté suffisamment l'homme, et vous devriez employer tout ce
qui vous a été donné dans votre intelligence avant d'importuner Dieu
pour qu'il vous en donne davantage. De plus, personne n'a trouvé Dieu.
Nous avons toute l'inspiration que nous désirons dans la douce poésie et
dans la musique enchanteresse, et dans la compagnie d'hommes et de femmes
distingués et cultivés. Si nous voulons l'écouter, nous aimerons
qu'Haendel nous parle du Messie, et si les cieux retentissent, il nous
suffit d'avoir l'interprétation qu'en donne Beethoven.
« Nous n’avons rien contre vous, chrétiens, mais nous devons
dire, comme à toutes les religions, que vous avez fait le plus grand mal
possible à l'humanité, en dressant des hommes contre des hommes et une
nation contre une nation. Et à présent, pour rendre une mauvaise chose
pire encore, dans ce jour de sens commun suprême vous venez pour remplir
l'esprit des hommes avec des choses impossibles et pour surcharger leurs
cerveaux avec des discussions sans fin d'un millier de sectes. Avant vous,
en effet, j'en ai entendu beaucoup et je sais combien d'autres pourraient
suivre. Nous vous considérons, de tous les hommes, comme étant ceux
qu'on doit éviter, car votre philosophie et vos doctrines engendrent le
pessimisme sur le pays.
« Ensuite, avec l'instinct religieux et le respect inné que tout
Oriental possède, je dois brusquement dire : mais, attention !
nous ne sommes pas des incroyants ou des athées ou des sceptiques. Nous
n'avons simplement pas le temps pour ces choses. Nous sommes remplis
d'inspiration pour la vie la plus élevée, et nous désirons la liberté
pour tous les jeunes hommes du monde. Nous avons une religion qui unit
tous les hommes de tous les pays, et qui remplit la terre de joie. Elle
supplée à tous les besoins, et c'est pourquoi nous savons que c'est la
vraie religion, en particulier du fait qu'elle produit la paix et la plus
grande harmonie. Aussi, nous ne voulons aucun de vos « ismes »
ni aucun autre système ou doctrine. Nous ne sommes pas des matérialistes,
des socialistes, des rationalistes ou des pessimistes, et nous ne sommes
pas des idéalistes. Notre religion est celle qui fut la première, et
c'est aussi la plus nouvelle des nouvelles — nous sommes des gentlemen
—. Au nom de la paix et de l'humanité, ne pouvez-vous pas nous laisser
tranquilles ? Si vous nous invitez encore au nom de la religion, nous
aurons été retenus par un engagement antérieur, et si vous nous invitez
encore à prêcher, nous ne serons pas chez nous.
« Tel est le jeune homme oriental, comme le laurier vert. Et là où
l'un meurt, de sorte que vous ne le trouvez pas chez lui, il y en a vingt
pour le remplacer. Croyez-moi, je n'ai pas exagéré, car mot pour mot, et
dix fois plus que celle-ci, j'ai eu des nouvelles d'hommes intelligents de
l'armée et de la marine, d'hommes dans le commerce et d'hommes du barreau
au cours de conversations et de discussions sérieuses, dans les rues de
Constantinople, dans les bateaux de la Corne d'Or et du Bosphore, en
Roumanie et en Bulgarie, aussi bien qu'à Paris et à New York et à
l'Auditorium de Chicago, de la part de Turcs et d'Arméniens, de Grecs et
d'Hébreux, aussi bien que de Bulgares et de Serbes, et je puis vous dire
que ce substitut le plus nouveau pour la religion, qui garde les portes du
commerce et de la littérature, de la science et de la loi, à travers
l'Europe et l'Orient, est une force la plus puissante à modeler la destinée
des nations de l'Est, et l'on doit intelligemment en tenir compte
lorsqu'on pense à l’avenir de la religion il doit être affronté avec
un argument aussi puissant aux yeux des jeunes hommes de l'orient que
celui que la science et la littérature ont placé dans les mains de la
grande armée de la nouvelle classe de gentlemen.
« Il y a une autre classe de jeunes hommes en Orient, qui se nomment
eux-mêmes les jeunes hommes religieux, et qui maintiennent la foi
ancienne de leurs pères. Permettez-moi de revendiquer pour eux également,
l'honnêteté de dessein, l'intelligence d'esprit, aussi bien qu'une ferme
persuasion. C'est pour eux également que je viens vous parler, et en
parlant pour eux je parle également pour moi-même. Vous verrez
naturellement que nous devons être dès les premiers jours en contact
avec la nouvelle Religion — permettez-moi que je l'appelle ainsi pour
plus de commodité. Nous devons être dans les collèges et dans les
universités avec ces mêmes jeunes hommes. Nous devons aller avec eux la
main dans la main dans toute la science et l'histoire, la littérature, la
musique et la poésie et avec eux naturellement nous partageons la ferme
croyance dans toute déduction scientifique et tenons ferme à chaque
principe de liberté humaine.
« Tout d'abord, tous les jeunes hommes de l'Orient qui ont les
convictions religieuses les plus profondes soutiennent la dignité de
l'homme. Je regrette, mais j'aurais dû commencer par là : cependant, des
voix combinées et des arguments des philosophies et des théologies se dégage
une telle déduction inévitable d'une humanité imparfaite que nous
devons en sortir avant de pouvoir parler d'une religion quelconque pour
nous-mêmes et dire : « Nous croyons que nous sommes des hommes ».
Pour nous, c'est une diffamation à l'égard de l'humanité et une mise en
accusation de Dieu qui créa l'homme, de dire que l'homme ne se suffit pas
à lui-même, et qu'il a besoin de religion pour le rendre parfait.
[Remarquez comment l’homme naturel s'accuse et s’excuse tout d'une
haleine. On ne peut nier l'imperfection, mais on prétend avoir le pouvoir
de se rendre parfait soi-même avec le temps : ainsi les païens ne
tiennent-ils pas compte de la nécessité du « précieux sang »
de l'offrande pour le péché » que Dieu a fourni, de même que la rejettent
maintenant dans la chrétienté ceux qui ont la sagesse de ce monde].
« C'est diffamer l'humanité que de considérer telle ou telle
famille humaine en disant que si elle manifeste des conceptions de bonté
et de vérité, des idéaux élevés et une vie, au-dessus des simples désirs
naturels, c'est parce qu'elle a reçu un enseignement religieux de tel ou
tel homme, ou une révélation du ciel. Nous croyons que si l'homme est
l’homme, il a tout cela en lui-même, exactement comme il a toutes ses
capacités corporelles. Me direz-vous qu'un chou-fleur que je cultive dans
les champs croit en beauté et dans la perfection de ses fleurs
naissantes, et que mon cerveau, que le même Créateur a créé cent mille
fois plus délicat et plus parfait, ne pourrait pas développer ses
circonvolutions, faire le travail que Dieu entend que je fasse et avoir
les conceptions les plus élevées qu'il entend que j'aie ? Me
direz-vous qu'un têtard impuissant se développera et deviendra une
grenouille avec des membres parfaits, élastiques, une poitrine
palpitante, que des grenouilles s'assembleront avec satisfaction et
coasseront à l'unisson et que des hommes ont besoin de religion et d'aide
extérieure afin qu'ils puissent se développer dans la perfection humaine
du corps et de l'âme, reconnaître la fraternité des hommes et vivre en
paix sur la terre de Dieu ? Je dis que c'est dénigrer Dieu qui créa
l'homme, que de promulguer et accepter une pareille doctrine.
« Nous n'acceptons pas davantage les conclusions incertaines de la
science. Nous n'avons rien a faire avec les singes. S'ils désirent nous
parler, qu'ils viennent nous trouver. Il y a chez les Occidentaux une
disposition à créer des difficultés que nous ne pouvons comprendre. L'une
de mes premières expériences que je fis aux États-Unis fut de prendre
part à une réunion de jeunes gens à Philadelphie. Le sujet traité ce
soir-là portait sur la question de savoir si les animaux — et le chat
en particulier — avaient une âme. On lut des journaux très sérieux et
très érudits. Pourtant on parvint à la conclusion que, ne sachant pas
au juste ce qu'est un chat et ce qu'est une
âme, on ne pouvait décider de l'affaire, mais c'était encore là
un grave sujet portant sur la religion... Supposez maintenant qu'une fille
arménienne demande à sa mère si des chats ont une âme. La mère réglerait
la question par parenthèses et dirait pas exemple : « Ma chérie, vous
devez descendre pour voir si l'eau est en train de bouillir (Qu'est-ce qui
vous passe par la tête de poser une telle question ? Naturellement des
chats ont une âme. Des chats ont une âme de chat et des hommes ont une
âme d’homme). A présent, descendez ». Et l'enfant descendrait
heureuse de sa nature humaine. Si cette dame arménienne devait un jour
avoir affaire au chaînon manquant dont nous entendons tant parler, son égalité
d'âme demeurerait et elle se glorifierait encore dans sa nature humaine
en vous informant que le chaînon manquant avait l'âme d'un chaînon
manquant et que l'homme avait l'âme d'un homme.
« Jusqu'ici, nous arrivons la main dans la main avec les jeunes hommes de
la classe des gentlemen, sur le plan commun de l'humanité. Mais nous
arrivons à un tournant où nous nous séparons, et où nous prenons des
sentiers divergeant considérablement. Nous crions : « Laisseznous
tranquilles, et nous nous épanouirons et nous atteindrons l'apogée de
notre destinée » ; et, voyez ! nous trouvons une puissance invisible qui
ne nous laissera pas seuls. Nous trouvons que nous pouvons arriver à une
réussite totale dans les domaines de la science et de l'art. Cependant,
lorsqu'il s'agit de suivre notre conception de ce qui est élevé et
noble, de ce qui est droit et nécessaire à notre développement, il nous
manque la force et la puissance pour la réaliser. J'expose ceci le plus
simplement possible, car je ne puis m'étendre ici à ce sujet. Mais pour
nous, est aussi réel que la dignité de l'homme, le fait qu'il existe une
puissance qui détourne les hommes et les femmes du sentier de la droiture
et de l'honneur dans lequel ils savent qu'ils devraient marcher. Vous ne
pouvez pas dire que cela est inhérent à l'homme, car nous sentons que
nous ne possédons pas cette puissance. Or, si cela ne nous appartient pas
et que sombrer dans la dégradation, la misère, la rapacité et le désir
d'écraser son prochain est pour l'homme une juste conception, alors nous
dirons : « Laissez-le tranquille, et laissez-le faire ce que Dieu a
entendu qu'il fit ».
« Aussi, je dis brièvement à quiconque ici se prépare à
condenser son credo, qu'il y place d'abord ceci : « Et je crois au démon,
l'ennemi suprême de Dieu, celui qui accuse Dieu aux yeux de l'homme ».
Un seul démon pour l'univers entier ? Peu nous importe. Une légion de démons
qui font le siège de chaque âme ? Cela nous est égal. Nous savons une
chose, c'est qu'il y a une puissance extérieure à l'homme qui le détourne
avec force. Aucune puissance sur la terre ne peut lui résister.
« Et maintenant, venons-en à notre religion. Si vous avez une religion
à apporter aux jeunes hommes de l'Orient, elle doit venir avec une
puissance telle qu'elle équilibre, que dis-je, qu'elle contrebalance la
puissance du mal dans le monde. Alors l'homme sera libre pour arriver à
maturité et être ce que Dieu a entendu qu'il fût. Nous recherchons
Dieu. Nous désirons l'esprit de Dieu, et la religion qui vient à nous,
sous quelque nom ou sous quelque forme que ce soit, doit apporter cela,
sinon, pour nous elle n'est pas une religion. Nous croyons en Dieu, non
pas au Dieu des protoplasmes qui se cache entre des molécules de matière,
mais au Dieu dont nous sommes les enfants.
« Ainsi plaçons-nous la dignité de Dieu comme troisième article
de notre philosophie et de notre protestation. La chevalerie est-elle
morte ? Toute conception d'une vie élevée et noble, de parfaite intégrité
a-t-elle disparu de notre cœur que nous ne puissions pas aspirer à la
qualité de chevalier et de prince dans les parvis de notre Dieu ? Nous
savons que nous sommes ses enfants, car nous accomplissons ses œuvres
et pensons ses propres pensées. Ce que
nous désirons, c'est de lui être semblables. Oh ! est-il vrai que je
sois capable de parcourir terre et mer, de toucher le cœur de ma mère et
sentir ses bras me serrer, mais que moi, enfant de Dieu, sans secours dans
l’univers contre une puissance que je ne peux vaincre, je ne puisse
tendre mes mains vers lui et le supplier afin de recevoir son esprit dans
mon âme et sentir ses bras éternels me soutenir dans ma faiblesse ?
« Et ici intervient le prédicateur d'antan, et de l'église moderne
; il nous parle de quelqu'un qui, lui, a vaincu le monde, et qui est
descendu du ciel. Il est inutile qu'on nous dise qu'il vint d'en-haut, car
aucun homme né de femme ne fit une chose semblable. Mais nous sommes
persuadés que par le moyen de la grâce et par le sentier qu'il nous
montre afin que nous l'empruntions, l'esprit de Dieu descend vraiment dans
le cœur des hommes, et que je puis le sentir dans mon cœur combattant
avec moi contre la péché et fortifiant mon cœur pour maintenir résolument
ce que je sais être droit par ce qui est divin en moi.
« Et ainsi, avec une main tremblante mais avec une conviction ferme, avec
beaucoup de tristesse pour l'humanité mais avec la joie du triomphe éternel,
je viens avec vous tous aux portes d'or du vingtième siècle, où les
anciens du prochain Commonwealth de l'humanité siègent pour émettre un
jugement sur la religion qui pénétrera par ces portes pour venir
soutenir le cœur humain. Aux côtés de l'antique Confucianisme et de la
Théosophie moderne de l’antique Bouddhisme oriental et du Spiritualisme
moderne et de toutes les croyances des temps anciens et du matérialisme,
du rationalisme et de l'idéalisme modernes, je place l'antique
christianisme oriental avec son Christ, la puissance de Dieu et la sagesse
de Dieu, ainsi que sa croix, rayonnant toujours dans l'amour de Dieu,
« Se dressant toujours au-dessus des naufrages du temps ».
Il est évident que cet orateur, bien qu'il ne fût pas un représentant délégué
de l'église catholique arménienne, présente les choses du point de vue
des chrétiens arméniens que les Turcs ont dernièrement persécutés de
la manière la plus barbare. Son discours fait ressortir d'excellents
points. Toutefois, on ne doit pas penser que cet orateur soit le type
moyen des jeunes hommes de l'Orient, car il est en avance de beaucoup sur
ceux pour qui il parle. Son discours ne présente pas non plus une
conception véritable du catholicisme arménien avec ses prières pour les
morts, son culte des images et des saints et de la Vierge Marie, ses
confessionnaux, et sa doctrine blasphématoire de la Messe (*) [ voir Vol.
III, p 92] — tout cela ressemblant exactement aux plans de
l'Antichrist. Ceux qui sacrifient l’ « abomination » de la messe
montrent par là qu'ils connaissent et apprécient bien peu la croix réelle
et son sacrifice unique, « une fois pour toutes ». Le « christianisme
oriental » que ce jeune homme nous désigne n'est pas celui
que nous respectons ni celui que nous voulons imiter : nous retournons au
christianisme proclamé et illustré par Christ, notre Seigneur et Rédempteur,
et par ses apôtres et tel qu'il est présenté dans les Écritures ;
celui-là n'est ni oriental, ni occidental, ni catholique (c'est-à-dire
universel ou général), mais il est la puissance de Dieu et la sagesse de
Dieu seulement à « quiconque CROIT », jusqu'à obtenir la justice
(unto « righteousness ») — Rom. 1 : 16.
L'observateur réfléchi comprend les nobles sentiments de certains
de ceux qui cherche ainsi Dieu à tâtons et aspirent à la droiture :
mais il n'est pas sans remarquer un contraste : d'une part leur sincère
gravité, leurs nobles desseins et efforts pour dresser devant leur
prochain les modèles de droiture les plus élevés, qu'ils peuvent
discerner et, d'autre part, l'attitude de compromission de tant de chrétiens
qui ont été plus hautement favorisés à la naissance et dans leur
milieu par la connaissance de la vérité et qui désirent maintenant la
vendre au sacrifice immense de ses nobles principes, simplement pour
obtenir la faveur populaire présente. De celui qui a beaucoup reçu, il
sera beaucoup exigé par le Seigneur qui les pèse tous dans la balance.
Cependant, si quelques-uns des représentants étrangers suscitent notre
admiration et notre respect, la grande majorité d'entre eux se réjouissaient
dans leur privilège d'étaler et de recommander leurs superstitions à
cette assemblée représentative des nations civilisées et éclairées.
Le bouddhisme, le shintoïsme, le brahmanisme, le confucianisme et le
mahométanisme furent, à maintes reprises, exposés avec force, et l'apôtre
du mahométanisme eut même l'audace de recommander la polygamie. C'en était
trop pour l'auditoire, mais les manifestations de désapprobation de ce
dernier furent rapidement réduites au silence par le président, le Dr
Barrows, qui rappela à tous l'objet de ce Congrès, savoir, de donner à
tous et sans dispute la possibilité de s'exprimer. Aussi tous se
firent-ils abondamment entendre, et débattirent-ils librement leurs
sujets devant les esprits déjà troublés de milliers de prétendus chrétiens
; le résultat fut qu'ils eurent tous raison d'espérer en avoir converti
beaucoup à leurs religions ici en Amérique. Les mêmes privilèges
furent également accordés à nombre des mouvements anti-chrétiens, tels
que la Science chrétienne, la Théosophie, le Swedenborgianisme etc.
SENTIMENTS EXPRIMÉS A LA
FIN DU GRAND CONGRES
Les sentiments exprimés à la fin du grand Congrès montrent jusqu'à
quel point va l'esprit de compromission du christianisme protestant. Le
jugement de ce jour l’a conduit dans une détresse si grande qu'il
acclame avec enthousiasme la moindre perspective d'une union possible même
avec les formes les plus grossières du paganisme. Nous donnons les brefs
extraits suivants :
Suamie Vive Kananda (prêtre de Bombay, en Inde) déclara :
« On a beaucoup parlé de la base commune d'une unité religieuse. Je ne
vais pas à présent exposer ma propre conception, mais si quelqu'un, ici,
espère que cette unité pourrait venir du triomphe de l'une quelconque de
ces religions et de la destruction des autres religions, à celui-là je
dis : « Frère, votre espérance est irréalisable. Est-ce que je
souhaite que le chrétien devienne hindou ? A Dieu ne plaise ! Voudrais-je
que l'hindou ou le bouddhiste devînt chrétien ? A Dieu ne plaise ! Le
chrétien ne deviendra pas hindou, un bouddhiste ne deviendra pas chrétien.
Apprenez à, penser sans préjugés... Si la théologie et les dogmes vous
empêchent de chercher la vérité, mettez-les de côté. Soyez sérieux
et travaillez avec diligence à votre propre salut ; c'est ainsi que vous
porterez les fruits de la sainteté ».
Vichand Ghandi (un jainiste de l'Inde) déclara :
« Si vous permettez à un « païen » de vous apporter,
son message de paix et d'amour, je vous demanderai seulement que vous
considériez dans un esprit libéral et sans superstition ni bigoterie les
diverses idées qui vous ont été présentées... Je vous supplie
d'examiner les divers systèmes religieux à tous les points de vue ».
Le « Très-Révérend » Shabita, grand prêtre du shintoïsme au
Japon déclara :
« Ce que je désire faire, c'est de vous aider à réaliser le
dessein d'obtenir la fraternité universelle sous le seul toit de la vérité.
Vous savez que l'unité est une puissance. Maintenant, je prie les huit
millions de divinités qui protègent le Japon, le beau pays des
cerisiers, de vous protéger, vous et votre gouvernement, pour l’éternité,
et avec ces paroles, je vous dis adieu ».
H. Dharmapala, de Ceylan, déclara :
« De la part de mes coreligionnaires, au nombre de quatre cent
soixante quinze millions, tous disciples du doux Seigneur Bouddha Gautama,
je vous présente mes respects affectueux... Vous avez appris de vos frères
de l’Extrême-Orient ce que sont les systèmes religieux respectifs
qu'ils suivent ; ... vous avez écouté avec une patience digne d'éloges,
les enseignements du tout-miséricordieux Bouddha qui vous ont été
transmis par ses humbles disciples, » etc., etc.
L’évêque Keane (catholique romain) déclara :
« Lorsque l'invitation de prendre part à ce Congrès fut adressée
à la vieille église catholique, les gens dirent : « Viendra-t-elle »
? Et la vieille église catholique dit : « Parmi toutes les
religions du monde, n'est-ce pas la vieille église catholique universelle
qui a le plus de droit à participer à ce Congrès ? »… Même si
elle devait être seule à cette tribune, elle y serait. La vieille église
est donc venue et elle se réjouit de rencontrer d'autres hommes, d'autres
croyants de toutes nuances et de toutes confessions… Ne prierons-nous
pas en désirant qu'une semence ait pu être jetée ici qui produise une
union générale et parfaite ? Si ce n'était pas préférable d'être
unis plutôt que divisés, notre Seigneur n'aurait pas prié afin que nous
fussions un, comme lui et le père sont un. [Mais ils ne prient pas pour
être unis de la même manière que le Père et le Fils :
l'union proposée est bien différente] ».
Les sentiments ainsi exprimés furent pleinement approuvés par les représentants
protestants de ce Congrès. Ainsi, par exemple, le Rév. Dr. Candlin
missionnaire en Chine, déclara :
« La conception de la religion qui est admise et qui prévaut parmi les
chrétiens dans le monde entier est que je christianisme est vrai, tandis
que toutes les autres religions sont fausses ; que le christianisme vient
de Dieu, tandis que toutes les autres religions viennent du diable ; ou
bien, avec une pointe de modération, que le christianisme est une révélation
du ciel tandis que les autres religions sont inventées de toutes pièces
par les hommes. Vous êtes mieux informés et vous pouvez témoigner
en pleine connaissance et avec une grande assurance, que l’amitié peut
remplacer l'antagonisme entre les diverses religions, afin que, aussi sûrement
que Dieu est notre Père à tous de même nos cœurs ont soupiré après
lui, et nos âmes, dans la plus grande dévotion, ont perçu des murmures
de grâces provenant de son trône. Dès lors, nous à la Pentecôte,
et bientôt viendra la conversion du monde ».
Est-ce bien là une Pentecôte ? Quelle ressemblance y a-t-il entre
cet effort de compromission de la vérité et de la droiture en vue
d’obtenir l’amitié de l'Antichrist et de l'Idolâtrie, et cette
attente patiente de la fidèle assemblée de Jérusalem en prière pour
obtenir la puissance d'en haut ? Y a-t-il eu, sur cette assemblée de
personnalités si diverses, une manifestation d'une effusion semblable du
saint esprit ? Si la conversion du monde doit s’ensuivre, qu'on nous
permette de demander : « A quoi le monde doit-il être converti ? ».
Une telle promesse, même avec cette fanfare de trompettes, ne satisfait
pas, à cette heure de jugement, celui veut éprouver toutes choses.
Le Rév. Dr Bristol, de l’église méthodiste, dit :
« Ce Congrès nous apportera infiniment de bien et rien que du bien.
Nous sommes éternellement et profondément reconnaissants envers tous
ceux qui sont venus de loin. Certains d'entre eux représentent une
civilisation qui était déjà ancienne lorsque Romulus fonda Rome, dont
les philosophies et les chants étaient d'une sagesse avancée et riches
de rythme avant qu'Homère ne chantât son Iliade aux Grecs. Tous ces
représentants ont ouvert un horizon plus large à nos idées sur
l'humanité qui nous est commune. Ils nous ont apporté les fleurs
odoriférantes des croyances de l'Orient, des pierres précieuses tirées
des anciennes mines des grandes philosophies, et nous sommes plus riches
ce soir parce que nous avons reçu les contributions de leurs pensées et
en particulier parce que nous avons été en contact avec eux en esprit.
[Quelle confession !]
« Il n'y a jamais eu un tel jour radieux et plein d'espérance pour notre
humanité commune touchant la tolérance et la fraternité universelle.
Nous constaterons que, par les paroles que ces visiteurs nous ont apportées,
et par l'influence qu'elles ont exercée, ils seront richement récompensés,
conscients d'avoir contribué au puissant mouvement qui contient en lui-même
la promesse d'une seule foi, d'un seul Seigneur, d'un seul Père, d'une
seule fraternité.
« Que notre Dieu, notre Père vous bénisse, frères de l'Orient
que notre Sauveur, notre frère aîné, celui qui a enseigné la fraternité
humaine, vous bénisse, vous et vos peuples, à jamais ».
Le Rév. Augusta Chapin déclara :
« Nous qui vous avons accueillis, vous souhaitons bon voyage. Nous
sommes contents que vous soyez venus, O sages de l'Orient. Par vos sages
paroles, votre grande tolérance et vos manières aimables, nous avons été
heureux de nous asseoir à vos pieds et de recevoir vos leçons. Nous
sommes heureux de vous avoir vus face à face, et désormais vous serez
plus que jamais des amis et des collaborateurs dans les grandes choses de
la religion.
A présent, nous sommes heureux que vous repartiez dans vos foyers
lointains, pour raconter l'histoire de tout ce qui a été dit et fait
dans ce grand Congrès, que vous resserrerez ainsi plus étroitement les
relations entre l'Orient et l'Occident, et que vous montrerez clairement
la sympathie qui existe parmi toutes les religions. Nous sommes heureux
des paroles qui ont été prononcées par les hommes et les femmes sages
de l'Occident qui sont venus et nous ont donné leurs grains d'or après
le lavage. Ce que j'ai dit au début, je le répéterai maintenant à la
fin de ce Congrès : il a été le plus grand rassemblement qui ait été
jamais tenu au nom de la religion, sur la surface de la terre ».
Le Rév. Jenkin Lloyd Jones déclara :
« A vous, les invités qui partez, je souhaite le « bon voyage »
qui vient d'une âme heureuse d'identifier sa parenté avec tous
les pays et avec toutes les religions ; lorsque vous serez partis, vous
laisserez derrière vous dans nos cœurs, non seulement des pensées plus
charitables pour les croyances que vous représentez, mais aussi des liens
de chaude affection lesquels vous lieront dans l'union qui sera notre joie
et notre vie a toujours ».
Le Dr Barrows (président) déclara :
« Nos espérances ont été plus que réalisées. Le sentiment qui a
inspiré ce Congrès nous a maintenus ensemble. Les principes sur lesquels
l'accord s'est fait pour tenir cette convention historique, ont été mis
à l'épreuve et parfois même blâmés, mais ils n'ont pas été inadéquats.
La tolérance, la bienveillance fraternelle, la confiance réciproque dans
la sincérité de chacun, la recherche sincère et sérieuse d'une
harmonie entre les diverses religions, le dessein honnête de chacun
d'exposer en toute bonne foi sa croyance personnelle sans compromission
et, sans critiques inamicales — ces principes, que vous en soyez remerciés
pour votre loyauté et pour votre courage, n'ont pas fait défaut.
« Hommes d'Asie et d'Europe, votre venue nous a rendus heureux et nous a
rendus plus sages. Nous sommes contents que vous ayez été satisfaits de
notre hospitalité », etc.
Le président Bonney fit des remarques à peu près identiques, ensuite,
le grand Congrès se termina par une prière d'un rabbin juif et une bénédiction
d'un évêque catholique romain ; cinq mille voix se joignirent pour
répéter le message de l'ange : « Paix
sur la terre et bienveillance envers tous les hommes » (Voir Note
Crampon — Trad.)
LA PERSPECTIVE
Mais hélas, au prix de quel sacrifice des principes, de la vérité et de
la loyauté envers Dieu de telles déclarations furent-elles faites au
monde ! Et cela, également, au seuil même d'un temps de détresse prédit
par Dieu et tel qu'il n'y en eut jamais depuis qu'il y a une nation ;
une détresse que tous les gens réfléchis commencent à discerner, et
dont ils redoutent grandement la crise et l'issue. C'est précisément
cette crainte qui amène cette masse hétérogène à s'assembler pour se
protéger mutuellement et pour coopérer ensemble. Ce n'est là qu'un
simple effort de politique humaine pour essayer de calmer les craintes de
l'église en criant : Paix ! Paix et il n'y a point de paix ! (Jér. 6 :
14). Ce cri de paix émanant de l'église par ses représentants est
caractérisé par le même son ridicule d'hypocrisie qui fut poussé par
les représentants des nations lors de la grande célébration de Kiel
rapportée dans le chapitre précédent. Tandis que les pouvoirs civils
proclamaient ainsi la paix dans le terrible grondement des canons, les
pouvoirs ecclésiastiques la proclament de leur côté dans une grande
compromission impudente, orgueilleuse, de la vérité et de la droiture.
Le temps est proche où le Seigneur lui-même annoncera la paix aux
nations (Zach. 9 : 10), mais ce ne sera pas avant qu'il ait d'abord fait
connaître sa présence dans le tourbillon de la révolution et dans la
tempête de la détresse — Nah. 1 : 3.
Considéré sous son propre point de vue, le Congrès fut déclaré être
un grand succès, et les gens irréfléchis qui sont toujours charmés par
le bruit, le clinquant et la parade, répondirent : Amen ! Ils imaginent
sottement que le monde entier non régénéré doit être assemblé en une
alliance universelle d'unité religieuse et de fraternité, et pourtant
tous vont penser, agir et tâtonner dans les ténèbres de I'ignorance et
de la superstition et, marcher dans les voies immorales mentionnées précédemment,
ainsi qu'ils l'ont toujours fait, refusant « la lumière qui brille sur
la face de JésusChrist », laquelle est la seule vraie lumière (2
Cor. 4 : 6 ; Jean 1 : 9 ; 3 : 19). Et des chrétiens se réjouissent
devant cette perspective, et saluent un pareil événement imaginaire
comme étant l'événement le plus glorieux de l'histoire.
Pourtant, alors que l'impression générale créée par le grand Congrès
fut que c'était là la première étape, et une longue, vers la réalisation
du message de l'ange lors de la naissance de Christ, de paix sur la terre
et de bienveillance à l'égard des hommes, c'était en fait pour qui
discernait droitement la chose, une autre manifestation de l'infidélité
de la chrétienté. Certainement, comme le déclare le Prophète, « La
sagesse de ses sages périra, et l'intelligence de ses intelligents se
cachera » (Esaïe 29 : 14). Nous l’entendons dire encore :
« Associez-vous, peuples, et vous serez brisés ; et prêtez
l'oreille, vous tous qui habitez loin sur la terre ! Ceignez-vous
[liez-vous ensemble], et vous serez brisés ! Prenez un conseil, et
il n'aboutira à rien ; dites la parole [pour l’unité] et elle
n'aura pas d'effet » — Ésaïe 8 : 9, 10.
Avec le Psalmiste, nous voudrions poser la question :
« Pourquoi les peuples méditent-ils la vanité ? [Pourquoi
crient-ils : Paix ! Paix ! quand il n'y a point de paix ?]. Les rois
de la terre [civil et ecclésiastiques] se lèvent, et les princes
consultent ensemble contre l'Éternel et contre son Oint, disant :
« Rompons leurs liens, et jetons loin
de nous leurs cordes ! ».
« Celui qui habite dans les cieux se rira [d'eux], le Seigneur s'en
moquera. Alors il leur parlera dans sa fureur, et dans sa fureur, il les
épouvantera » — Ps. 2 : 1-5.
Lorsque le peuple choisi de Dieu —
l'Israël selon l'esprit maintenant, comme jadis ce fut l'Israël
selon la chair — abandonne sa Parole et sa direction, cherche à
s'allier avec les nations qui ne connaissent point Dieu et à mélanger la
vérité divine avec les philosophies du monde, il le fait à ses risques
et périls qu'il ne discerne pas ; aussi ferait-il bien de noter comment
Dieu rétribua son peuple jadis, et prenne garde.
On peut discerner clairement plusieurs résultats très défavorables du
Congrès :
(1) Il introduisit dans l'esprit déjà mal établi des chrétiens les
diverses philosophies païennes dans leurs aspects les plus favorables.
Par la suite, nous avons appris que l'un des délégués de l'Inde venus
au Congrès — M. Virchandi R. Gandhi, de Bombay, secrétaire de la Société
jainiste — était retourné en Amérique pour propager ses idées, en
installant son quartier général à Chicago. Nous citons ci-après ce qui
a été publié sur ses desseins :
« M. Gandhi ne vient pas pour faire des prosélytes. La règle de la foi
jainiste interdit cela, mais il vient pour fonder une école de
philosophie orientale dont le siège sera à Chicago avec des branches à
Cleveland, Washington, New York, Rochester et d'autres villes. Il ne vient
pas en missionnaire pour convertir des Américains à une forme quelconque
de l'hindouisme. Selon son idée personnelle, « la véritable idée
du culte hindou n'est pas l'esprit de propagande, mais un esprit — un
esprit universel d'amour et de puissance, propre à la réalisation de la
fraternité — non de la fraternité humaine seulement, mais de toutes
les choses vivantes, ce que les nations recherchent, disent elles, mais
qu'elles ignorent dans la pratique ». En gros, telles sont les
doctrines de son credo et le plan d'action qu'il envisage, ne demandant
pas aux Américains de s’unir à lui, mais désirant avoir leur coopération ».
Sans doute, l'impression faite sur de nombreux esprits, c'est qu'il n'y a
aucune certitude religieuse. Il fut même fait allusion à un tel résultat
par l'un des délégués de la Syrie, Christophore Jibara, qui déclara :
« Mes frères et sœurs dans le culte de Dieu : à présent, dans ce
Congrès religieux général toutes les religions sont, aux yeux du
monde entier, parallèles entre elles. Chacune de ces religions a des
partisans qui comprennent bien leur propre religion et la préfèrent aux
autres ; ils pourraient apporter quelques arguments ou raisons pour en
convaincre d'autres de la valeur et de la vérité de leur propre forme de
religion. A la suite de toutes nos discussions, un changement peut
intervenir on peut peut-être même élever des doutes sur
toutes les religions, ou supposer que toutes sont des croyances
identiques. Par suite l'estime
qu'on a pour une religion donnée peut tomber diminuer ; on peut émettre
des doutes contre tous les livres inspirés, ou une froideur générale
peut advenir, et personne rester pour soutenir une religion certaine ;
beaucoup peuvent négliger entièrement les devoirs de la religion à
cause de l'inquiétude dans leur cœur et de l'opinion selon laquelle il
n'y a qu'une seule forme de religion. C'est justement ainsi que vont
les choses parmi de nombreux millions de personnes en Europe et en Amérique.
C'est pourquoi je pense qu'on devrait choisir, parmi les grandes
religions, un comité pour examiner les dogmes et pour faire une complète
et parfaite comparaison, en approuvant la vraie religion et en la
proclamant au peuple ».
(2) Il créa une amitié spéciale entre « Babylone la
grande, la mère des prostituées », l'église de Rome et ses
nombreuses filles, les diverses sectes protestantes, lesquelles se
glorifient à leur honte, et sont fières de posséder cette amitié peu
honorable.
(3) Il fit un grand pas, lequel sera suivi par d'autres déjà proposés,
vers l'affiliation, en quelque sorte, de toutes les religions, vers une
union encore plus étroite entre l'église (nominale) et le monde. A la
dernière session du Congrès, le Président annonça qu'une « proclamation
de fraternité serait faite pour encourager, dans toutes les parties du
monde, la continuation de cet important travail dans lequel le Congrès de
1893 s'était engagé ».
(4) Ce Congrès démontra en pratique aux païens que les missions chrétiennes
ne sont réellement pas nécessaires, que les chrétiens eux-mêmes sont
dans l'incertitude quand à leur religion, que leurs propres religions à
eux, les païens, étaient suffisamment bonnes, s'ils les suivaient sincèrement,
et que le christianisme, pour le moins, ne peut être reçu qu'avec une
grande mesure d'incrédulité. C'est un sujet d'étonnement de remarquer
comment les représentants païens ont mesuré le christianisme nominal
(ou : de nom seulement — Trad.) ; comment ils ont distingué
clairement entre le christianisme de la « chrétienté » et le
christianisme de la Bible, et comment leurs réprimandes furent souvent,
administrées avec pénétration.
(5) Il proclama à la chrétienté désorientée : Paix ! Paix !
quand il n'y a point de paix, au lieu de sonner l'alarme, comme dit le
Prophète (Joël 2 : 1) : « Sonnez de la trompette en Sion, sonnez avec
éclat dans ma sainte montagne !... car le jour de l'Éternel vient ; car
il est proche » — et à les appeler tous à s'humilier sous la
puissante main de Dieu.
(6) Ce fut évidemment une mesure de prudence, manifestant les craintes
des conducteurs de la chrétienté alors qu'ils discernaient l'approche de
la détresse de ce jour de l'Éternel ; le mouvement commença dans l'église
presbytérienne confuse et perplexe. Ce cri de Paix ! Paix ! au
sein même de la tempête qui se lève nous rappelle la prophétie
« Quand ils diront : Paix et sûreté, alors une subite destruction
viendra sur eux » — 1 Thess. 5 : 3.
Que les enfants de Dieu ne se laissent pas tromper par les faux pronostics
de Babylone. C'est en Dieu seulement que nous pouvons trouver une sûre
retraite (Ps. 91). Rallions-nous étroitement autour de la croix de
Christ, notre seule espérance. Que la fraternité universelle entre les
fausses religions et le christianisme apostat prouve la valeur de cette
alliance, mais quant à nous ne reconnaissons que la fraternité en Christ
— la fraternité de tous ceux qui ont confiance en Christ seul pour leur
salut, par la foi en son précieux sang. Les autres hommes ne sont pas des
enfants de Dieu, et ne le seront pas jusqu'à ce qu'ils viennent à lui
par la foi en Christ comme leur Rédempteur, leur substitut. Ils sont les
« enfants de colère », comme nous en étions avant de venir à
Christ (Eph. 2 : 3), et certains sont les « enfants du Malin » dont
ils font les œuvres. Lorsque Dieu condamna à mort Adam et sa postérité,
à cause du péché, ils ne lui appartinrent plus et ils ne furent plus
traités par lui comme des fils. Ce n'est que lorsque les hommes viennent
à Christ par la foi en son précieux sang, qu'ils sont réintégrés dans
cette parenté bénie avec Dieu. En conséquence, si nous ne sommes plus
les enfants de colère, mais appartenons à Dieu comme ses fils par
Christ, les autres hommes que Dieu ne reconnaît plus ainsi, ne sont en
aucun sens nos frères. Que tous les enfants de lumière veillent et
soient sobres (1 Thess. 5 : 5, 6) que les soldats de la croix soient
vaillants pour la vérité et ne reçoivent aucun autre évangile, même
s'il était proclamé par un ange du ciel (Gal. 1 : 8) ; qu'ils ne concluent aucune union avec aucune classe
sauf celle des consacrés et ces fidèles disciples de « l'Agneau de Dieu
qui ôte le péché du monde ».
Tandis que l’église nominale est ainsi désireuse et impatiente de se
compromettre et de s'unir avec toutes les religions païennes du monde en
une grande « religion du monde », qui perpétuerait
toutes leurs fausses doctrines et mauvaises pratiques, écoutons certains
aveux et certains exposés de faits de la part d’autres personnes qui ne
sont pas si infatuées de l'idée d'unité religieuse ; ces faits
montrent la condition déplorable du monde, les résultats pernicieux des
fausses religions et l'impossibilité absolue d'espérer convertir le
monde par le moyen de l'église dans sa condition actuelle. Ce n'est que
lorsque l’Église — non pas la fausse, mais la vraie Église, dont les
noms sont écrits dans les cieux les loyaux et fidèles consacrés engendrés
et conduits par l'esprit de Dieu — sera revêtue de la puissance
d'en-haut, ce n'est que lorsqu’elle aura atteint son plein développement
et qu'elle aura été exaltée avec Christ dans le Royaume millénaire,
qu'elle sera capable d'accomplir la conversion du monde à Dieu et à sa
droiture (*). [Écrit en 1897 — Trad.]
Extrait d'un numéro de Missionary Review d'il y a quelques années,
nous avons l'aveu suivant de l'échec de l’église dans le travail de
conversion du monde :
« Un milliard d'âmes, soit les deux tiers de la race humaine, sont
des irréligieux, des païens, des mahométans ; la plupart d'entre eux
n'ont encore jamais vu une Bible, ni entendu le message de l'évangile.
Vers ce milliard d'âmes, moins de 10 000 missionnaires protestants,
hommes et femmes compris, sont envoyés par les églises de la chrétienté.
Le Tibet, presque toute l'Asie centrale, l'Afghanistan, le Béloutchistan,
presque toute l'Arabie, la plus grande partie du Soudan, l'Abyssinie et
les Iles Philippines sont sans un missionnaire. De grandes étendues de la
Chine occidentale, de l'État libre du Congo oriental et central, de
grandes parties de l'Amérique du Sud et beaucoup des îles de la mer sont
ou presque, ou totalement inoccupées ».
Une petite brochure, intitulée « Un siècle de Missions
protestantes », par le Rév.
James Johnston, F.S. S. [Fellow of the Statistical Sociéty — Trad.]
donne les chiffres suivants, lesquels, remarque-t-on sont « suffisamment
effrayants pour électriser la chrétienté ». D’après cette
brochure : (1) Le Protestantisme a gagné 3 000 000 de convertis sur
le paganisme au cours des cent dernières années, tandis que le nombre de
païens a augmenté durant cette même période de 200 000 000 au moins.
(2) L'avance rapide du paganisme n’est pas due seulement à
l’augmentation naturelle des populations païennes, mais au fait que les
adhérents de Brahma, de Bouddha et de Mahomet peuvent se vanter d'un plus
grand nombre de convertis à leurs credo que ne le peuvent les églises
protestantes. Ainsi, pour chaque converti au christianisme, que
l'hindouismea perdu, l'hindouisme en a gagné un millier des tribus aborigènes
de l’Inde qu'il absorbe constamment. Le bouddhisme fait de remarquables
progrès dans les dépendances septentrionales de la Chine, allant
jusqu’à suivre les émigrants chinois et à, édifier ses temples étranges
sur le sol de l'Australie et de l'Amérique. Pourtant, le plus
extraordinaire progrès de tous a été fait par le mahométisme. Dans
certaines parties de l'Afrique, il est en train de se répandre avec une
rapidité étonnante. Il en est de même, à une rapidité un peu moindre,
en Inde et dans l'Archipel. Ce sont là des faits que l'auteur se sent
obligé d'admettre, mais il s'efforce de calmer la critique en affirmant
que l'église peut encore accomplir la conversion du monde. Il essaie de démontrer
que les églises protestantes possèdent d'abondantes ressources, à la
fois en argent et en hommes, pour changer complètement la situation et évangéliser
le monde. Le Methodist Times, citant ce qui précède, exprime la même
opinion, en ajoutant avec jactance :
« Personne ne doit s'étonner des terribles faits que nous
avons brièvement rapportés... Dieu a si bien ordonné le cours
des événements pendant les cent dernières années, que nous sommes bien
capables de conquérir le monde païen au nom de l'Éternel. Ce que
nous avons fait prouve ce que nous aurions pu faire si nous avions fourni
nous-même les deux choses humaines essentielles : une politique
audacieuse et beaucoup d'argent ».
Un autre théoricien déclare : « Si nous avions un dixième du revenu
des membres de l'église, ce serait pleinement suffisant pour
tout le travail d'évangélisation dans le pays et à l'étranger. Ou
encore, si, pour le travail à l'étranger, nous avions un dixième de leurs
économies annuelles, après que toutes les dépenses de la famille sont réglées,
nous pourrions placer 12 000 missionnaires dans le champ immédiatement ».
Oui, l'argent est, la seule chose considérée comme nécessaire. Si l'église
nominale pouvait susciter seulement assez d'esprit d’abnégation pour
obtenir un dixième du revenu des membres de l'église, ou même un dixième
de leurs économies annuelles, elle commencerait à avoir plus d'espérance
quant au salut du monde. Mais c'est là l’un des traits les moins
encouragements de l'espérance illusoire. Ce serait plus facile de
convertir à demi les païens à professer le christianisme, que de
vaincre dans cette mesure l'esprit du monde qui règne dans les églises.
Toutefois, si l'on pouvait placer immédiatement dans le champ étranger
les douze mille missionnaires en question, auraient-il plus de succès que
leurs frères dans notre pays favorisé ? Écoutez la confession
pertinente de feu le Rév. T. Dewitt Talmage, le ministre protestant bien
connu. Il déclara, ainsi que le rapporte The Christian Standard :
« Oh ! nous avons une organisation d'église magnifique dans ce pays ;
nous avons soixante mille ministres ; nous avons de la musique de grande
valeur nous avons de grandes écoles du dimanche, et pourtant, je vous
communique le fait effrayant de la statistique que dans les vingt-cinq
dernières années, les églises dans ce pays ont opéré moins de deux
conversions en moyenne chaque année.
« Il y eut dans les églises une moyenne de quatre ou cinq décès.
A ce compte-là, quand ce monde sera-t-il amené à Dieu ? Nous en gagnons
deux : nous en perdons quatre. Éternel Dieu ! A quoi cela va-t-il aboutir
? Je vous dis carrément que, pendant que çà et là un régiment de
soldats chrétiens avance, l'église recule pour la plus grande partie
vers une terrible défaite de Bull Run (*). [Lieu historique en Virginie
(E.U.A.) où eurent lieu deux batailles de la guerre civile — Trad.]
Il y a quelque temps,
le Chanoine Taylor, de l'église anglaise, discutait la question :
Les missions chrétiennes sont-elles un échec ? et on lut le
document devant le Congrès de l'église anglaise. Il y trouva la cause de
l'échec dans le fait que la religion mahométane n'est pas seulement à
égalité avec le christianisme à certains égards, mais qu'elle est
beaucoup mieux adaptée aux besoins et aux capacités de nombreux peuples
de l'Asie et de l'Afrique, et qu'en raison de sa rapide progression
actuelle, le christianisme, lui, ne peut jamais espérer rattraper le
paganisme. En estimant l'excédent des naissances sur les décès en Asie
et en Afrique comme étant de 11 000 000 par an, et l'augmentation des chrétiens
de 60 000, il faudrait aux sociétés missionnaires 183 ans pour rattraper
l’augmentation annuelle de la population païenne. Le chanoine déclara :
« Extorquer aux enfants des écoles du dimanche les quelques sous de leur
tirelire dans le but ostensible de convertir « les pauvres païens », et
dépenser près de 12 000 livres par an pour des missions stériles dans
des pays où il n'y a pas de païens, me paraît être presque un crime,
celui d'obtenir de l'argent sous de faux prétextes ».
Selon lui, la cause des échecs missionnaires est le sectarisme, en
même temps qu'un manque de consécration totale à l’œuvre de la part
des missionnaires eux-mêmes qui s'efforcent de vivre comme des princes
entourés par des objets d'un plus grand luxe qu'en Europe. Ce faisant, il
fit allusion au Dr Legge, missionnaire établi depuis trente-quatre ans,
disant :
« Il pense que nous ne réussirons pas à convertir aussi longtemps que
le christianisme se montrera infecté par les dissensions acharnées au
sein des sectes chrétiennes, que les indigènes associent dans leur
esprit à l'ivrognerie, le dérèglement et le mal social gigantesque
visible parmi les nations chrétiennes. L'évêque Steere pensait que les
deux plus grands obstacles au succès étaient les querelles parmi les
missionnaires eux-mêmes et la rivalité entre les sociétés ».
Cependant, le Chanoine Taylor et beaucoup d'autres, dont les voix
se firent entendre au grand Congrès religieux, voudraient réduire la
critique au silence en nous disant que les religions païennes sont
suffisamment bonnes, et mieux adaptées aux besoins des pays respectifs
que le serait le christianisme. Nous tirons une tout autre suggestion du
rapport de feu Foster, évêque de l'église épiscopale méthodiste qui,
après un voyage prolongé autour du monde il y a des années, donne
l'image suivante des tristes conditions du monde dans les ténèbres du
paganisme ; il déclara :
« Rappelez-vous toutes les images de la pauvreté et de la dégradation
que vous ayez jamais vues dans les lieux solitaires de la misère la plus
extrême (ces tristes exemples dont l'horreur vous a hantés après les
avoir vus, ces lieux lugubres d'ordure et de saleté repoussante) :
rassemblez toutes ces images en un seul tableau, que ne vient adoucir la
simple ombre d'un clair-obscur ou d'une lumière colorée, et suspendez-le
au-dessus de la moitié du globe ; il n'atteindra pas encore la réalité.
Vous devez y ajouter la perspective terrifiante que cela durera sans issue
; vous devez faire abstraction de tout espoir, et même de toute
aspiration. Le trait caractéristique du paganisme, c'est la pauvreté.
Vous n'avez jamais vu la pauvreté. C'est un terme dont vous ignorez la
signification. Ce que vous appelez la pauvreté c'est la richesse, le
luxe. Ne pensez pas que ce soit occasionnel, dans les parages seulement
exceptionnel dans des lieux de misère plus profonde, non ; elle est
universelle, à l'échelle d'un continent. Ajoutez à cela la faim, la
nudité, la bestialité ; enlevez-en tout espoir d'avoir quelque chose de
mieux demain : emplissez l'Afrique de cela, l'Asie ; peuplez la vision
d'hommes, de femmes et d'enfants comprenant plus de vingt fois la
population de toutes vos grandes cités, de vos villes, de vos villages et
de vos régions rurales, vingt pour chaque individu dans tous vos États
et vos territoires, et le tableau ne dépeint pas encore la réalité.
« Placez maintenant, dans ce tableau, l'ombre morale de l'absence de
Dieu, d'espérance ; pensez à ces millions de misérables, vivant comme
des bêtes dans ce monde et n'anticipant rien de mieux dans le monde à
venir. Ajoutez à ce tableau le souvenir que ces misérables sont des êtres
qui ont la même nature humaine que la nôtre, et considérez que, parmi
ces millions d'êtres, il n'y a aucun cœur qui n'ait pas de désirs
humains, et qui ne puisse être purifié et ennobli ; que ces pays,
sous le destin d'une telle infortune, pourraient égaler, et nombre
d'entre eux surpasser même le pays dans lequel nous vivons, s'ils avaient
ce que nous pourrions leur donner. Peignez un ciel sans étoiles, représentez
la nuit, couvrez de ténèbres et à perte de vue les montagnes, étendez
de sombres linceuls le long des rivages et des paysages, assombrissez tout
le passé, laissez l'avenir se draper d'une nuit plus profonde, toujours
plus profonde, remplissez les terribles ténèbres d'hommes affamés, au
visage triste, de femmes réduites au chagrin et d'enfants sans espérance
: tel est le monde païen, le peuple vu en vision par le prophète
d'antan, « qui s'assied dans la région et l'ombre de la mort » ;
à qui n'est encore parvenue aucune lumière, qui se tient là assis,
tranquille, à travers la longue, longue nuit, en attendant et en guettant
le matin.
« Un milliard d'êtres dans la région et l'ombre de la mort, dans
la même région où leurs pères ont vécu il y a vingt-cinq siècles,
attendant silencieux, traversant la vie dans un dénuement si extrême
qu'ils ne sont pas capables de pourvoir à leurs besoins les plus élémentaires
; des millions d'entre eux subsistent grâce à des racines et à des
herbes et aux provisions précaires que la nature, indomptée par la
raison, leur fournit. Ceux d'entre eux qui vivent sous des formes de
gouvernement et dans une semi-civilisation lesquelles, dans un sens, réglementent
la propriété et imposent le travail, ne disposent pas après que leurs
tyrans les ont dépouillés de leur salaire, de trois « cents »
par jour [le « cent » est la centième partie d'un dollar — Trad.] en
moyenne ou son équivalent pour se nourrir, eux et leurs enfants, pas
assez pour nourrir un animal ; des multitudes d'entre eux ne sont pas
même à moitié nourries, pas même à moitié vêtues ; elles vivent
dans des étables et des taudis qui ne conviennent même pas au porc, sans
provision d'aucune sorte pour leurs besoins humains. Opprimées par la
tyrannie de la force brutale jusqu'à ce que toutes les caractéristiques
de la nature humaine leur soient enlevées, sauf la station droite et
leurs désirs indéracinables, muets et aveugles d'avoir ce qu'elles ne
savent pas, tels sont les païens, hommes et femmes, nos frères et sœurs.
« Les ombres farouches et redoutables du tableau nous glaceraient si
elles n'étaient pas rejetées dans le lointain, et si l'imagination ne
l'embellissait et ne le dorait. De notre point de vue d'indifférence
confortable, ces ombres sont entièrement cachées. Elles sont trop loin,
et nous sommes trop accaparés par nos plaisirs pour les voir ou même
pour y penser. Elles n'émergent pas du tableau, et si d'aventure nous y
pensons, ce n'est pas à la lumière de la réalité, mais à celle de la
trompeuse fantaisie. Nous voyons les grandes cités et la magnificence des
Mikados et des Rajahs, les pompes des cours, la beauté voluptueuse des
paysages, tout cela transfiguré par l'imagination et par la lumière éclatante
et trompeuse que jettent sur eux les agences de voyage. La vision nous
enchante. Si nous voulons pénétrer davantage la question des foyers
humains et leur condition religieuse, nous sommes de nouveau attirés par
les grands temples et par les descriptions fantaisistes de voyageurs de
quelque scène domestique pittoresque et attrayante. Nous sommes consolés.
Après tout, disons-nous, le monde païen n'est pas en si mauvaise
posture. Ils ont leur religion ; ils ont leurs plaisirs. Telle est la pensée
réconfortante avec laquelle nous contemplons le monde. Oh ! illusion
fatale ! Le véritable tableau se trouve dans l'ombre. Les millions
d'individus misérables, pécheurs, qui marchent à tâtons, sans Dieu et
sans espérance, sans foyer, abrutis, sans amis, nés pour hériter d'une
nuit sans rayons, et destinés à vivre et à mourir dans les ténèbres
sans étoiles, ceux-là, on ne les voit pas. Ils sont là, se déplaçant
furtivement dans ces ombres de la mort, décharnés, affamés, nus et sans
espoir, presque des bêtes ; ils ne sont pas quelques-uns seulement, tapis
dans les sentiers, et se cachant à leurs semblables, mais ils sont des
millions et des millions, remplissant tous ces pays dépeints par
l'imagination, grouillant dans les rues et les avenues de leurs
magnifiques cités, et qui nous terrifieraient par leur multitude, si nous
ne pouvions faire autrement que de les voir. C'est là que leurs ancêtres
ont vécu et sont morts sans espérance. C'est là qu'ils traînent leur
misérable vie. C'est là que leurs enfants sont nés pour le même
destin. C'est là que, vivants ou mourants, personne ne prend soin de leur
âme.
« Tel est le monde non chrétien. Il possède de grandes cités, de
grands temples, de magnifiques mausolées, quelques tyrans choyés qui
s'affublent d'ornements en or, mais la splendeur exagérée de ses
sanctuaires et de ses trônes s'abat sur un arrière-plan de nuit obscure,
dans lequel les millions d'individus se tapissent dans la peur, la faim et
la misère. Je les ai vus, dans leurs tristes foyers et leurs orgies
diaboliques, depuis le Bosphore jusqu'au Gange, dans leurs temples et à
leurs festins, accroupis et agenouillés devant des idoles grimaçantes,
des statues de pierre et des dieux en forme de singes ; je les ai vus
traînant à travers les rues et le long des grand-routes ; j'ai vu leurs
visages sombres, désespérés, affamés, et jamais l'on ne peut oublier
cette image.
« Nous devrions, je pense, convenir que, dans le monde non chrétien, il
n'y a aucune espérance pour l'homme. Il n'a rien à nous donner, ni un
rayon, ni une miette. Tel un poids lourd, il pend au cou de la race en
l'enfonçant de plus en plus dans la nuit, dans la mort. Son haleine même
est contagieuse. Son contact, c'est la mort. Sa présence nous terrifie
comme un gigantesque spectre émergeant du royaume de la nuit, dominant et
gouvernant à travers les siècles et aveuglant tous les âges.
« Je ne soulève pas la question de savoir si, oui ou non, on peut dans
le monde à venir sauver ces innombrables millions d'individus. Je
n'affirme pas qu'en leur donnant l'évangile, cela améliorerait leurs espérances
ou augmenterait en quoi que ce soit leur chance dans cette direction. Il
est possible qu'il y en aura, parmi eux, autant qui seront sauvés sans l'évangile
qu'avec lui. Cette question ne fait pas partie du problème que je suis en
train de discuter, savoir la perspective du monde, j'entends celle du
temps, non celle de l'éternité. Si mon esprit pouvait un jour être
accaparé par la terrible idée que le monde entier doive, de toute nécessité,
être perdu à jamais simplement parce qu'il est païen, je ne lui
enverrais pas un Évangile qui lui révèle un tel Dieu. Cette cruelle
pensée seule interdirait toute espérance pour le monde et ferait de l'éternité
elle-même un cachot, sans égard à qui pourrait être sauvé. Car,
comment une créature sensée quelconque pourrait-elle profiter même d'un
ciel avec un Dieu dont le gouvernement pourrait permettre une telle tache
de honte et de déshonneur, de cruauté et d'injustice ? Allez convaincre
des hommes qu'il y a un Dieu à la tête de l'univers qui, sans qu'il y
ait faute de leur part ou sans aucune chance d'échapper, damnerait les
morts, les vivants, et les millions à venir du paganisme, et qui, en même
temps, ferait de la terre une gigantesque terreur où d'effrayantes
horreurs ne permettraient aucun soulagement, et vous rendrez à jamais
impossible l'adoration d'un tel Dieu sauf par des démons, et par eux
seulement parce qu'il devient leur chef ».
L'évêque mentionna également le fait que, si la population du monde est
estimée à 1 milliard 450 millions [à l'époque — Trad.], près de 1
milliard 100 millions ne sont pas des chrétiens, et que beaucoup (oui,
presque tous) des chrétiens de nom sont soit des païens, soit des
anti-chrétiens. Ensuite, à cause de l'échec de l'église dans la
conversion du monde en dix-huit cents années, et de l'impossibilité
d'espérer y arriver, il tenta de dégager l'église de la responsabilité
qu'elle a assumée en suggérant que ces millions de païens doivent être
sauvés sans avoir foi en Christ. En outre, pour dégager en quelque sorte
Dieu de la responsabilité de la détresse actuelle parmi les hommes, il déclara
: « Dieu fait du mieux qu'il peut avec le pouvoir qu'il a reçu ».
Il y a quelques années, The Church Times publia un article rédigé
par un Maori dont les extraits suivants sont très suggestifs quant à la
cause de l'échec de l'église pour éclairer le monde à un degré
notable quelconque. A l'origine, la lettre avait paru dans un journal de
la Nouvelle-Zélande, et est ainsi conçue :
« Il y a quelques jours, vous avez publié le compte rendu de ce qui
s'est passé lors d'une réunion de Maoris convoquée par l'évêque de l'église
église de Christ. J'étais présent à la réunion, et je désire que
vous me donniez une occasion de répondre à l'une des questions posées
par l'évêque, savoir : « Pourquoi le feu de la foi chrétienne est-il
si bas parmi le peuple Maori dans mon diocèse ? » Je veux vous dire
quelle en est, selon moi, la raison. Nous, Maoris, sommes rendus confus
et perplexes dans nos esprits par la manière extraordinaire selon
laquelle vous, Européens, traitez votre religion, Personne, parmi vous,
ne semble être sûr qu'elle signifie quelque chose ou rien. Sur
l'invitation des premiers missionnaires, à la religion de nos aïeux
qu'ils disaient être fausse, nous avons substitué celle qu'ils nous ont
dit être la vraie. Nous avons accepté le Livre contenant l'histoire et
les préceptes de la « Vraie Religion » comme étant réellement la
Parole de Dieu qui nous lie, nous ses créatures. Nous avons
journellement, matin et soir, offert un culte au Créateur dans chaque pah
[camp fortifié indigène en Nouvelle-Zélande — Trad.] et dans chaque
village à travers la Nouvelle-Zélande. Nous avons observé le septième
jour comme saint, nous abstenant de toute forme de travail afin de
respecter le commandement divin, et pour la même raison, nous avons aboli
l'esclavage et la polygamie, bien qu'en agissant ainsi nous ayons complètement
désorganisé notre système social, réduit nos gens à la pauvreté et
infligé beaucoup de peine à ceux qui furent forcés de trancher certains
des liens les plus tendres de la parenté humaine. Juste au moment où
nous commencions à apprendre à nos enfants à connaître Dieu et à lui
obéir comme il est manifesté en Jésus-Christ, des Européens vinrent en
grand nombre dans ce pays. Ils visitèrent nos villages et parurent
très amis, mais nous remarquâmes qu'ils n'avaient pas, à l'égard
de la Bible, le même respect que celui que nous, des novices, avions. Les
catholiques romains nous déclarèrent qu'eux seuls connaissaient la véritable
interprétation, et qu'à moins de nous unir à eux, nos âmes seraient
perdues. Les baptistes suivirent, qui ridiculisèrent notre présentation
d'enfants à Christ dans le baptême, et qui nous déclarèrent que
n'ayant pas été immergés, nous n'étions pas du tout des chrétiens
baptisés. Ensuite vinrent les presbytériens, qui dirent que la charge
d'un évêque n'était pas scripturale, et qu'en ayant accepté d'être
confirmés par l'évêque Selwyn, nous avions accompli une cérémonie dénuée
de sens. Plus tard vinrent les Frères de Plymouth, qui nous déclarèrent
que Christ n'avait jamais institué une église visible ou un ministère
quelconque, mais que chacun devrait être son propre ministre et fixer son
propre credo.
« Outre la confusion dans nos esprits, causée par l’exemple impie de
la majorité des Européens, et l'enseignement contradictoire donné par
les ministres de la religion, nous étions embarrassés par la manière
d'agir du gouvernement ; ce dernier, en effet, tout en professant être lié
par la loi morale contenue dans la Bible, n'hésita pas, lorsque nous devînmes
sans force, de manquer à ses promesses qu'il nous avait faites lorsque
nous étions plus nombreux et plus forts que les Européens. Grande fut
notre surprise quand le Parlement, composé non pas d'hommes ignorants, de
basse naissance, mais d'hommes du monde et de chrétiens déclarés, fit
enlever la Bible des écoles, et, tout en enjoignant aux instituteurs
d'instruire avec soin les enfants de la Nouvelle-Zélande en toutes sortes
de connaissances, leur déclara qu'en aucune façon, ils ne devaient leur
enseigner quoi que ce fût concernant la religion chrétienne. concernant
Dieu et ses lois. Mon maître païen m'enseignait à craindre et à révérer
les Puissances invisibles, et mes parents m'enseignaient à discipliner
chaque action de ma vie en obéissant aux Atuas qui me puniraient si je
les offensais. Mais, dans les écoles de ce pays chrétien, mes enfants ne
sont pas enseignés maintenant à respecter aucun être au-dessus d'un
agent de police, ou de craindre aucun juge de leurs actions au-dessus d'un
Magistrat Résident.
« Je pense, lorsque l'évêque de l'église de Christ nous a posé
l'autre jour la question à laquelle j'ai déjà fait allusion, que nous
aurions bien pu lui demander de nous dire d'abord pourquoi le feu de la
foi était si peu ardent parmi son propre peuple. Nous aurions pu citer
des paroles appropriées de ce Livre que le peuple anglais désire voir
prendre par tous sauf par lui-même comme règle de vie, et le révérer
comme étant la Parole du Dieu vivant : « Médecin, guéris-toi
toi-même ».
« Des Maoris ignorants peuvent-ils être blâmés pour leur tiédeur
au service de Dieu dont l'existence, d'après l'un de ses ministres ordonnés,
ne peut être prouvée par aucun homme dans la chrétienté ? Je pense
souvent, monsieur, que mes enfants auraient eu plus de chance à devenir
des hommes et des femmes honorables et auraient eu une meilleure espérance
de bonheur quand viendra le moment pour eux d'entrer dans le monde
invisible et d'y rencontrer leur Créateur, si, comme le premier roi Maori
(Potatu) j'avais refusé de confesser ouvertement votre religion jusqu'à
ce que (ainsi qu'il le déclara) : Vous eussiez déterminé entre vous ce
qu'est vraiment la religion ». Il est mieux, je pense, de croire réellement
au monde spirituel invisible qui a soutenu mes ancêtres que de faire
semblant de croire à ce que le peuple européen nous a demandé de
substituer à notre croyance.
Vôtre, etc.
« Tangata Maori »
L'extrait suivant d'un article paru dans la North American Review
de Wong Chin Foo, Chinois instruit, diplômé de l'un de nos collèges de
New England, donne de la même façon des raisons suggestives de préférer
la religion de ses pères au christianisme. Wong Chin Foo écrivait :
« Né païen et élevé en païen, j'ai appris et pratiqué ses règles
morales et religieuses, et agissant en conséquence j'étais utile à
moi-même et à beaucoup d'autres. Ma conscience était claire, et mes espérances
quant à la vie future n'étaient troublées par aucun doute perturbateur.
Mais, vers l'âge de dix-sept ans, je fus transféré au sein de votre
clinquante civilisation, et à cette période impressionnable de la vie,
le christianisme se présenta, tout d'abord à moi sous ses aspects les
plus séduisants ; de bons amis chrétiens devinrent particulièrement
soucieux de mon bien-être matériel et religieux, et je n'étais que trop
désireux de connaître la vérité. Puis, on me persuada de vouer ma vie
à, la cause des missions chrétiennes. Seulement, avant de m'engager dans
cette haute mission, je devais d'abord apprendre la doctrine chrétienne
que j'allais enseigner, et c'est ici que je fus désorienté devant la
multiplicité des sectes, chacune d'elles revendiquant le monopole de la
route unique et étroite vers le ciel.
« Je ne pénétrai dans le Presbytérianisme que pour en sortir effrayé
d'une croyance en un Dieu sans miséricorde qui avait depuis longtemps voué
la majorité de la race humaine sans secours à un enfer éternel. Prêcher
une telle doctrine à des païens intelligents n'aurait fait que lever
dans leur esprit des doutes sur ma santé mentale, à moins de me prendre
pour un menteur. Ensuite, j'examinai les doctrines baptistes, mais j'y
trouvai tant de sectes de formes différentes, en conflit sur les mérites
de l'initiation à l'eau froide, sur la méthode et le moment de
l'employer, que je devins écœuré de telles banalités ; la question de
communion, étroite ou non, m'a donné seulement la conviction que
certains étaient mesquins et exclusifs avec leur morceau de pain et leur
vin, et d'autres un peu moins. Le méthodisme me fit l'effet d'une
religion de tonnerre-et-d'éclair, toute de déclarations et de bruit.
Vous veniez en contact avec elle, ou elle venait en contact avec vous, tel
un spasme, et ainsi vous « expérimentiez » la religion. Les Congrégationalistes
me rebutèrent par leurs manières affectées, par leur conscience
personnelle d'être vraiment bons, ainsi que par leur désir de n'avoir
que des membres très dignes. L'unitarisme me parut douter de tout, même
de lui-même. Pour un certain nombre d'autres sectes protestantes basées
sur quelque nouveauté ou quelque excentricité, tel que le Quakerisme, je
ne trouvai pas qu'elles fussent dignes d'être étudiées par un non-chrétien.
Mais sur un seul point, cette masse de dissension protestante s'accordait
de tout cœur, à savoir une haine unanime du Catholicisme, la forme la
plus ancienne du christianisme. Quant au Catholicisme, il leur rendait
bien cette animosité. Il se déclarait avec hauteur la seule vraie église,
hors de laquelle il n'y avait aucun salut, en particulier pour les
protestants ; il déclarait que son principal prélat était le représentant
personnel de Dieu sur la terre, et qu'il était infaillible. On trouvait là
l'unité religieuse, la puissance et l'autorité avec la vengeance. Mais
en chœur, mes affectueux amis protestants me supplièrent de ne pas
aborder le Catholicisme, déclarant qu'il était pire que le paganisme —
en quoi je fus d'accord ; toutefois, la même sorte d'arguments me
convainquit également que le Protestantisme se plaçait dans la même catégorie.
En fait, plus j'étudiais le Christianisme dans ses diverses phases, plus
j'écoutais les critiques que les sectes s'adressaient réciproquement, et
plus cela me parut être de l' « airain qui résonne et des cymbales
retentissantes ».
« Appelez-nous des païens, si vous voulez, les Chinois sont encore supérieurs
quant à l'administration sociale et à l'ordre social. Parmi quatre cents
millions de Chinois, il y a moins de meurtriers et de voleurs en un an
qu'il n'y en a dans l'État de New York. Oui, il est vrai que la Chine
entretient un monarque voluptueux dont chaque caprice doit être satisfait
; pourtant, son peuple est le moins imposé du monde, n'ayant rien d'autre
à payer que l'impôt sur les terres cultivées, sur le riz et sur le sel
; cependant la Chine n'a pas un seul dollar de dette nationale...
« Les chrétiens font continuellement des histoires au sujet de la
religion ; ils bâtissent de grandes églises et font de longues prières,
et pourtant il y a plus de méchanceté dans le voisinage d'une seule
paroisse d'un millier de personnes à New York que parmi un million de païens,
sans église et sans sermon. Le chrétien parle longuement et bien haut
sur la manière d'être bon et d'agir avec charité. Tout est charité et
il n'y a aucune fraternité : « Tenez, chien, prenez votre croûte
et soyez reconnaissant ! » Aussi est-il surprenant qu'il y ait
plus de cœurs désespérés et de suicides en un an dans le seul état de
New York que dans toute la Chine ?
« La différence entre le païen et le chrétien est que le païen
fait le bien pour l'amour de faire le bien. Quant au chrétien, le peu de
bien qu'il fait, il le fait pour recevoir un honneur dans l'immédiat et
une récompense dans l'avenir ; il prête au Seigneur et désire un intérêt
composé. En fait, le chrétien est le digne héritier de ses ancêtres
religieux. Le païen fait beaucoup et en parle très peu, le chrétien
fait un peu de bien, mais quand il le fait, il désire le faire savoir
dans les journaux et le faire graver sur sa pierre tombale. Aimer les
hommes pour le bien qu'ils vous font est une idée chrétienne pratique,
non pour le bien que vous devriez leur faire par devoir humain. C'est
ainsi que les chrétiens aiment les païens, oui, les possessions des païens
; et l'amour des chrétiens croît en intensité, en proportion de ces
possessions. Lorsque les Anglais désirèrent l'or et le commerce chinois,
ils déclarèrent qu'ils désiraient « ouvrir la Chine à leurs
missionnaires ». Et l'opium fut le principal, en fait le seul
missionnaire dont ils s'occupèrent après qu'ils eurent forcé l'entrée
des ports. Cette introduction chrétienne infâme parmi les Chinois a causé
plus de mal, social et moral, en Chine, que toutes les agences
humanitaires du christianisme n'ont pu apporter de remède en deux cents
années. C'est sur vous, chrétiens, et sur votre avidité de l’or,
que nous faisons retomber le poids du crime qui en résulte ; des
dizaines de millions d'hommes et de femmes honnêtes et utiles envoyés
par ce moyen à la mort après une vie brève et misérable, en plus de la
prostration physique et morale qu'il entraîne même s'il ne tue pas prématurément
! Et cette grande calamité nationale fut Iancée sur nous à la pointe
des baïonnettes chrétiennes. Et vous vous étonnez que nous soyons des
païens ? Le seul point positif que les chrétiens ont imprimé sur le
paganisme est qu'ils sacrifieraient la religion, l'honneur, le principe,
comme ils sacrifient la vie, pour de l'or. Et, avec un air de sainteté,
ils déclarent aux pauvres païens : « Vous devez sauver votre âme
on croyant comme nous le faisons ! »…
« Faites aux autres ce que vous souhaitez qu'ils vous fassent »
ou « Aimez votre prochain comme vous-même » telle est la
grande loi divine que possèdent tant les chrétiens que les païens mais
que les chrétiens négligent. Voilà ce qui fait que je reste païen ! Et
j'invite instamment les chrétiens d'Amérique à venir à Confucius ».
La presse a rapporté l'exemple analogue d'une femme venant de l'Inde —
Pundita Ramabai — qui visita Boston il y a quelques années et se préparait
à retourner en Inde pour se mettre à enseigner les femmes de la caste
supérieure de l'Inde. Il ne lui fut pas facile de dire à quelle dénomination
des chrétiens elle appartenait. Un reporter lui posa la question, et
voici ce qu'elle répondit :
« J'appartiens à l'église universelle de Christ. J'ai rencontré de
bons Baptistes, de bons Méthodistes, de bons Épiscopaux et de bons
Presbytériens, et chacun d'eux m'a parlé de la Bible. Aussi me
semble-t-il préférable d'aller moi-même à la Bible et d'y trouver ce
que je peux de meilleur [Une sage décision]. Et là, je trouve Christ le
Sauveur du monde, et c'est à, lui que je donne mon cœur. Je fus baptisée
alors que j'étais en Angleterre, et je communie avec toutes les personnes
chrétiennes qui me le permettent. Je ne professe pas appartenir à une dénomination
particulière quelconque, car je veux retourner en Inde simplement comme
une chrétienne. Il apparaît à mon esprit que le Nouveau Testament, et
spécialement les paroles de notre Sauveur, constituent un credo
suffisamment complet. Je crois, ainsi que le Sauveur nous l'a enseigné,
et son message nous est parvenu par Jean, que Dieu est un esprit, qu'il
est lumière et amour ; qu'il a créé l'univers, qu'il l'illumine et le pénètre
; que Jésus, son Fils et son Serviteur, l'apôtre de notre foi, fut envoyé
par lui pour être le sauveur et le conducteur de ses enfants ; que tous
ceux qui croient en lui ont le droit d'être les fils de Dieu, et que le
saint esprit est notre guide et notre consolateur, le grand don de Dieu
par Christ ; qu'il n'y a qu'une seule Église et que tous ceux qui
reconnaissent Jésus comme leur Sauveur sont des membres de cette Église.
Je crois que tout ce qui est nécessaire pour mon salut me sera donné, et
je prie ardemment que Dieu veuille m'accorder la grâce de chercher et
suivre la vérité, et de faire sa volonté. A Boston, on m'a dit que j'étais
une unitaire, je leur ai dit que non. Je ne suis pas non plus une
trinitaire. Je ne comprends pas du tout ces inventions modernes. Je suis
simplement une chrétienne, et le Nouveau Testament m'enseigne ma religion ».
Les Japonais convertis au christianisme manifestèrent un esprit
semblable, leur noble conduite étant à la fois une sévère réprimande
aux églises nominales et à leurs credo, et un admirable commentaire sur
la puissance de la Parole de Dieu. De l'opinion qu'ils ont des credo de la
chrétienté, et de leur détermination de s'en tenir à la Bible seule,
nous avons le compte rendu suivant qui fut publié :
« Lorsque l'Empire japonais fut ouvert tout grand au commerce américain,
les églises américaines furent zélées à convertir ce pays à leurs
diverses confessions de foi. Les missionnaires qui y furent envoyés trouvèrent
que leur division serait une barrière effective au succès, et ils
convinrent de cacher leurs différences, de travailler ensemble pour des
âmes seulement, en présentant simplement un seul Dieu, et Christ crucifié
pour les pécheurs, jusqu'à ce qu'ils obtiennent une situation solide. La
dissimulation réussit si bien qu'en 1873, en raison des demandes de
moissons sectaires de la part des Conseils religieux américains, il fut
entendu que les convertis étaient suffisamment nombreux pour permettre
une division du butin.
« Cependant, lorsqu'on révéla avec soin la tromperie aux païens
convertis, une difficulté inattendue s'éleva. Ces chrétiens japonais
s'assemblèrent et rédigèrent une pétition dans laquelle ils exposèrent
la joie, la paix et la droiture qu'ils avaient trouvées dans le Christ Jésus
et objectèrent qu'on les divisait contrairement à la Parole et à
l'esprit de Dieu ; ils pressèrent les missionnaires, puisqu'ils
avaient confessé un tel état déplorable de choses dans leur propre
pays, de retourner en Amérique et de leur laisser à eux le soin de
poursuivre l'évangélisation du Japon.
« Des copies de cette pétition furent expédiées aux divers Conseils
par lesquels les missionnaires étaient entretenus et dirigés et des
agents furent envoyés sur place afin d'enquêter et de faire leur
rapport. L'un de ces agents dont la lettre fut publiée dans The
Independent (N.Y.), dit qu'à ces esprits à peine sortis des ténèbres
du paganisme, « les joies simples du salut éclipsent toutes autres
considérations » et il faudra beaucoup d'années avant qu'on puisse
les endoctriner dans les distinctions subtiles qui divisent la chrétienté ».
Néanmoins, ceux dont les « autres considérations » éclipsent les
« joies du salut » et empêchent de voir l'amour de Dieu, persévérèrent
dans l’œuvre de division. Ainsi qu'il le fait toujours, l'esprit de
Dieu incita ces âmes honnêtes à s'assembler au nom de Jésus seulement.
La chose la plus difficile dans le travail du missionnaire sectaire est d' « endoctriner
les convertis dans les distinctions subtiles qui divisent la chrétienté ».
Il y a très peu d'adhérents de n'importe quelle secte en Amérique qui
soient ainsi endoctrinés. Ils ont des préjugés et sont surchargés par
d'autres considérations que de réelles convictions. Un très faible
pourcentage a intelligemment conscience des professions de foi et des
distinctions par lesquelles ils sont séparés des autres sectes ».
Tels sont les sentiments de païens intelligents, égarés et troublés
par les fausses représentations du caractère et des doctrines de Dieu.
Cependant, nous nous réjouissons de savoir que, malgré le conflit des
credo et, la conduite peu chrétienne de multitudes de soi-disant chrétiens,
et des prétendues nations chrétiennes, tous les efforts missionnaires
chrétiens parmi les peuples païens n'ont pas été vains, mais que çà
et là les semences de la vérité divine sont tombées dans des cœurs
bons et honnêtes et ont produit les fruits de la justice et d’un véritable
caractère chrétien. On ne peut toutefois pas porter de tels
fruits au crédit des credo, mais à la Parole et à l'esprit de
Dieu, malgré la confusion des credo humains. L’Éternel se rapporte aux
Écritures de l'Ancien et du Nouveau Testament comme « Mes deux témoins »
(Apoc. 11 : 3), et ceux-ci ont porté
avec fidélité leur témoignage à toutes les nations.
Quand à savoir si les gens de religion païennes seront ou non disposés
à s'affilier à la chrétienté nominale, nous n’avons aucune
indication affirmative. Au contraire leurs représentants au Congrès
mondial des Religions furent surtout impressionnés par l'infériorité de
la religion chrétienne par rapport, et selon leur estimation, à la leur
propre ; cependant, la « sûre parole de la prophétie »
indique très clairement que les diverses sectes protestantes formeront
une union de coopération ou fédération, et que le catholicisme et le
protestantisme s'associeront, sans perdre ni l'un ni l'autre leur propre
identité. Ils constituent les deux extrémités des cieux ecclésiastiques
qui, au fur et à mesure que leur confusion augmentera, s'enrouleront comme
un livre (Ésaïe 34 : 4 ; Apoc. 6 : 14) pour leur propre protection,
mais comme des livres distincts et séparés, tout en étant très proches
l'un de l'autre.
Afin d'atteindre ce but désiré, les protestants se montrent prêts à
faire à peu près n'importe quel compromis, tandis que, de son côté, la
papauté a pris une attitude plus conciliante. Tout observateur
intelligent est au courant de ces faits, et tout lecteur de l'histoire
connaît le caractère pernicieux de ce grand système antichrétien qui
discerne maintenant, dans la grande confusion du protestantisme, une
occasion pour lui-même de reprendre sa puissance. Aussi, bien que se
rendant compte qu'il a une force supérieure à celle du protestantisme
divisé, le grand système papal craint également la crise qui s'approche
et désire en conséquence avec une grande anxiété, l'union de la chrétienté,
papale et protestante, civile et religieuse.
L'extrait suivant d'un article écrit par un « père pauliste »
éminent, Walter Elliot, de la ville de New York et qui fut lu au Congrès
catholique colombien de 1893, montre que l'église de Rome veut tirer
parti de la confusion actuelle du protestantisme :
« L'écroulement des dogmes protestants est pour nous une
occasion favorable. Les dénominations, les « credo » les « écoles »
et les « confessions » tombent en pièces sous nos yeux. De grands
hommes ont édifié ces choses, et des hommes insignifiants peuvent les démolir.
Cette nouvelle nation ne peut considérer qu'avec dédain des
institutions [protestantes] dont la durée est à peine le double de sa
propre vie, laquelle est brève ; en outre, ces institutions sont
totalement surannées elle ne peut que considérer avec crainte et respect
une institution [l'église catholique romaine] dont l'existence est près
de vingt fois plus longue. Je vous assure que la vigueur de la jeunesse
nationale doit s'étonner de la fraîcheur de la religion éternelle
[catholique romaine], et qu'elle doit bientôt la saluer comme étant
divine. Les dogmes du protestantisme le plus ancien
disparaissent de la mentalité de notre peuple, ou bien en sont chassés ».
Dans une encyclique, le pape Léon XIII offrit une récompense aux
catholiques romains afin qu'ils prient pour la conversion des protestants
à l'église de Rome. Cette récompense consistait dans les suppressions
temporaires des souffrances du purgatoire. De son discours aux
protestants, qui constituait une partie de l'encyclique, nous citons les
paroles suivantes :
« C'est avec une charité fervente que nous nous tournons maintenant vers
ces gens qui, à une époque plus récente, sous l'influence de
convulsions exceptionnelles, d'ordre temporel et matériel, sortirent du
giron de l'église romaine. Oubliant les vicissitudes passées, qu'ils élèvent
leur esprit au-dessus des choses humaines, et, n'ayant soif seulement que
de vérité et de salut, qu'ils regardent à l'église fondée par Jésus-Christ.
Si, alors, ils veulent comparer leurs propres églises avec celle-là et
voir dans quelle situation la religion les a amenés, ils admettront aisément
que le flux et le reflux des variations religieuses ont emporté leurs églises
dans de nouveaux domaines, car, sur plusieurs points importants, elles ont
oublié les traditions primitives. Les protestants ne nieront pas que si
les auteurs du nouvel état de choses ont emporté avec eux certaines vérités
lorsqu'ils se sont séparés de Rome, il reste à peine de formules
certaines et ayant quelque autorité...
« Nous savons très bien que de longs et durs labeurs sont nécessaires
pour produire l'ordre de choses que nous voudrions voir se rétablir ;
certaines personnes pensent peut-être que nous avons de trop hautes espérances,
que nous poursuivons un idéal plus désirable que réalisable. Mais nous
mettons toute notre espérance et notre confiance en Jésus-Christ, le
Sauveur de la race humaine, en nous souvenant des grandes choses qui
furent accomplies par la prétendue folie de la croix prêchée au monde
sage qui en fut confondu et stupéfait. Nous demandons instamment aux
princes et aux gouvernants, au nom de leur prévoyance politique et de
leur sollicitude pour les intérêts de leurs peuples, de peser nos
desseins avec équité et de les appuyer par leur bienveillance et par
leur autorité. Si une partie seulement des résultats que nous attendons
aboutissait, le profit ne serait pas à dédaigner au temps actuel où
tout s'écroule rapidement et où la crainte de l'avenir vient s'ajouter
encore au malaise général.
« Le siècle dernier laissa l'Europe épuisée par des désastres et
encore tremblante des convulsions par lesquelles elle fut ébranlée. Le
siècle qui se termine ne pourrait-il pas léguer comme héritage à la
race humaine quelques garanties de concorde et l'espérance des immenses
bienfaits que l'on pourrait retirer de l'unité de la foi chrétienne ? ».
On ne peut nier que le protestantisme se rapproche de Rome. C'est ce qui
ressortait du Congrès des religions ou l'on accordera aux catholiques
romains une place prépondérante. C'est aussi ce qu'ont exprimé tous
ceux qui s'intéressent au mouvement de l'union des protestants. Le but
poursuivi est de faire alliance, sinon de s’unir à l'église de Rome.
L'un des articles de la confession de foi presbytérienne, qui dit que la
papauté est l'antichrist, est actuellement considéré comme offensant ;
on se propose de le changer.
La lettre suivante, qu'un pasteur méthodiste adressa au cardinal Gibbons
au sujet de l'union des églises, montre avec force que cette tendance
existe parmi les protestants :
Taunton, Mass.
« Cher Cardinal,
Vous êtes sans nul doute intéressé par le mouvement qui se produit au
sein des églises protestantes en vue d'arriver à l'union de tous. Si
cette réunion est pour se produire, pourquoi l'église catholique romaine
n'y serait-elle pas comprise ? L'église romaine n'a-t-elle pas une base
d'entente à proposer à laquelle nous puissions tous nous rallier ? Ne
peut-elle pas nous rencontrer en faisant des concessions qui peuvent être
temporaires, si elle croit que nous sommes dans l'erreur, jusqu'à ce que
nous ayons appris à connaître Christ et ses plans plus parfaitement ?
« Je suis certain d'une chose, que personnellement j'ai une tendance
croissante à considérer avec soin tout le bien que renferment les
diverses branches de l'église chrétienne, et je crois que je ne suis pas
le seul à penser ainsi. Meilleurs sentiments,
Geo. W. King, Pasteur de la première église épiscopale ».
Voici la réponse du cardinal :
Siège du Cardinal,
Baltimore.
« Rév. Geo W. King, cher Monsieur,
En réponse à votre estimée lettre, j'ai l'honneur de vous dire que vos
aspirations à la réunion de la chrétienté sont dignes de toutes
louanges.
« Cette réunion ne serait que partielle si l'église catholique en était
exclue ; elle serait même impossible, car il ne peut exister d'union
possible sans une base scripturale solide, et cette base consiste à
reconnaître Pierre et son successeur comme le chef (tête — Trad.)
visible de l'église église.
« Il ne peut exister de gouvernement stable sans un chef, ni dans la vie
civile, ni dans la vie militaire, ni dans la vie ecclésiastique. Chaque
État doit avoir son gouverneur, chaque ville doit avoir son maire ou son
chef municipal ayant un certain titre. Si les églises du monde cherchent
un chef, où en trouveront-elles un qui ait assez d'autorité, si ce n'est
à Rome ? C'est l'évêque de Rome, et non celui de Canterbury ou de
Constantinople.
« Quant aux conditions de l'union, elles sont plus faciles à
trouver qu'on ne se l'imagine. L'église catholique possède tout ce qu'il
y a de positif dans les doctrines des églises protestantes ; si ces dernières
voulaient reconnaître la suprématie juridique du pape, elles
accepteraient ensuite facilement ses autres doctrines. Vous êtes plus
rapprochés de nous que vous ne le pensez. Nombre de doctrines attribuées
à l'église romaine sont désavouées par cette dernière.
Meilleurs sentiments en Christ, J. Card. Gibbons ».
A celte lettre fut répondue la suivante. D'un commun accord de la part
des deux messieurs, les lettres furent rendues publiques dans l'intérêt
de l'union désirée.
« Cher Cardinal,
J'ai lu votre réponse avec beaucoup d'intérêt. Ne puis-je pas demander
maintenant s'il ne serait pas sage et bon que l'église catholique présente
aux églises protestantes une base possible d'union (en entrant
suffisamment dans les détails), un peu selon l'ordre des propositions de
Chicago-Lambeth faites par l'église épiscopale ? Je sais combien l'église méthodiste, et en vérité l'église chrétienne entière,
est mal comprise par beaucoup, et je conçois qu'il est plus que possible,
inévitablement, que l'église catholique soit également mal comprise et
mal jugée sur de nombreux points. L'église catholique ne peut-elle pas
corriger cette mauvaise compréhension de la part des protestants, dans
une grande mesure tout au moins, et cela ne hâterait-il pas l'union désirée
?
« Je crois que la condition actuelle de division dans laquelle se trouve
la chrétienté, est une folie, une honte et une disgrâce, et
j'accepterais volontiers une autorité centrale sous certaines conditions,
avec réserves ou restrictions.
Sincèrement à vous, Geo.
W. Kings ».
Les sentiments de la Société chrétienne d'encouragement à l'égard de
l'église de Rome, dirigée par les Jeunes gens du peuple, furent très
clairement manifestés lors de sa convention annuelle à Montréal, en
1893. Parmi les délégués à la convention se trouvait un Hindou bien
connu de Bombay (Inde), le Rév. M. Karmarkar, converti au christianisme
protestant. Dans les remarques qu'il fit devant la Société, il déclara
que le romanisme (la religion catholique romaine — Trad.) était un
obstacle à l’œuvre missionnaire en Inde. La déclaration rencontra une
très vive désapprobation à la convention, mais lorsque les quotidiens
catholiques romains en français s'emparèrent de l'affaire et publièrent
ce que l'Hindou avait dit, en y ajoutant avec colère des commentaires, la
session suivante de la convention fut troublée par un groupe agressif de
catholiques romains ; le président de la convention essaya alors
d'apaiser leur colère en se levant au sein de l'assemblée et en déclarant
que lui et les délégués n'étaient pas responsables de M. Karmarkar,
laissant ainsi leur invité supporter seul la violente de leur colère
parce qu'il témoignait courageusement à la vérité. Il est évident qu'à
cette convention M. Karmarkar était le seul protestant — le seul qui ne
craignait pas la bête, ne sympathisait pas elle, ni ne l'adorait (Apoc.
20 : 4). Voici quelles furent ses paroles mêmes, telles que les
rapporta The American sentinel d'août 1893 :
« Il y a une concordance remarquable entre le culte romain et le
culte hindou. Le romanisme n'est qu'une nouvelle étiquette sur les
vieilles bouteilles du paganisme contenant le poison mortel de l'idolâtrie.
Souvent les Hindous nous demandent, en assistant au culte romain : «
Quelle différence y a-t-il entre le christianisme et l'hindouisme ? ».
En Inde, nous avons à combattre non seulement le monstre de l'idolâtrie
à tête d'hydre, mais également la pieuvre du romanisme ».
Parmi les quelques voix qui s'élevèrent pour s'opposer à cette action
de la Société chrétienne d'encouragement, voici les résolutions qui
furent présentées lors d'une réunion patriotique des citoyens de
Boston, et adoptées à l'unanimité par deux mille personnes :
« Attendu que : lors de la convention de l'encouragement chrétien
qui se tient actuellement à Montréal, le Rév. S. V. Karmarkar a exposé
clairement et sincèrement les obstacles qui s'opposent au progrès du
christianisme en Inde, en mentionnant l'influence démoralisante de l'église
catholique romaine, ce qui a eu pour effet de soulever l'animosité des
catholiques romains français qui essayèrent alors d'empêcher par des
actes désordonnés la liberté d'expression dans une convention
protestante, en conséquence :
« Décidons : que nous, citoyens protestants de Boston,
approuvons pleinement le Rév. S. V. Karmarkar dans les faits qu'il a
franchement exprimés, et nous regrettons profondément qu'une assemblée
de chrétiens ait cherché à calmer des catholiques romains par un vote
(qui fut fort applaudi), en blâmant apparemment un homme de Dieu d'avoir
dit la vérité.
« Décidons : qu'une copie de ces résolutions soit envoyée aux
quotidiens patriotes, et expédiée au Rév. S. V. Karmarkar ».
Une autre institution populaire protestante, le Cercle littéraire de
Chautauqua, lors d'une de ses grandes conventions annuelles, envoya le
message suivant à une assemblée analogue de catholiques romains, fondée
plus récemment et située sur le Lac Champlain. Le message fut adopté
par un vote à l'unanimité et dans, un grand enthousiasme ; il déclarait
:
« Chautauqua envoie ses salutations et ses meilleurs voeux à l'École
estivale catholiques ». En réponse, le Président Vincent reçut du
Dr Thomas J. Conarty, Directeur de l'École
estivale catholique de Plattsburgh, Lac Champlain, ce qui suit : «
Les étudiants de l'École estivale catholique d'Amérique sont profondément
reconnaissants pour les cordiales salutations de Chautauqua et, en retour,
envoient les meilleurs vœux à Chautauqua ».
Un autre groupement de protestants, principalement des Covenantaires, est
fort désireux de faire revêtir à la nation le costume de profession chrétienne,
même si cela devait grandement déshonorer cette profession. Or, depuis
le début de son existence, notre nation a rejeté la doctrine du droit
divin des rois, et n'a jamais reconnu le droit à aucun homme de régner
comme « roi par la grâce de Dieu ». L'un des principaux objets de ce
Mouvement de réforme nationale comme il s'appelle, est d'imposer à tous
la stricte observance du dimanche comme jour d'adoration. Espérant
parvenir à leurs fins par un vote majoritaire du peuple, ils désirent
fortement voir leur influence renforcée par le vote des catholiques
romains. C'est pourquoi ils expriment leur consentement à faire presque
toutes les concessions, même celle de vendre leur liberté religieuse,
achetée avec le sang des martyrs, afin de gagner la coopération de l'église
de Rome. Écoutez leur proposition exprimée par le principal organe de la
dénomination, The Christian statesman :
« Toutes les fois qu'elle [l'église catholique romaine] désire coopérer
pour résister au progrès de l'athéisme politique, c'est avec joie que
nous nous joindrons à elle ». Puis : « Il est possible que nous
essuyions quelques rebuffades lors de nos premières offres, car le temps
n'est pas encore venu où l'église romaine consentira à conclure un
marché avec d'autres églises, comme telles ; pourtant, le temps est venu
de faire des avances répétées, et d'accepter avec joie de coopérer
avec elle de toute manière. « C'est l'un des impératifs de la
situation » — Rév. S. F. Scovel (Presbytérien).
Le même journal indique également quel est le devoir du
gouvernement des États-Unis :
« Notre remède pour toutes ces influences maléfiques est que le
gouvernement établisse simplement la loi morale, reconnaisse derrière
cette loi l'autorité de Dieu, et frappe toute religion qui ne s'y
conforme pas ». Oui, « les impératifs de la situation »
forcent les puissances religieuses de la chrétienté à prendre des
positions étranges, et il n'est pas besoin d'être un observateur très pénétrant
pour remarquer que les roues du progrès religieux font marche arrière,
ni pour conjecturer où la liberté religieuse sera brusquement supprimée.
Dans un article publié dans The Century Magazine, un membre du
clergé épiscopal, le Rév. F. H. Hopkins écrit :
« Je suis certain d'une chose : si, au temps de l'une quelconque des
grandes séparations parmi les chrétiens dans le passé, la condition de
l'église avait été ce qu'elle est aujourd'hui et si la mentalité et le
tempérament de ceux qui devinrent des séparatistes d'alors avaient été
les mêmes que ceux de leurs représentants d'aujourd'hui, aucune séparation
n'eût jamais eu lieu [Très vrai !]. Pour moi, ce changement des deux
parties est une preuve que le Dieu d'unité et d'amour, en son propre
temps et de sa propre manière, nous ramène tous ensemble en lui [Mais à
ceux qui ne sont pas intoxiqués par l'esprit ou le vin de la grande
Babylone (Apoc. 17 : 2), c'est une preuve du déclin de la piété vitale
et de l'amour de la vérité, et un témoignage que l'esprit de ce noble
mouvement de la Grande Réformation est mort] ».
Écoutez encore le témoignage plus raisonnable de I'Archidiacre Farrar.
En résignant ses fonctions de rédacteur en chef de The Review of the
Churches, il fit la remarquable déclaration suivante :
« La cause entière de la Réformation décline par négligence, et si
les laïcs rendus indifférents ne se réveillent pas à temps et ne font
pas valoir leurs droits comme participants à la prêtrise commune de tous
les chrétiens, ils se, réveilleront trop tard, et se retrouveront comme
membres d'une église qui est devenue en grande partie papiste chez tous,
hormis le nom ».
Nous voyons que, dans ce pays, l'église nominale, à la fois
papale et protestante, est en train de chercher la protection et la coopération
de l'État, que les diverses sectes sont en train de s'associer entre
elles pour une coopération et une défense mutuelles en ne tenant pas
compte de leurs désaccords doctrinaux et, en insistant sur leurs points
d'accord, et que toutes sont désireuses de s'unir rapidement à tout prix
pourvu que cela n'affecte pas leur politique. En Europe, au contraire,
nous assistons au phénomène quelque peu inverse. Là, ce sont surtout
les puissances civiles qui éprouvent de l'insécurité et du danger, et
en conséquence, elles s'attendent aux puissances ecclésiastiques pour
recevoir leur assistance dans toute la mesure possible. Ici, l’œil
languissant de l'église se tourne pour implorer l'État, tandis que là,
les trônes chancelants cherchent le soutien de l'église.
Telle est la fâcheuse condition de ce grand système qui est à présent
amené en jugement devant l'assemblée du monde, ce système qui se donne
lui-même et avec fierté le titre de chrétienté (Royaume de Christ),
mais que Christ avec promptitude et, avec force désavoue et appelle très
justement « Babylone ». Quelle absurdité évidente que d'appliquer
le nom de chrétienté aux royaumes de ce monde ! Les prophètes décrivent-ils
une telle condition de choses dans le glorieux Royaume de Dieu ? Le grand
Prince de Paix ira-t-il implorer les nations pour qu'elles reconnaissent
son autorité et, lui accordent ses droits de territoire, de richesse ou
de domination ? Mendiera-t-il la pitance du plus pauvre paysan ou
recherchera-t-il la protection du riche ? Ou bien, implorera-t-il ses sujets
de se remuer et d'exercer leur énergie défaillante pour soutenir son trône
chancelant ? Oh, non, avec dignité et autorité, quand viendra le temps
marqué, il prendra en main son grand pouvoir et commencera son règne
glorieux ; qui alors gênera ou obstruera sa voie ?
Ainsi y a-t-il un liement général des puissances existantes, à la fois
civiles et ecclésiastiques, et une dépendance des unes avec les autres ;
avec elles sont liés les intérêts de tous les riches, les grands et les
puissants, les intérêts des rois et des empereurs et des hommes d'état
et des lords et des femmes du monde et des fonctionnaires titrés et des
prêtres et des évêques, et du clergé de tous ordres, et des grands
capitalistes, et des banquiers et des sociétés détentrices de
monopoles, etc. La condition actuelle du conflit n'est que celle d'idées
qui s'entrechoquent et une préparation générale de la crise imminente.
Les puissances ecclésiastiques que les Écritures appellent les
puissances des cieux (les puissances spirituelles de nom) approchent les
unes des autres, et en vérité, « les cieux sont enroulés comme un
livre » ; mais « quand même ils sont comme des ronces
[car il ne peut y avoir chez les protestants qui aiment la liberté une
affiliation paisible et agréable avec l'esprit tyrannique de la papauté]
entrelacées, et comme ivres de leur vin [intoxiqués par l'esprit du
monde, le vin de Babylone], ils seront dévorés comme du chaume sec, entièrement
» (Nahum 1 : 10) dans le grand cataclysme de détresse et d'anarchie prédit
dans la Parole de Dieu comme étant l'introduction du Royaume millénaire.
* * *
Nous ne voulons pas dire que tous les chrétiens sont des « Babyloniens ».
Bien au contraire. De même que le Seigneur reconnaît qu'il y a de véritables
chrétiens dans Babylone et qu'il leur dit actuellement : « Sortez du
milieu d'elle, mon peuple » (Apoc. 18 : 4), ainsi
faisons-nous ; et nous nous réjouissons de croire qu'il existe
aujourd'hui des milliers de chrétiens qui n'ont pas courbé le genou
devant le Baal de notre époque, Mammon, l'Orgueil et l'Ambition. Un
certain nombre d'entre eux sont déjà « sortis du milieu d'elle »,
et le reste est encore soumis à la même épreuve sur ce point avant que
les fléaux soient répandus sur Babylone. Ceux qui aiment le moi, la
popularité, la prospérité temporelle, les honneurs des hommes plus
qu'ils n'aiment Dieu, et qui révèrent les théories et les systèmes
humains plus que la Parole de Dieu, ne sortiront pas de Babylone avant sa
chute et devront passer par la « grande tribulation »(Apoc. 7 : 9,
14). Mais ceux-là ne seront pas jugés dignes d'avoir part au Royaume :
comparer Apoc. 2 : 26 ; 3 : 21 ; Matt. 10 : 37 ; Marc 8 :
34, 35 ; Luc 14 : 26, 27.
Consolation dans l’affliction
Au fort de la détresse,
Seigneur, je crie à
Toi !
Dans l'obscurité
qui m'oppresse,
Je te sais près de
moi,
Humble, j'attends qu'arrive
L'instant libérateur
;
Déjà du levant
sort l'eau vive
Et du jour la lueur.
Écoute mes paroles
Et mes mornes
accents ;
Dans ta bonté, Tu
me consoles
Et, joyeux je me
sens.
A Dieu que soit la gloire !
Des eaux c'est le
retrait
La colombe après la
nuit noire
Tend le rameau de
paix.
L'ombre voile sa face,
L'effroi règne en
tous lieux,
Mais l'Éternel
montre sa grâce :
Son arc est dans
cieux.
( Hymne 231)
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